- L’événement du 6 janvier 2021 (l’« attaque » du Capitole), très controversé dans ses conditions, ouvert à de nombreuses interprétations et manipulations, est analysé ici d’un point de vue fondamental, moins comme un événement d’une lutte entre divers adversaires que comme une démonstration effrayante de la perte de la foi en l’Amérique des citoyens américains.
- C’est le professeur Turley, qu’on lit et consulte souvent et qui est un des meilleurs constitutionnalistes US, qui analyse la situation d’une manière rigoureuse.
- Pour lui, les personnes qui ont « attaqué » le Capitole n’étaient ni des insurgés ni des terroristes, c’étaient des citoyens américains qui n’ont plus foi en l’Amérique.
- Turley ne cherche pas de coupables là où il importe peu d’en trouver, parce que l’essentiel est le constat, et il parle de l’Amérique comme d’une religion en crise de sa foi en elle-même : « Quel que soit le nom que vous donnez [à l’événement], c’était une désacralisation. [...] [Il] est trop facile de traiter cela comme une crise insurrectionnelle. C’est bien plus grave. C’est une crise de la foi. »
- Le « Dieu est mort » de l’Amérique.
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Le professeur Turley, qui tient pour notre compte le site Res Ipsa Loquitur (« Seuls comptent les faits ») mais qui détient également la chaire la plus prestigieuse de l’establishment de l’enseignement du Droit aux Etats-Unis, la Shapiro Chair for Public Interest Law, est certainement l’un des constitutionnalistes les plus réputés aux USA. Sa biographie impressionnante en témoigne, et il figure comme un des conseillers et témoins officiels de la Chambre des Représentants, pour les cas les plus importants (notamment, les récentes procédures de destitution). Libéral (progressiste) affirmé, démocrate affiché, Turley ne s’empêche pas de plaider des causes qui vont à l’inverse du courant progressiste majoritaire, comme lorsqu’il plaida un recours déposée par dix parlementaires que nous définirions comme « pacifiste » (sinon « dissidents ») contre le déclenchement de la guerre en Libye et l’intervention US.
- (« En 2011, le professeur Turley a déposé un recours contre la guerre en Libye au nom de dix membres du Congrès, dont les représentants Roscoe Bartlett (R., Md) ; Dan Burton (R., Ind.) ; Mike Capuano (D., Mass.) ; Howard Coble (R., N.C.) ; John Conyers (D., Mich.) ; John J. Duncan (R., Tenn.) ; Tim Johnson (R., Ill.) ; Walter Jones (R., N.C.) ; Dennis Kucinich (D., Ohio) ; et Ron Paul (R., Tx). Le procès a eu lieu devant le tribunal de district des États-Unis pour le district de Columbia. »)
Dans la querelle actuelle de l’élection du 3 novembre 2020 et tout ce qui a suivi, le professeur Turley a joué et joue un rôle éminent en même temps que difficile. Certains demandent, sinon exigent, de sa position au serin de l’intelligentsia démocrate et progressiste, un alignement antitrumpiste inconditionnel. Turley repousse absolument toute suggestion de ce genre. En cela, sa position est délicate ; et cette remarque vaut surtout, – c’est le sujet de l’article, – dans une Amérique en cours de désacralisation très rapide ; dans ce courant, l’aspect quasiment « sacré » du Droit dans l’essence même des USA et de l’américanisme, ne protège pas Turley. Qui plus est pour notre propos, c’est bien de cela dont Turley veut parler dans l’article qui est au centre de notre propos, – la « désacralisation », que nous prendrons au sens figuré, – mais aussi et surtout, c’est le fond même de notre réflexion, au sens religieux... On trouve un résumé de la chose dans le paragraphe d’introduction de l’article de Turley (en fait, une reprise de sa contribution régulière à The Hill du 9 janvier 2021, où nous introduisons des passages en caractères gras).
