« Je veux participer à l'avenir » - Gilles Duceppe

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Duceppe se joint à Beaulieu

Gilles Duceppe affirme que son retour comme chef du Bloc québécois s'inscrit dans le contexte d'un « nouveau cycle politique » amorcé par l'élection de Pierre Karl Péladeau à la barre du Parti québécois. Il invite tous les souverainistes à s'unir derrière lui pour redonner au Québec « une voix forte » à Ottawa.

« Un nouveau cycle politique commence, et l'heure est au rassemblement de toutes les forces indépendantistes », a-t-il lancé, peu après que Mario Beaulieu eut confirmé qu'il lui cédait sa place après un an comme chef du parti.

« Venez, que je leur dis! Et comme le disait Jacques Parizeau, que le dernier arrivé laisse la porte ouverte. »

— Gilles Duceppe

« Ce qui m'a décidé [à revenir], c'est avant tout cette volonté de rassembler », a-t-il plaidé. « Le geste que nous posons ensemble aujourd'hui, ce n'est pas Duceppe à la place de Beaulieu, c'est Duceppe qui rejoint Beaulieu, et l'équipe de candidats et de candidates. »

Gilles Duceppe a d'ailleurs encensé à profusion Mario Beaulieu pour sa décision de laisser sa place à quatre mois des élections fédérales qui lui auraient permis de faire ses preuves, et alors que son « leadership n'est pas contesté ».

Il explique avoir eu le réflexe de « refuser catégoriquement » de reprendre du service lorsque M. Beaulieu le lui a offert il y a quelques jours, mais qu'il a finalement ouvert la porte après avoir réfléchi à ses arguments.

Gilles Duceppe dit aussi avoir été « ébranlé » par « son courage, son sens de l'abnégation, sa grande générosité » dans le contexte actuel. « C'est ça être indépendantiste; c'est faire passer la cause avant soi-même. »

Il soutient qu'il a alors accepté de considérer un retour en politique, et qu'il en a discuté avec sa famille, ses amis, et surtout le nouveau chef péquiste, Pierre Karl Péladeau, qui lui a offert son « soutien indéfectible » samedi dernier. « Dans les minutes qui suivaient, j'ai accepté. »

« J'ai senti que j'avais cette responsabilité de le faire », a-t-il précisé, en évoquant une fois de plus un « nouveau cycle politique » engendré par la course à la direction du Parti québécois, qui a ravivé « la volonté de construire le pays ».

« Moi, je veux participer à l'avenir », a-t-il affirmé.

« La patrie doit passer avant le parti et les individus », a pour sa part expliqué Mario Beaulieu pour justifier sa décision de s'effacer. Il s'est dit convaincu qu'avec Gilles Duceppe à la barre, le Bloc québécois se dirige « vers une nouvelle victoire qui est cruciale pour tous les indépendantistes ».

« Après un an d'effort, malgré le travail acharné et le dévouement d'une petite équipe dynamique et créative dont je suis extrêmement fier, j'en suis venu à la conclusion que j'allais manquer de temps d'ici les élections. Ma conclusion est qu'il faut trouver une façon de donner un nouveau souffle au Bloc québécois. »

— Mario Beaulieu

Mario Beaulieu a expliqué qu'il demeure président du parti. Les changements qui permettent à M. Duceppe d'en redevenir le chef ont été approuvés hier par le bureau national du parti, a-t-il précisé, et les membres auront l'occasion d'entériner le tout lors de leur prochain congrès, cet été.

« Tout se fait dans la plus stricte légalité en fonction des statuts existants », a ajouté M. Duceppe à ce sujet. Il a rappelé qu'après le départ de Lucien Bouchard, Michel Gauthier avait aussi été désigné chef par le Conseil général du Bloc québécois.

Une bataille contre le NPD

Gilles Duceppe, qui a dirigé le Bloc québécois de 1997 à 2011, est par ailleurs demeuré évasif quant au programme qui l'attend d'ici les prochaines élections. « Donnez-moi le temps un tout petit peu », a-t-il dit aux journalistes qui voulaient en savoir plus.

« Je vais faire mes devoirs. Je vais revoir les dossiers », a-t-il indiqué, en précisant qu'il devra aussi se trouver des collaborateurs en vue de la campagne. « Je vais y mettre tous les efforts », a-t-il assuré. « On va se battre avec toute l'énergie et la conviction possible. »

Il n'a pas voulu se prononcer lorsqu'un journaliste lui a demandé s'il s'agissait de « l'élection de la dernière chance » pour son parti. Le Bloc québécois ne compte plus que deux députés à la Chambre des communes, alors qu'il en avait 47 lors de la législature précédente.

