Le mouvement a été amorcé sous le gouvernement du Parti québécois et il s'est largement développé depuis. À l'exemple des compteurs d'eau de Montréal, le gouvernement du Québec a cédé progressivement la plus grande partie du travail de préparation, de réalisation et de surveillance des projets d'infrastructure au secteur privé, notamment aux firmes d'ingénieurs et autres firmes de professionnels. Une recherche de notre collègue Kathleen Lévesque confirme qu'à la faveur de la réingénierie de l'État, celles-ci s'arrachent les mandats de préparation des appels d'offres, puis de réalisation des projets, contrôle de la qualité compris. Chacun son tour, en concurrence ou en consortium, et sans que qui que ce soit ait à s'inscrire au registre provincial des lobbyistes pour le travail de représentation préalable.
Nous apprenions hier que le président du Parti libéral lui-même, l'ancien maire de Rivière-du-Loup, M. Jean D'Amour, était jusqu'à tout récemment directeur du développement des affaires de la firme BPR dans sa région. M. D'Amour ne s'est jamais inscrit au registre des lobbyistes. Pourtant, le titre même de son poste chez BPR indique bien que son travail consistait à représenter cette société d'ingénieurs auprès des éventuels donneurs de contrats.
En réponse à une question de l'opposition, le ministre Jacques Dupuis a tenté d'expliquer que c'était à titre de président du PLQ, et non de représentant de BPR, que M. D'Amour intervenait auprès des agents de l'État. Vraiment? Auprès de quelles grosses compagnies non gouvernementales du Bas-du-Fleuve M. D'Amour était-il chargé de voir au «développement des affaires» de BPR? Joe Pizza, peut-être?
Le problème ne se résume pas à une question de petite politique. Il est bien plus grave. Au Québec, la plupart des firmes de professionnels-conseils ont à leur emploi un tel représentant. Parfois, ils sont même deux: le péquiste et le libéral. Dans certains cas connus des journalistes, il s'agit d'organisateurs politiques qui font encore de la collecte de fonds pour le parti en même temps qu'ils développent les affaires de leur employeur auprès des municipalités et du gouvernement.
Le commissaire au lobbyisme du Québec, M. André C. Côté, a déjà demandé aux firmes d'ingénierie d'inscrire leur personnel de représentation au registre provincial. Elles ont toutes refusé. Pourquoi, sinon pour garder le secret sur cette partie du travail des ingénieurs qui n'a rien à voir avec la profession et tout à voir avec la croissance du chiffre d'affaires de la compagnie? On prend les citoyens pour des valises ou quoi?
Un gouvernement qui se départit de ses responsabilités; un secteur privé qui utilise ses contacts pour mousser ses intérêts; un commissaire au lobbyisme qui est incapable de leur forcer la main... Ça ne sent vraiment pas bon au pays des infrastructures!
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j-rsansfacon@ledevoir.ca
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