« Toutes les images de manifestants escaladant les murs du Capitole et occupant brièvement le Congrès resteront gravées dans notre mémoire collective pendant des décennies. Certains ont parlé d’une émeute. D’autres ont parlé d’une insurrection. Quel que soit le nom que vous donnez [à l’événement], c’était une désacralisation. Les émeutiers ont profané le « moment » le plus sacré de notre système constitutionnel, lorsque la nation se réunit pour certifier notre prochain président. C’est pourquoi il est trop facile de traiter cela comme une crise insurrectionnelle. C’est bien plus grave. C’est une crise de la foi. »
Nous ne donnerons qu’une partie de l’article, la deuxième qui constitue à la fois le corps essentiel de l’article et sa conclusion. Dans l’extrait ci-dessus, Turley utilise le terme « moment » dans son emploi le plus rare, lorsqu’il décrit un acte en le sacralisant, et le transmutant par conséquent en une étape ontologique d’un processus lui-même sacré. Nous ignorons si le terme est officiellement d’emploi dans le vocabulaire du Droit (et surtout du Droit US, certes), mais nous l’interprétons quant à nous comme la rencontre de l’acte, du « faire », et du sacré, de la « sacralisation » quasi-religieuse ; il s’agit de la « sacralisation quasi-religieuse » d’un rassemblement collectif, éventuellement politique voire guerrier, exprimant une foi commune en ce qui est devenu l’« être » et n’est plus seulement le « faire », – en prétendant dépasser le « faire », justement par la sacralisation.
Assez curieusement, mais justement d’une façon extrêmement significative (le très-significatif est « curieux » dans une telle époque), Turley mentionne, d’une façon apparemment contradictoire, le fait que des foules ont déjà protesté et pénétré dans le Capitale. Mais il ne voit pas ces « profanations » stricto-sensu comme une profanation au sens de la désacralisation. Dont acte, pour comprendre l’importance de ce qui est un « Moment » opérationnel pour dévoiler et mettre fondamentalement en cause le « moment » sacré du processus de l’essentialisation de l’Amérique, et de l’américanisme.
- (Effectivement, Turley note donc : « La facilité avec laquelle les manifestants sont entrés au Capitole est choquante. Malgré les informations reçues à l’avance sur leurs plans de marche, la police du Capitole semblait manquer de personnel et n’était pas préparée. Une fois à l’intérieur, les manifestants semblaient avoir le contrôle du bâtiment. Beaucoup d’entre eux semblaient aussi choqués que les membres du Congrès fuyant les bureaux de la Chambre et du Sénat. Cela s’était déjà produit auparavant, mais pas à ce point. Lorsque j'étais jeune page au Congrès, une manifestation de camionneurs a entraîné l’effondrement de la porte d’un bâtiment orné du Capitole, suivi d’un déchaînement de violence dans les couloirs du Congrès. »)
Cet extrait se trouve dans la première partie du texte, où Turley examine les conditions de l’incident, et les interprétations des uns et des autres, voyant dans cette action un acte d’insurrection ou bien un acte de terrorisme. Les médias, complètement de parti pris comme l’on sait, du « parti-pris comme des bœufs et comme la lune » si l’on veut, ont leur interprétation ; elle est du domaine faussement ingénu de l’incompréhension (« comment est-il possible ? »), qui est simplement inappropriée et stupide, – la stupidité du simulacre mensonger : « Les médias ont dépeint ces émeutiers détestables comme inimaginables [incompréhensibles]. Pourtant, c'était tout à fait imaginable [compréhensible]. Nous avons connu quatre années de violentes protestations, y compris des attaques contre les bâtiments fédéraux, des membres du Congrès et des symboles de notre démocratie. »
Nous reprenons donc la fin du texte. Turley admet la contestation qui conduisit à l'« attaque » du Capitole ; il l’admet au nom de la liberté d’expression ; il l’admet comme il admet les manifestations des BLM ou des Antifas, également au nom de la liberté d’expression, et cela même si ces manifestations de parti-pris sont l’effet de comportements relevant du ‘complot’, de la corruption, etc.
C’est son « parti-pris » à lui : la liberté d’expression au-dessus de tout, comme essence même de l’Amérique. Il s’en explique dans cette seconde partie, en développant l’essentiel de son propos : malgré que l’« attaque » ait été une manifestation de la liberté d’expression, ce fut aussi, et c’est l’interprétation propre et originale du professeur-philosophe Turley, un acte de désacralisation qui ne condamne pas ses auteurs mais, d’une façon bien différente, pose le problème de l’existence ontologique désormais de l’Amérique.
