L’AQF met la clef sous la porte

L’Association Québec-France disparaît après 44 ans d’existence, faute de fonds

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Notre héritage francophone à vau-l’eau

Le drapeau français ne flottera plus sur la place Royale à Québec. L’Association Québec-France (AQF) qui y avait son siège depuis des décennies fermera ses portes à compter du 30 juin. Avec la disparition de cette association fondée en 1971 (et qui est le pendant au Québec de l’Association France-Québec en France), c’est tout un pan de l’histoire des relations entre les sociétés civiles française et québécoise qui s’efface.

« La relation citoyenne franco-québécoise que nous entretenons depuis plus de 45 ans grâce au réseau des associations Québec-France et France-Québec et à leurs milliers de membres bénévoles n’a visiblement plus de valeur aux yeux des gouvernements français et québécois », a déclaré amer le président de l’AQF, André Poulin, à l’issue du conseil d’administration extraordinaire tenu le 24 avril.

Depuis près d’un demi-siècle, l’AQF anime au Québec un réseau de milliers de bénévoles regroupés dans 18 associations régionales participant à des centaines d’activités mettant en évidence les relations entre la France et le Québec. Tournées d’artistes, d’écrivains, conférences, prix littéraire, échange de jeunes entre municipalités françaises et québécoises, concours de slam. Tout cela est aujourd’hui remis en question.

La France se retire

À l’origine, ces associations jumelles jouissaient d’un financement croisé. Alors que le Québec subventionnait l’Association France-Québec (en France), la France soutenait Québec-France (au Québec). Or, depuis dix ans, la France a progressivement réduit sa contribution, le ministère québécois des Relations internationales (MRI) tentant tant bien que mal de prendre le relais. Avec pour résultat que, cette année, tant la France que le MRI ont annoncé le retrait de toutes leurs subventions à l’AQF. Sur les cinq projets proposés, la Commission franco-québécoise n’en a accepté aucun, laissant l’AQF avec un maigre 2000 $ (pour le prix littéraire Marie-Claire Blais) au lieu des 31 000 $ accordés l’année précédente. Fait significatif, pour la première fois les deux associations n’ont pas été invitées à participer à la rencontre de la commission tenue le 18 mars à Québec.

Le 14 avril dernier, le MRI a réagi en retirant sa subvention de 160 000 $, dont 55 000 $ pour l’utilisation de la Maison Fournel récemment rénovée par la SODEC dans le Vieux-Québec. La rencontre demandée par André Poulin à la ministre Christine St-Pierre n’a jamais eu lieu. Dans l’urgence, l’AQF a dû quêter 8000 $ à ses associations régionales pour permettre, comme chaque année, aux 50 jeunes Québécois qui doivent être accueillis ce printemps dans des municipalités françaises de partir alors qu’ils avaient déjà acheté leurs billets.

Un contentieux qui s’alourdit

L’AQF a le sentiment de payer le prix d’un contentieux France-Québec qui ne cesse de s’alourdir, dit André Poulin. « On sent beaucoup d’amertume du côté français depuis que le Québec a triplé les droits de scolarité des étudiants français au Québec. On a l’impression d’en payer le prix. »

Ayant perdu son vis-à-vis québécois, l’Association France-Québec se retrouve orpheline, constate son président, Marc Martin, qui perd, lui, un tiers de ses subventions venant du Québec. Il faut dire que « si le Québec utilise souvent le réseau de ces associations en France pour toutes sortes d’activités, la France utilisait de moins en moins celui des associations Québec-France au Québec », constate un observateur. Dans ces associations, on soupçonne le gouvernement québécois de Philippe Couillard, venu en France en mars dernier, de ne pas avoir tout fait pour forcer la main du gouvernement français et le mettre devant ses responsabilités.

Pour plusieurs, cette nouvelle s’ajoute au contentieux sur les droits de scolarité des étudiants français au Québec, à la réduction de 30 % des budgets de l’Office franco-québécois pour la jeunesse et à la vente de la Maison Kent qui abritait le consulat français à Québec. Cerise sur le gâteau, depuis le 9 mars, Ottawa impose une taxe de 230 $ pour l’emploi d’un stagiaire étranger, ce qui touche environ un millier de stagiaires français au Québec, souvent envoyés par ces associations.

France-Québec et Québec-France sont toutes deux nées vers la fin des années 1960 après la visite au Québec du général de Gaulle. Parmi les fondateurs de cette dernière, on trouve des noms aussi prestigieux que Jacques-Yvan Morin, André Patry, Jean-Paul l’Allier et Henri-François Gautrin.

Jointe au Mexique, l’ancienne ministre des Relations internationales du Québec Louise Beaudoin voit dans la disparition de l’AQF une tendance de fond. « En un mot comme en cent : pour les deux gouvernements, québécois comme Français, cette relation présente de moins en moins d’intérêt. En voilà un autre bel exemple. Ce réseau Québec-France nous distinguait de la relation Canada-France et faisait une réelle différence dans la population de part et d’autre de l’Atlantique. La relation se banalise. Il n’y aura bientôt plus rien de spécifique. »


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