Depuis quelques jours, on entend partout parler du besoin d’actualiser les études réalisées en 1995 en préparation du référendum. S’il existe bien un besoin de procéder à de nouvelles études, rien ne serait plus saugrenu que d’actualiser celles de 1995.
Il faut en effet comprendre que ces études étaient elles-mêmes une actualisation de celles qui avaient été menées dans le cadre de la Commission Bélanger-Campeau à l’instigation du gouvernement Bourassa dans la foulée du rejet de l’accord du Lac Meech par le ROC.
Loin d’avoir été prévues pour préparer l’accession du Québec à l’indépendance, elles ne constituaient qu’une tentative assez pathétique de convaincre le Canada du sérieux des intentions du Québec d’opter pour l’indépendance advenant le cas où celui-ci ne lui soumettrait pas d’autres offres constitutionnelles en remplacement de l’accord du Lac Meech.
Pour des raisons qu’on ne m’a jamais pleinement expliquées mais qui devaient certainement tenir au laps de temps très court dans lequel il faudrait produire des études avant le référendum, Jacques Parizeau avait décidé qu’on s’en tiendrait à l’actualisation des études de la Commission Bélanger-Campeau. Peut-être en se disant que c’était le meilleur moyen de faire l’économie de longs débats sur les sujets à retenir, et que ce qui avait été jugé suffisant par Bourassa suffirait à contenter les Québécois.
Aborder la question différemment
Mais dans l’optique de la préparation de l’indépendance du Québec sur un horizon de quatre ou cinq ans, il serait nécessaire d’aborder la question différemment, en s’interrogeant d’une part sur ce que les Québécois ont besoin de savoir avant de s’engager sur la voie de l’indépendance, et en s’interrogeant d’autre part sur ce que le gouvernement a besoin de savoir pour non seulement ne pas compromettre les intérêts, les acquis et les ambitions des Québécois sur les plans économique, social et culturel, mais pour faire en sorte que l’indépendance se traduira par une nette amélioration de leur condition sur ces trois plans.
Les questions des Québécois varient en fonction de leur degré d’instruction, de leur connaissance de la problématique de l’avenir du Québec et du milieu dans lequel ils évoluent. Il faut donc avoir une approche très sophistiquée à la satisfaction de leurs besoins en information. On ne peut pas se contenter de leur dire qu’ils pourront utiliser le dollar canadien et qu’ils continueront de recevoir leur chèque de pension ou leur prestation d’assurance-emploi.
Et non seulement les Québécois ont-ils besoin d’avoir des réponses à certaines questions, mais ils ont aussi besoin d’avoir confiance que le gouvernement d’un Québec indépendant sera en mesure de prendre en charge ses nouvelles responsabilités et de s’en acquitter à leur avantage.
Qui plus est, de nombreuses questions qui pouvaient se poser en 1991 et en 1995 ne se posent plus en 2010 ou ne se posent plus avec la même acuité ou de la même façon. Ainsi, si la question de l’accession du Québec à l’ALENA pouvait se poser en 1995, elle ne se pose plus aujourd’hui. Nous connaissons la réponse. Si la question de la capacité du Québec à assumer sa part de la dette fédérale en 1995 pouvait se poser, elle ne se pose plus aujourd’hui, nous connaissons également la réponse. Et ainsi de suite.
Ce travail de préparation doit se faire en dehors du gouvernement
En 1995, toute l’attention s’est concentrée sur le processus des études. Comme le gouvernement en était le maître d’œuvre, c’était inévitable. Chaque virgule devenait une pelure de banane dans la joute parlementaire, et c’est la dynamique de celle-ci qui a pris le dessus sur la satisfaction des besoins en information des Québécois.
C’est un piège dans lequel il faudrait éviter de retomber, et c’est pourquoi je répète depuis plusieurs mois que tout ce travail de préparation doit se faire en dehors du gouvernement. On ne peut pas se retrouver encore une fois dans la situation où l’Opposition deviendra maître du jeu du simple fait de son droit d’interpeller le gouvernement avec la complicité des médias, de toute façon majoritairement hostiles à son option.