« Moment » pour « moment », – intervient ici un « moment » de la pensée interprétative qui dit : cette « attaque » ne ressemble à aucune autre, non pas à cause de la force de l’événement, de son origine, voire de son simulacre et de son complot, mais parce qu’il porte en lui-même une opérationnalisation du fondement de la crise ontologique de l’américanisme, – donc de l’Amérique dans son essence, mise en cause par ceux qui devraient nécessairement y croire pour qu’elle continuât à exister...
« Plusieurs personnes, dont [l’ex-ministre de la Justice] Barr, ont considéré ces violentes protestations contre la police et la Maison Blanche comme une sédition. J’ai critiqué le fait de qualifier les Black Lives Matter ou les émeutes Antifa de sédition ou de terrorisme. Je considère que ces étiquettes portent atteinte à la liberté d’expression. Comme pour le mouvement Black Lives Matter, je ne pense pas que la plupart des manifestants de cette semaine étaient des émeutiers, et encore moins qu’ils faisaient partie d’une insurrection. Comme pour les manifestations de l’année dernière, certains instigateurs ont poussé à la confrontation. Mais la plupart étaient au Capitole pour exprimer leur opposition à la certification des votes lors d’une élection qu’ils estiment avoir été volée. Je ne partage pas ce point de vue, mais il est partagé par quelque 40 % des Américains. »
« Que sont ces gens s’ils ne sont pas des insurgés ou des terroristes ? La réponse est qu’ils n’ont plus la foi. Nous sommes confrontés à une crise de la foi bien plus qu’à une révolution. Notre Constitution est un article de foi. Cette République a été fondée par un acte de foi rassemblant des personnes d’origines et de croyances différentes. Pourtant, la Constitution, aussi bien conçue soit-elle, est inefficace si les gens perdent la foi dans son système ou, ce qui est tout aussi important, dans les autres. »
« Notre système est conçu pour donner à chacun sa place dans l’ensemble. Il est censé faire en sorte que les intérêts de toutes les factions soient considérés. Contrairement à ceux qui les ignorent, notre Constitution oblige ceux qui se sentent rejetés à s’exprimer ouvertement au Congrès, où ils peuvent être pris en compte. Les systèmes qui ignorent toutes ces divisions explosent de l’intérieur, comme dans [le cas de la France avec sa Révolution]. Notre système est basé sur une sorte de mécanisme d’implosion qui fait que ces pressions internes sont dirigées vers le Congrès, où les intérêts des factions sont pris en compte dans des compromis majoritaires. »
« La violences de cette semaine n’est pas ce qu’attendait James Madison en mettant en évidence l’existence des intérêts de factions au Congrès. Elle était un peu trop directe pour un système basé sur la démocratie représentative. Et c’est précisément là qu’est le problème. De tels actes reflètent la même crise de confiance que celle qui s’est manifestée à Lafayette Park et dans les rues de Portland [lors de manifestations BLM et Antifa]. C’est bien plus dangereux que quelques agitateurs qui utilisent une protestation pour susciter des affrontements. Ce n’est pas l’anarchie, mais plutôt l’aliénation que nous devrions craindre le plus pour notre nation. »
« Depuis des années, le public a fait preuve d’un manque de confiance et de foi dans notre système politique. On constate également un large rejet des médias, qui étaient autrefois une source d’information partagée entre les intérêts divers. Les médias ont détruit leur crédibilité par des années de partialité, y compris des absences d’information voulues sur des sujets considérés comme nuisibles pour les démocrates. Sans foi en nos dirigeants ou en les médias, plus de la moitié de cette nation semble s’être détachée du système politique. Ce détachement est périlleux pour un gouvernement représentatif. »
« Nous devons demander des comptes à tous ceux qui ont commis des actes de violence au Capitole. Cependant, après avoir déterminé qui a pris d'assaut le Congrès et comment ils ont réussi à le faire, nous avons une tâche bien plus difficile à accomplir. Après tout, une insurrection peut être simplement réprimée, mais une désacralisation est beaucoup plus insidieuse et dangereuse pour notre démocratie. »
Le « Dieu est mort » de la démocratie américaniste
On remarquera, c’est un point essentiel, que Turley ne met personne en cause. Il fait un constat, et c’est bien plus grave que de dénoncer une insurrection ou un acte de terrorisme et de débattre de l’identité de la chose ; en gros, il suffit de réprimer les insurgés ou de liquider les terroristes, et nous y sommes... Mais un défaut de foi ? Si les croyants ne croient plus à ce qui n’existe que parce qu’ils y croient ? « Après tout, une insurrection peut être simplement réprimée, mais une désacralisation est beaucoup plus insidieuse et grave pour notre démocratie », – elle n’est pas « insidieuse et grave », elle est mortelle, – et elle l’est non pas pour « la démocratie en Amérique », mais « pour l’Amérique elle-même », parce que la démocratie c’est l’Amérique mais aussi vice-versa...
