Israël, l'Occident et le cochon

18. Actualité archives 2006


Je feuillette l'Ancien Testament que j'ai beaucoup fréquenté quand j'écrivais L'Héritage parce que Xavier Galarneau, ce fondamentaliste isolé dans Trois-Pistoles, voulait savoir ce qui fait la différence entre le droit et la justice. Or, les Juifs, en tant que seul peuple élu de Dieu, ont toujours mis le droit au-dessus de tout et considéré la justice comme une corruption affaiblissante de celui-ci. Il n'y a donc jamais eu de justice en royaume de Judée et il n'y en a pas davantage, deux mille ans plus tard, en pays d'Israël.
Depuis que l'Occident s'adonne aux Chartes des droits et libertés (qui devraient s'appeler Chartes des justices et libertés), on comprend toute la gêne qu'on a à discuter du cas singulier que représente un Israël se vouant entièrement à la défense du droit au détriment de l'idée même de justice. Au nom de son droit à l'existence en tant que seul peuple élu de Dieu, et tel que c'est raconté dans l'Ancien Testament, les Juifs ont toujours préféré le bellicisme à la diplomatie, l'État guerrier à l'État de paix. L'Arche d'alliance, c'est avec leur dieu seul qu'il a rapport, ce qui explique sans doute qu'en toute son existence, le royaume de Judée n'a jamais eu comme amie ou comme alliée une autre nation qu'elle-même. Israël ne se comporte pas autrement que le royaume de Judée : Ce qui n'est pas moi est mon ennemi et je dois le détruire absolument. Voilà le droit, voilà mon droit.
Fondé sur cette pensée, l'État d'Israël agit en conséquence. Il n'agit même pas par amour de lui-même, mais par haine des autres. Passé maître dans l'art de jouer à la victime, cet État-là ne jouit vraiment que lorsqu'il est victimaire. Comme il excelle alors ! Et comme tous les moyens lui sont bons pour s'y détenir ! L'Ancien Testament est plein de ces batailles préventives contre les supposés ennemis de la Judée : de l'assassinat sélectif à la guerre totale, du génocide à l'extermination absolue, les armes du droit judaïque ne connaissent pas la mesure, elles permettent même l'inceste pour que les mères juives puissent remplacer impunément les soldats qui manquent sur les presque éternels champs-charniers de bataille.
À relire ainsi l'Ancien Testament, on doit constater que l'État d'Israël n'est que la continuation, en esprit et en action, du royaume de Judée. La seule différence, c'est que l'Occident, par profond et absurde sentiment de culpabilité, lui a fourni les armes meurtrières grâce auxquelles Israël peut maintenant imposer sa notion du droit, celui symbolisé par son Arche d'alliance avec Dieu seul, au détriment du concept de justice. Que sont donc ces guerres contre la Palestine et le Liban, sinon des guerres d'extermination, sinon des génocides odieux qui devraient, nous Occidentaux, nous couleurer du rouge de la honte de la tête aux pieds parce que ne dire mot, c'est consentir, c'est accepter qu'un état totalitaire, déguisé en démocratie, dénature le droit en se l'appropriant pour lui seul ?
Imaginons qu'un État musulman agirait comme le fait Israël, occuperait des territoires qui ne lui appartiennent pas, érigerait un mur de la Honte tout autour de lui, bombarderait les populations l'entourant, déferait ses gouvernements pourtant élus démocratiquement, sèmerait partout la souffrance et la mort. Croyez-vous vraiment que l'Occident le laisserait agir bien longtemps ? On aurait tôt fait d'envahir ce pays-là musulman pour le forcer à entendre droit et raison.
Pourquoi n'en fait-on rien avec cet Israël belliqueux, haineux et totalitaire, pour ne pas dire plus simplement hitlérien ?
À tous ceux-là qui, comme moi, cherchent désespérément une réponse, je suggère de lire ou de relire La bête singulière, les juifs, les chrétiens et le cochon de Claudine Fabre-Vassas (Éditions Gallimard). Bien qu'on n'y apprendra pas comment mettre fin à un bellicisme aveuglé qui risque de détruire même l'État d'Israël, on comprendra peut-être mieux ce qui fait que nous les Occidentaux soyons aussi pervertis face à ce qui se passe, si cochonné, au Proche-Orient.
Trois-Pistoles,
_ Le 18 juillet 2006

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Victor-Lévy Beaulieu84 articles

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Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière. Une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision





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