On devrait s’en réjouir, depuis le temps qu’on attendait une politique économique du gouvernement libéral. Cette « stratégie maritime » n’est pas que du vent, puisqu’elle sera dotée d’un budget de 300 millions par année. On devrait s’en réjouir et pourtant, une vague de colère m’envahit dès que je regarde en dehors de l’aquarium provincial dans lequel nous nous enfermons si souvent nous-mêmes.
Il s’agit de mettre dans la balance les contrats de navires fédéraux accordés par Ottawa à la Nouvelle-Écosse pour déchanter. D’un côté, Ottawa va déverser 75 milliards de dollars sur la Nouvelle-Écosse et son chantier maritime sur 30 ans et de l’autre, notre gouvernement provincial investira 133 millions sur cinq ans pour nos propres chantiers maritimes. Le gouvernement fédéral déversera donc 2 500 millions par année à Halifax et le gouvernement du Québec un misérable petit 27 millions par année pour l’ensemble de nos chantiers maritimes. C’est presque 100 fois moins.
Via les impôts et taxes que nous envoyons à Ottawa, le Québec financera à lui seul 500 millions par année pour enrichir la Nouvelle-Écosse. Nous allons donc mettre 20 fois plus de notre argent pour enrichir les autres que pour nous enrichir nous-même. Mais vous verrez, il y aura 20 fois plus de bruit autour de la stratégie maritime lilliputienne de M. Couillard, qu’autour des gigantesques contrats de navires fédéraux. On va nous faire un beau show son et lumière et de la belle publicité autour des miettes provinciales destinées à nourrir les petits poissons québécois.
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En sortant de l’aquarium provincial, on se rend compte que la Nouvelle-Écosse reçoit beaucoup plus de péréquation que le Québec en proportion de sa population. Les installations de la Marine et de la Garde côtière canadiennes à Halifax font aussi pleuvoir les dollars fédéraux. Et ces gigantesques contrats maritimes accordés au chantier Irving équivalent à une subvention de 25 000$ par personne, bébés compris.
Je me répète, mais c’est comme si le gouvernement fédéral donnait au Québec des contrats de 600 milliards de dollars sur 30 ans. 20 milliards par année!
Plus dépendant d’Ottawa que ça, tu meurs. Pourtant, jamais un ministre fédéral de la Nouvelle-Écosse n’oserait écrire dans un journal d’Halifax qu’il se désole de la dépendance de sa province vis-à-vis d’Ottawa. Sa carrière politique se terminerait sur le champ.
Chez nous, le ministre Denis Lebel a fait exactement cela, qualifiant le Québec de dépendant. Non seulement sa carrière se poursuit, mais le premier ministre Couillard a repris cette rhétorique méprisante, tellement provincialiste.
En 2011, le Québec a massivement voté pour le NPD, donnant à ce parti 59 de ses 103 députés. La Nouvelle-Écosse, de son côté, en a élu 3. Le poids du Québec au sein du caucus néodémocrate était donc 20 fois plus important que celui de la Nouvelle-Écosse. Quand Ottawa a accordé les contrats, on se serait attendu à ce que les élus québécois du NPD montent aux barricades et exigent que le Québec ait au moins une part de ces contrats. Même une petite part. Mais non.
Au lieu de se porter à la défense des intérêts de ceux qui les avaient élus, ils ont félicité le gouvernement Harper en déclarant que l’octroi de ces contrats était « un grand jour pour le Canada ». Le Québec se fait fourrer et les élus oranges scandent, le sourire aux lèvres, que c’est un beau jour pour le Canada!?!
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Rendu là, vous pensez que cette colère dont je parlais plus haut est dirigée contre le gouvernement fédéral ou contre le NPD, mais pas du tout. Comment en vouloir au gouvernement fédéral ou au NPD d’ignorer et de mépriser les intérêts du Québec, quand les Québécois eux-mêmes acceptent de se faire manger la laine sur le dos? Non seulement ils l’acceptent, mais les Québécois en redemandent, si on se fie aux sondages qui mettent le NPD en tête au Québec.
Depuis quelques semaines, je demande aux gens qui ont voté pour le NPD en 2011 de me donner une seule chose que le parti de Thomas Mulcair a fait pour le Québec depuis 2011. La seule réponse que j’obtiens, ce sont des bouches ouvertes, comme celles des petits poissons qui peuplent nos aquariums.
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On entend beaucoup d’hommages à M. Parizeau ces jours-ci et c’est la moindre des choses. On parle du grand mandarin, du gentleman, du chef politique déterminé et clair. On parle moins de l’envergure de sa vision, lui qui imaginait le Québec comme un pays, dans un vaste ensemble, nord-américain et mondial.
Tout le contraire de ce petit aquarium provincialiste dans lequel nous baignons actuellement.
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