Ce que nous voulons exprimer ici rejoint une considération générale qui n’est pas originale parce qu’elle est à la fois originelle et consubstantielle aux Etats-Unis. Pour prendre l’un des plus récent des jugements de qualité, Jean-François Colosimo a longuement analysé (en 2006) le phénomène religieux en Amérique, ou la fusion de la religion et du système politique : « Dieu est américain : de la théodémocratie aux Etats-Unis ». Mais Colosimo parle en tant que théologien, ce qu’il est singulièrement : le théologien juge la place (cachée mais omniprésente) de la religion dans le système de l’américanisme.
Turley prend le problème autrement, et il atteint ici à l’essence même de l’américanisme et de l’Amérique : l’Amérique est en soi une religion ; et, par conséquent, rejoignant Colosimo in fine mais au pied de la lettre : si l’Amérique est une religion et parce qu’elle est en même temps l’Amérique, elle est LA religion en soi, et par conséquent, oui, il s’en déduit (incroyable chemin dialectique !) que « Dieu est Américain ». A la différence de Colosimo, Turley ne pense pas que la religion est, dans le système de l’américanisme, “cachée mais omniprésente”. Elle est incroyablement visible, éclatante, parce qu’elle est bien plus qu’omniprésente, parce qu’il n’y a qu’elle, parce que l’Amérique est LA religion du Dieu qu’elle a par conséquent créé.
Turley est un très grand constitutionnaliste, mais c’est aussi un « croyant », et il est aussi le prêtre suprême, une sorte de cardinal inflexible qui veille sur sa « Congrégation pour la doctrine de la foi ». Il balaye tous les arguments des politiques partisanes : BLM, Antifas, trumpistes, etc., ne sont que des pratiques du fondement politique de cette religion ; ce sont les opérateurs de différents points de vue qui peuvent, qui doivent s’exprimer au nom de l’article essentiel de cette religion : la liberté d’expression.
Turley nous dit que toute cette cuisine n’a rien à voir avec nos divagations de complotisme, de simulacre, de manipulation, de corruption, de Trump à Soros, etc. ; toute cette cuisine n’est que la manifestation d’intérêts différents, et le système est fait pour capter l’expression de ces intérêts, de les confronter pour en faire sortir des « compromis majoritaires » concoctés par ce cuisinier trois-étoiles qu’est le Congrès : « Notre système est basé sur une sorte de mécanisme d’implosion qui fait que ces pressions internes sont dirigées vers le Congrès, où les intérêts des factions sont pris en compte dans des compromis majoritaires. »
Turley rejoint parfaitement le jugement plein d’une admiration utopique et enthousiaste de Germaine de Staël écrivant à Jefferson en 1815 : « Si vous parvenez à détruire l’esclavage dans le Midi, il y aura au moins dans le monde un gouvernement aussi parfait que la raison humaine peut le concevoir. » L’esclavage a été détruit par l’Emancipation Act de Lincoln en 1862, et sa destruction actée par l’étrange capitulation de Robert E. Lee devant un Ulysses S. Grant curieusement confus et presque coupable, en avril 1865 à Appomatox. Tout ce qu’on réclame depuis à ce propos (réparation de l’esclavage, racisme, etc.), y compris les Black Lives Matter, ne doit avoir qu’un aspect de manifestation des intérêts d’une faction, – qu’on l’appelle « insurrection » ou « terrorisme », – qui sera réglée par un de ces « compromis majoritaires » dont le Congrès a le secret, – selon Turley, tout cela.