Contenir les médias
Et, parlant des médias, il faut que ce travail de préparation se fasse en toute sérénité et qu’on puisse apporter des modifications en cours de route comme lorsqu’il s’agit d’un travail de recherche ordinaire sans que cela prenne à chaque fois les proportions d’une affaire d’État. Si ce travail est effectué par un organisme non gouvernemental détaché de celui-ci, il est beaucoup plus facile de garder les médias à distance. C’est d’ailleurs ce que font nos adversaires en confiant leurs recherches à des instituts « indépendants » comme le C.D. Howe ou autres.
Enfin, en procédant de la sorte, on évitera aussi qu’un gouvernement indépendantiste puisse se faire accuser de faire financer son option à même les deniers publics par des gens qui ne la partagent pas, ce qui soulève une embarrassante question de légitimité.
En effet, plus on se rapproche du moment de la décision, moins les questions de légitimité ne doivent se poser. Si elles continuent de se poser jusqu’à la fin, non seulement se reflèteront-elles dans le résultat du vote, mais aussi dans l’accueil que la communauté internationale réservera à notre demande de reconnaissance de notre statut de pays indépendant. Imaginez s’il fallait qu’on se fasse renvoyer faire nos devoirs à ce stade-là. Les Québécois ne nous le pardonneraient pas, et ils auraient raison. Ce serait suffisant pour faire déraper tout le processus.
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6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 novembre 2010C'est quoi cette histoire secrète de l'exercice conduit par M.Claude Corbo en 2002 visant à remettre à jour des études sur l'indépendance ???
Qui a donné le contrat à M.Corbo?
Ce dernier peut-il venir expliquer sur Vigile ?
Qui d'autre peut témoigner?
Etc.
Archives de Vigile Répondre
5 novembre 2010[ « Dans le projet de programme proposé à son parti par Mme Marois, on ne trouve plus un mot sur la forme que prendrait une éventuelle indépendance.Devant ce flou considérable, c'est à se demander ce que les experts mandatés par Mme Marois étudieront exactement.» ] par André Pratte,La Presse,5/11/2010
Marcel Haché Répondre
4 novembre 2010Totalement d’accord avec vous. Les conditions n’ont jamais été aussi favorables. Mais la première « condition » devant mener à la souveraineté, c’est la formation d’un gouvernement décidé. Pas un gouvernement qui « souhaite » l’indépendance, mais un gouvernement impliqué.
Impliqué, le gouvernement ? Pas DIRECTEMENT dans toutes les « questions-réponses », surtout pas, vous avez là dessus tellement raison, mais impliqué en tout premier lieu dans l’électrochoc qu’il devra appliquer, et surtout « gérer », tout autant au gouvernement fédéral lui-même qu’à l’électorat canadien hors-Québec. Les canadiens seront des voisins. Inutile de s’en faire des ennemis. Impliqué aussi, le gouvernement souverainiste, auprès de son propre électorat, son électorat naturel : cela pourrait l’exempter de devoir s’excuser à toutes les cinq minutes, et donner ainsi la pole aux ennemis de l’indépendance.
Mener l’opération, enfin, de façon très rigoureuse et compétente, dure aussi—tambour battant-- plutôt qu’être à la remorque des évènements, de l’opposition, et se trouver frileux.
Je crois que vous seriez d’accord : un gouvernement qui a du nerf et les idées claires, la détermination n’excluant pas l’imagination…
Connaissant vos réserves à l’égard de la chefferie péquiste actuelle, j’apprécie beaucoup le ton résolu et confiant que vous apportez à l’intérieur de la mouvance souverainiste. Cela repose des éteignoirs. Il y en a.
Pas plus que le peuple québécois, les indépendantistes ne sont pas des victimes.
