Tous en conviennent, le tweet de Roseanne Barr qui a fait la manchette ces derniers jours était raciste, abject et minable. Elle comparait Valerie Jarrett, une ancienne conseillère noire de Barack Obama, à une guenon. Elle en paie le prix et disparaîtra probablement de la carte médiatique pour de bon. En moins d’une journée, son sort était réglé, à la face de l’Amérique.
Qu’on me permette néanmoins de poser une question toute simple : pourquoi avons-nous entendu parler de cette histoire chez nous, comme si elle nous concernait intimement et directement ?
Je veux bien croire que nous sommes à l’heure de la mondialisation, et que nous sommes tous connectés d’une manière ou d’une autre, mais pourquoi les frasques d’une vedette de la télévision américaine, qui en plus n’a jamais vraiment trouvé d’écho culturel chez nous, trouvent-elles autant de place dans notre espace médiatique ?
Colonialisme
Je veux bien croire que certains chroniqueurs culturels snobinards et branchés n’en finissent plus de fantasmer sur l’Amérique hollywoodienne comme s’ils en étaient. Une partie de nos élites s’autocolonise mentalement. Mais cette américanisation de notre actualité culturelle a quelque chose de terriblement aliénant. La curiosité est chose merveilleuse, et rien n’est plus beau qu’un esprit capable de se passionner pour autre chose que lui-même. Mais cette passion devient néfaste lorsqu’on se fond en l’autre au point de ne plus reconnaître ce qui nous distingue de lui.
Et on touche là le cœur de l’affaire. Si l’affaire Roseanne Barr suscite tant de passions chez les Américains, c’est que les États-Unis ont une histoire raciale toxique. Mais ce n’est pas le cas du Canada et du Québec. On trouve évidemment chez nous des racistes. On trouve même des zozos pour faire des blagues débiles sur les Noirs. Mais fondamentalement, notre société n’a pas connu la même trajectoire historique. Et s’il faut à tout prix le rappeler, ce sont les Québécois francophones qui, longtemps, ont subi la discrimination, et cela, même s’ils étaient blancs. L’histoire est plus complexe que le pensent ceux qui la regardent avec une vision bicolore.
Racisme
Il n’y a rien ici qui ressemble aux rapports de pouvoir et d’exclusion qui ont caractérisé et qui caractérisent encore, à certains égards, la société américaine. Ceux qui plaquent sur notre société une grille de lecture faite pour comprendre la réalité américaine déforment la réalité québécoise et la rendent incompréhensible. Les militants qui brandissent ici l’étendard de l’antiracisme habitent un fantasme morbide dans lequel ils veulent nous entraîner. Le Québec n’est pas un État américain, encore moins un État du sud.
Résumons simplement : notre histoire n’est pas celle des Américains, leurs problèmes ne sont pas les nôtres, et il n’y a pas de grandes leçons à tirer de notre côté de l’affaire Roseanne, sinon qu’il faut être aussi prudent avec Twitter qu’avec des allumettes et que toute personne installée devant son clavier devrait y penser à deux fois avant d’y écrire d’énormes conneries et autres saloperies.