« Je suis un partisan du grand philosophe qu'est Yogi Berra [ex-recevoir étoile des Yankees de New York, NDLR] qui a dit : "je ne fais jamais de pronostics, surtout ceux qui concernent l'avenir" », a-t-il laissé tomber.

Chose certaine, Gilles Duceppe a concentré ses premières attaques sur le Nouveau Parti démocratique. Selon lui, le Québec perd toutes ses batailles à Ottawa depuis que les Québécois ont majoritairement choisi d'être représentés par des députés de ce parti en mai 2011.

« Il est grand temps que le Québec retrouve une voix forte, et cette voix, c'est le Bloc québécois », a-t-il lancé. « Personne ne se bat pour le Québec », dit-il, en arguant que, pour le NPD, « c'est le Canada d'abord et le Canada tout le temps. »

M. Duceppe n'a pas précisé où il se présentera, lui qui a représenté les électeurs de Laurier-Sainte-Marie pendant 21 ans.

Le député André Bellavance, qui siège comme indépendant depuis l'été dernier, après avoir contesté le leadership de Mario Beaulieu, salue le retour de Gilles Duceppe, mais maintient qu'il ne se représentera pas en octobre prochain.

« Je voue le plus grand respect à Gilles Duceppe, avec qui j'ai eu la chance de siéger pendant sept ans. Je salue sa volonté de donner encore de l'énergie à son parti et à notre cause commune, la souveraineté du Québec. J'ai cependant tourné la page et je ne serai pas sur les rangs lors du prochain scrutin fédéral », a déclaré le député de Richmond-Arthabaska dans un communiqué.

Au Parti québécois, le chef Pierre Karl Péladeau a salué le retour de Gilles Duceppe, un homme avec qui il est « très facile » de travailler. « Il y a une espèce de convergence, certainement un mouvement qui tend vers le rassemblement des forces indépendantistes. Et je pense que tous et toutes, nous ne pouvons que nous en réjouir », a-t-il déclaré avant que la nouvelle soit confirmée.

Pour le député péquiste de Rosemont, Jean-François Lisée, le retour de Gilles Duceppe s'inscrit « dans le contexte général de l'appel que M. Parizeau nous lance en quittant la scène, celui de la convergence, celui de "on se crache dans les mains et on recommence", celui "d'il faut remettre de l'énergie dans le mouvement". »

Des réactions à Ottawa

À Ottawa, le chef du NPD Thomas Mulcair a plutôt invité les Québécois à continuer d'appuyer son parti.

« Il y a une équipe d'hommes et de femmes qui travaille sans relâche pour faire ici un gouvernement progressiste, pour se débarrasser de Stephen Harper et ses conservateurs, et pour que les Québécois rentrent par la grande porte, qu'ils entrent en force au Conseil des ministres, pour faire partie d'un gouvernement progressiste », a-t-il déclaré mercredi matin.

« C'est ça la voie de l'avenir. C'est ça l'espoir et le côté positif et optimiste de l'offre du NPD. On a travaillé sans relâche depuis quatre ans. Regardez-nous bien aller le 19 octobre », a-t-il ajouté.

« M. Duceppe a sûrement beaucoup d'expérience en politique, mais je trouve que c'est une option que les Québécois ont mise de côté dans la dernière élection », a pour sa part commenté le chef libéral Justin Trudeau. « Il peut bien faire ses arguments. Il a le droit de faire ça ».

« La proposition que nous allons mettre de l'avant, c'est d'offrir aux Québécois la chance d'être réengagé [sic] au sein du gouvernement canadien, et ça, ça va être en direct contraste avec le désir du Bloc québécois de séparer le Québec du Canada », a-t-il ajouté.

M. Trudeau a dit qu'il débattrait volontiers avec quiconque sera désigné chef du Bloc québécois, et n'a pas réagi lorsqu'interrogé sur la perspective que son parti soit engagé dans des courses à quatre dans certaines circonscriptions du Québec. « On avait déjà des courses à quatre », a-t-il observé.

Le lieutenant québécois du premier minister Harper, Denis Lebel, s'est quant à lui montré laconique. Il s'est interrogé sur la pertinence que peut avoir un parti souverainiste à Ottawa.

Le ministre de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec a soutenu du même souffle que les députés néo-démocrates ne font rien pour les Québécois non plus, alors que le Parti conservateur, dit-il, est en faveur d'un Québec fort dans un Canada uni.


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