Demain l’indépendance. Wak…
François A. Lachapelle Répondre
4 novembre 2010Comme le dit Monsieur Le Hir, les questions qui se posent en 2010-2015 doivent être inventoriées selon nos besoins actuels. Je me permets de réfléchir tout haut dans le texte qui suit qui est très partiel.
L'accession du Québec au statut de pays souverain doit être à l'avantage économique de tous ses citoyens, vérité contraire aux magouilles et aux avantages personnels que plusieurs politiciens pratiquent allègrement, autant à Ottawa, à Québec et dans nos municipalités. Est-ce que la malhonnêteté connue ou sous-entendue de plusieurs personnes publiques sera un obstacle majeur à la souveraineté du Québec? Pendant que nos yeux et oreilles sont rivés sur le secteur public, le secteur privé fait-il meilleur figure?
Cet objectif, l'avantage économique pour tous, ne semble pas évident et possible pour tous. Au contraire, l'avantage économique est une notion trop abstraite ou trop corrompue et devient ainsi un motif de ne pas croire en la souveraineté et de s'y opposer. Plus ça change, plus c'est pareil. Vous ne ferez pas mieux que les autres qu'on peut entendre.
Un catalogue assez élaboré pourrait être fait pour identifier les grandes catégories de citoyens contre la souveraineté du Québec pour des raisons économiques. Je pense ici à la catégorie qu'on appelle "les indécis pouvant se faire convaincre": ces citoyens sont de bonne foi et curieux d'écouter les arguments de leurs concitoyens en faveur de la souveraineté.
Une opposition souvent invoquée est: notre niveau de vie baissera avec l'indépendance du Québec, ou plus direct: je perdrai mon emploi!
Serons-nous exposés à un blocus commercial de la part de nos principaux partenaires? Serons-nous exposés à un blocus économique pouvant résulter en la faillite de notre gouvernement et à une baisse grave de notre pouvoir d'achat, confrontés à une inflation galopante?
Pour se donner tous les pouvoirs économiques nécessaires à la gestion d'un pays comme le contrôle de ses taux d'intérêts et ses répercussions sur les taux pratiqués par les banques, le contrôle de sa devise, le contrôle du compte économique export-import et le contrôle de sa masse monétaire en circulation, il est inévitable que le Québec, via la Banque centrale du Québec possède sa propre devise. Cet outil indéniable de la devise propre au Québec, comparable aux devises de la Suisse, de l'Égypte et des pays scandinaves, est un gros morceau de la souveraineté à vendre aux québécois. Il faut relire Jane Jacobs dans son livre The Question of Separatism (Vintage Books, Random House), et le traduire pour le bénéfice de plusieurs, livre écrit dans le contexte du référendum québécois du 20 mai 1980.
@ Richard Le Hir Répondre
4 novembre 2010Réponse @ Jacques Noël
En 1995, la question qui se posait était de savoir si le Québec aurait les moyens d'assumer cette dette. Cette question ne se pose plus, car on sait que le Québec avait à ce moment-là la capacité requise. Il va de soi qu'il faudrait de nouveau effectuer le calcul, mais tant la situation fédérale que celle du Québec se sont améliorées depuis cette date, et la question ne revêt désormais plus la même acuité. Aujourd'hui la finalité de l'exercice du partage de la dette et des actifs serait davantage comptable et servirait surtout à illustrer comment le Québec pourrait se restructurer à son avantage en devenant indépendant.
Archives de Vigile Répondre
4 novembre 2010Merci pour les précisions au sujet de vos études.
De nouvelles études sur la souveraineté permettraient de favoriser le débat sur la souveraineté.
Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par la dette réglée? Le Québec hériterait une part de la dette canadienne, mais quelle part? Bélanger-Campeau parlait de 18,5% sur la base de la valeur des actifs fédéraux au Québec. On doit être rendu bien en bas de cela aujourd'hui.
Chaque point que l'on sauve sur la dette canadienne, c'est 5 milliards de moins