On pourrait être tentés d'accueillir le sommet des dirigeants du G20, qui se sont réunis ce week-end, avec le même scepticisme et la même indifférence que l'on réserve aux grands-messes internationales. Mais il s'est passé quelque chose d'important à Washington.
Au premier abord, les résultats du sommet sur les marchés financiers et l'économie mondiale peuvent sembler maigres. Les leaders se sont entendus sur la nécessité de poser des gestes qui contribuent à relancer l'économie, mais c'est quelque chose qu'ils faisaient déjà tous. Quant aux décisions vraiment difficiles, notamment la mise sur pied de mécanismes de contrôle du système financier international, ils les ont repoussées à plus tard, à une autre réunion prévue pour le 30 avril.
Mais ces délais ne doivent pas être vus comme un signe d'échec. D'abord, au plan économique, la réforme nécessaire du système financier pour bien juguler cette crise et en éviter d'autres est une tâche effroyablement complexe qui demandera du temps. Ensuite, au plan politique, ce délai fait en sorte que les 20 leaders se reverront commodément après le départ du président George W. Bush, le politicien qui porte la plus lourde part de responsabilité dans la crise financière et qui serait le principal obstacle à sa résolution. La seconde manche se jouera avec Barack Obama, quand celui-ci sera bien installé, 100 jours après son arrivée à la Maison-Blanche.
Déjà, en soi, la tenue même de cette rencontre annonce l'ébauche d'un nouvel ordre mondial. D'une part, le sommet illustre la perte d'influence des États-Unis, qui ont accepté sans enthousiasme de participer à cette initiative du président français Nicolas Sarkozy. D'autre part, le G8, le club privé des puissances industrialisées, s'est élargi à 20 pays, comme le Brésil, la Turquie, l'Inde, la Chine. L'arrivée de ces nouveaux joueurs reflète le fait qu'on ne pourra pas en arriver à une solution sans la participation de ces pays. Mais aussi qu'on assiste à un réalignement des rapports de forces.
La lecture du communiqué final, un document touffu de 11 pages, montre également l'émergence d'un consensus assez solide sur l'instauration d'une forme de contrôle sur le monde financier, pour ainsi résoudre un problème qui a largement contribué à cette crise, le fait que les marchés financiers, dans un monde où les capitaux n'ont plus de frontière, réussissent à échapper au contrôle des États.
Les divergences idéologiques restent cependant importantes, notamment entre l'Europe et les États-Unis. Les efforts pour instaurer ce que le président Sarkozy qualifie de «nouvelle gouvernance mondiale» se heurtent à une résistance profonde des Américains qui, là comme ailleurs, n'acceptent pas qu'une autorité internationale puisse réduire leur souveraineté. Le Canada de Stephen Harper, dans ce dossier, est perçu comme un allié des États-Unis.
Mais derrière les enjeux, très techniques, on sent un changement de ton qui a son importance, car cette crise financière est largement une crise des valeurs. Les leaders ont porté un jugement très sévère sur le laxisme, les dérives et la recherche débridée du rendement, qui ont provoqué la crise. Un retour du balancier qui rejette le capitalisme de cow-boys qui a ébranlé la planète.
Dans ce grand débat international, le Canada semble jouer un rôle mineur. Le premier ministre Stephen Harper s'est envolé vers Washington en promettant de citer le Canada en exemple et de vanter sa réglementation financière. Il n'est pas évident que son message a été entendu. J'ai, par exemple, été étonné de découvrir que le New York Times de dimanche, dans sa couverture du sommet, ne mentionnait même pas le Canada et à plus forte raison le premier ministre Harper.
Il est vrai que le Canada, qui a résisté à la crise, est sans doute moins actif que les pays qu'elle a malmenés. Que son poids est dilué quand le club des grandes puissances passe de huit à 20 membres. Et que le fait que M. Harper soit sur la même longueur d'onde que M. Bush n'aide pas le Canada à se distinguer.
Pourtant, il n'y a pas si longtemps, le Canada exerçait plus d'influence. Entre autres, le G20 n'aurait pas vu le jour sans Paul Martin, alors ministre des Finances, qui a défendu sans relâche l'idée que la gouvernance mondiale n'avait pas de sens si on ne réussissait pas à intégrer les économies émergentes au processus de concertation. Le contraste est, hélas, saisissant.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé