La gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul (au centre), a donné mercredi le coup d’envoi au chantier du Champlain Hudson Power Express, une ligne à haute tension de 545 km qui alimentera la ville de New York en énergie verte québécoise. Kahsennenhawe Sky-Deer (1re à partir de la droite), grande cheffe de la communauté mohawk de Kahnawake, était présente pour la cérémonie.
Alors qu’une pénurie d’électricité se dessine et que François Legault souhaite bâtir de nouveaux barrages, Hydro-Québec s’est engagée à vendre 20 TWh aux Américains à bas prix.
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« Ils ont puisé dans le bloc patrimonial pour vendre au rabais l’équivalent de 93 % de la rivière Manicouagan aux Américains ! », s’insurge Pierre F. Gingras, ex-ingénieur spécialisé en projets hydroélectriques qui a travaillé 32 ans chez Hydro-Québec.
Lui et d’autres anciens d’Hydro trouvent aberrant qu’on invite les Québécois à la « sobriété énergétique », comme l’a laissé entendre le ministre Pierre Fitzgibbon, pendant qu’Hydro vendra son or bleu au sud de la frontière.
« On va remplacer ça par quoi ? C’est impossible aujourd’hui de remplacer ces barrages. Des rivières de la qualité de la Manicouagan, on n’en a plus ! Les Américains vont profiter de deux générations de Québécois qui se sont tués à l’ouvrage pour qu’on ait de bons tarifs », déplore celui qui a évalué plus de 200 projets de barrages pendant sa carrière.
Ententes à long terme
Hydro-Québec a conclu récemment des ententes avec l’État du Massachusetts et la Ville de New York, pour leur fournir en tout 19,85 TWh pendant 20 et 25 ans respectivement.
Dans le cas du contrat avec le Massachusetts, le prix que recevra Hydro-Québec à l’an 1 du contrat sera de 5,15 cents US le kWh (l’an 1 devait débuter en 2024, mais sera reporté en raison de litiges juridiques). À l’an 20 du contrat, ce prix sera de 8,24 cents, ce qui suppose un taux d’inflation de 2,5 % pendant la durée du contrat.
Le problème, c’est que le prix de l’électricité sur le marché était déjà de 8,4 cents au dernier trimestre de cette année. L’inflation explose et la demande pour l’électricité propre n’a jamais été aussi forte. Les Américains gagneront-ils au change ?
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Hydro-Québec se défend
« Ça demeure d’excellents contrats. Ce sont des engagements à long terme et les prix sur le marché fluctuent beaucoup. L’inflation actuelle ne durera pas », tempère Simon Bergevin, directeur principal du Parquet de transactions énergétiques chez Hydro-Québec, questionné mardi lors d’une conférence du CORIM.
Le prix du gaz naturel (une référence pour celui de l’électricité) était de 1,52 $ il n’y a pas si longtemps, rappelle-t-il, même s’il dépasse aujourd’hui les 7 $. Des facteurs comme la guerre en Ukraine poussent le prix à la hausse, mais « un prix de 5,15 cents dans le contrat du Massachusetts, ça reste un bon prix à long terme », dit-il.
Comme à la Bourse
« Dans un portefeuille, tu veux être diversifié. Actuellement, la majorité de nos exportations d’électricité, on la vend sur le spot (marché à court terme). Mais sur le long terme, tu veux aussi une partie de ton portefeuille qui va être fixe », illustre M. Bergevin.
Un avis que partage le professeur d’économie Pierre Fortin. « Le prix de 5,15 cents le kWh a peut-être l’air faible aujourd’hui, mais on peut produire présentement à 7 cents le kWh avec l’éolien, qui sera notre principal concurrent aux É.-U. et dont le prix continuera probablement à diminuer dans les années à venir. »
« C’est aussi une bonne idée d’avoir une présence ferme aux États-Unis, avec des alliés d’affaires dans ce pays, question de minimiser les risques du portefeuille », ajoute-t-il.
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Une victoire dans le Maine
Par ailleurs, la Cour suprême du Maine a validé, mercredi, le bail qu’avait obtenu le partenaire d’Hydro-Québec dans le dossier du projet NECEC, une nouvelle ligne de transmission entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre.
Il s’agit de la deuxième décision favorable du tribunal en lien avec ce projet, après celle rendue en août dernier au sujet de la constitutionnalité du référendum de novembre 2021.
Hydro-Québec n’est toujours pas sortie du bois dans ce dossier, car des plaidoiries sont prévues en avril 2023.