Jean, Stéphane, Stephen et les autres

Le hockey unit les Québécois, il unit aussi les Canadiens; mais paradoxalement, il les oppose

Chronique de Louis Lapointe


Le hockey unit les Québécois, il unit aussi les Canadiens; mais paradoxalement, il les oppose. À preuve, encore aujourd'hui les partisans
du Canadien de Montréal et des Maple Leaf de Toronto se détestent
copieusement et réciproquement.
Depuis l'émeute du forum de Montréal où l'establishment de la NHL avait
injustement abattu «notre» idole Maurice Richard, la ferveur
indépendantiste s'est toujours nourrie au symbolisme du hockey des
Canadiens de Montréal et à sa sainte flanelle. Le Canadien est la preuve
vivante et vivifiante que les Québécois peuvent être les meilleurs quand
ils s’en donnent vraiment la peine.
Un symbolisme semblable à l’égard des héros du hockey nourrit également le
nationalisme canadien à l'encontre du géant américain.
Pour ces deux raisons, le plan B édifié par Jean et Stéphane et repris par
Stephen prévoyait certainement mettre fin à une longue tradition de hockey
du samedi soir à la chaîne française de Radio-Canada, alors que cette même
tradition était maintenue à la CBC. Affaiblir ce qui rassemble les
Québécois tout en renforçant ce qui unit les Canadiens, sinon, comment
expliquer cette politique des deux poids deux mesures.
Nous pourrions certainement justifier cette situation en invoquant une
plus forte compétition entre les différentes chaînes de télévision dans le
plus petit marché du Québec. Toutefois, mis bout à bout avec d’autres
évènements survenus à la même époque, on comprend vite qu’il n’y a pas eu
de hasard dans le domaine de la politique et des communications au Québec,
alors que le hasard a si bien fait les choses depuis le 30 octobre 1995!
L’enquête de la GRC sur les présumées commissions illégales versées dans
l’affaire Airbus, la venue de Jean Charest en politique provinciale, la
menace de partition du Québec, la décision de la Cour Suprême sur la
sécession du Québec, la loi sur la clarté, la démission-surprise de Lucien
Bouchard et son embauche dans un grand cabinet d’avocats, le scandale des
commandites, d’énormes pressions du bureau du premier ministre à l’encontre
de la direction de la SRC pour faire rouler des têtes, l'embauche d'une
multitude de mercenaires de l'information spectacle à la SRC contribuant à
discréditer ce réseau d’information et la nomination de Michaëlle Jean à la
fonction de gouverneur général, sont tous des événements majeurs et
concomitants dans l’histoire du Canada, survenus dans la courte période
suivant le cataclysme référendaire de 1995.
Comment expliquer que le hockey ait quitté les petits écrans des plus
pauvres, de ceux qui ne peuvent pas se payer le câble, alors qu’au même
moment il a trouvé une place de choix dans le cercle des personnalités BCBG
du Centre Bell et de la Place des Arts?
Louis Lapointe

Brossard
Le 3 mars 2008
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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