Germaine avait donc raison, et l’édifice se complète en observant ultimement que la foi dont Turley se réclame est autant celle du « Dieu est américain » que celle de la raison humaine ; les deux, évidemment, sont les noms différents d’une même essence transcendantale par définition.
Le problème est que toute cette magnifique construction ne tient que sur une seule chose, à la fois énorme, universelle, mais aussi infiniment fragile et vulnérable dans le contexte de la crise de l’américanisme : la foi. Et Turley, le constitutionnaliste-cardinal de la Congrégation, qui n’est certainement pas un sot, qui est tout ce qu’on veut sauf un sot, Turley a très justement perçu l’élément fondamental de cette tragédie-bouffe du 6 janvier : ils sont venus nous dire, tous ces Deplorables, ces clowns, ces trumpistes mélangés de quelques Antifas, – ils sont venus nous dire qu’ils n’ont plus la foi. Il n’y a rien de plus terrible...
Peut-être pourrait-on ainsi mieux comprendre l’hystérie d’une Pelosi, le déchaînement des GAFAM, les mensonges et simulacres fondamentaux de la presse Système, la relance d’une seconde War on Terror, la politique Ponce-Pilote de Biden trahissant son serment avant même de l’avoir prêté en refusant de se prononcer sur le projet burlesque et abracadabrantesque de la Pelosi voulant destituer un président qui ne le serait plus lorsque sa destitution serait prononcée.
...« Il n’y a rien de plus terrible » car enfin, ce que Turley nous dit, peut-être involontairement, peut-être inconsciemment, c’est que s’il n’y a plus la foi il n’y a plus d’Amérique. De ce point de vue, l’on pourrait tirer le jugement opérationnel que les non-insurgés et les non-terroristes du 6 janvier, les croyants qui ne croient plus, sont venus nous dire la fin de l’Amérique. Ils sont venus nous annoncer ce qui seul peut signifier le dissolution de cette énorme chose : la mort de la foi des Américains en l’Amérique ; sorte de, en version postmoderne et remastérisée par les sorciers d’Hollywood, du « Dieu est mort » de Nietzsche.
Prémonitoire, Walt Whitman écrivait des choses surprenantes en 1892, dans un livre très peu connu (*) et dissimulé parce que faisant un peu trop tâche de gras par rapport à l’éclatante blancheur (faute grave) de l’optimisme revigorant et formidablement américaniste du poète de « Leaves of Grass » ; et ce jugement ontologique sur l’Amérique complète parfaitement celui de Turley, même s’il traite avec un certain dédain la Constitution et les conflits d’intérêts que détaille le constitutionnaliste :
« Je le répète, la seule vraie nationalité des Etats-Unis d'Amérique, leur union profonde, si nous devons un jour affronter une crise, ne se trouvera pas dans la loi écrite (comme on le suppose généralement) ni dans l'intérêt particulier de chaque citoyen, ni dans l'intérêt matériel et pécuniaire commun à tous, mais dans l’« idée » fervente et exaltante qui, dans sa flamme puissante, fondra les éléments divers de ce grand pays et les transformera en force spirituelle ».
« Puis il [Whitman] fixait le dilemme américain, croyant désormais à cette “crise” qu’il semblait d’abord évoquer comme simple hypothèse : “Les États-Unis sont destinés à remplacer et à surpasser l'histoire merveilleuse des temps féodaux ou ils constitueront le plus retentissant échec que le monde ait jamais connu”. On devine où penchait son jugement. »
Note
(*) Walt Whitman, “Perspectives Démocratiques”, extraits cités dans “L'Énigme du Nouveau Monde”, de Charles Neveu, Flammarion, Paris 1946.
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