Malgré ses préoccupations à propos du projet Énergie Est, Hydro-Québec se contentera de faire parvenir une seule lettre de commentaires aux audiences de l’Office national de l’énergie (ONE). Une décision « carrément inacceptable », selon un groupe de propriétaires de terrains sur lesquels le futur oléoduc passera si le projet est approuvé. Le groupe exhorte la société d’État à prendre pleinement part aux audiences en tant qu’intervenant.
Le tracé préliminaire de 4600 kilomètres proposé par TransCanada longe les lignes électriques à très haute tension d’Hydro-Québec sur 710 kilomètres. L’Association de propriétaires privés, agricoles (acéricoles) et forestiers (APPAF) souligne que cette cohabitation peut engendrer de la corrosion et mettre à mal les éventuels projets électriques.
Hydro-Québec avait elle-même soulevé ces deux inquiétudes dans sa demande initiale de participation comme auteure de lettre de commentaires en date du 3 mars 2015. Ses avocats y notaient en outre qu’en cas de bris de l’oléoduc, ses installations seraient touchées, ayant pour conséquence l’interruption de l’alimentation électrique.
« Son niveau de participation n’est pas à la hauteur des préoccupations déjà soulevées. C’est nettement insuffisant », déplore Jean Gosselin, représentant de l’APPAF. Le statut d’intervenant « constitue le statut de participation au processus le plus engagé », informe l’ONE.
« Il ne faut pas interpréter la décision de partager [sic] une lettre de commentaires comme une décision de rester silencieux et de ne pas défendre les intérêts de notre réseau », avance Serge Abergel, porte-parole de la société d’État. La lettre à être acheminée recensera et documentera les aspects techniques de la cohabitation entre les futures installations de la compagnie TransCanada et celles d’Hydro-Québec. « Pour l’instant, la démarche correspond à nos attentes et nous avons des échanges constructifs avec TransCanada », ajoute M. Abergel.
Une autre entreprise publique d’électricité, Hydro One, a choisi de s’enregistrer pleinement en tant qu’intervenant. Le Réseau principal de l’Est (Eastern Mainline Project) suivra pourtant des corridors de transmission électrique d’Hydro One sur une distance considérablement moindre. Ce projet, pour lequel l’ONE tient des audiences en même temps qu’Énergie Est, comprend au total 250 kilomètres de nouvelles conduites sur le territoire ontarien.
Hydro One a voulu « s’assurer de rester au courant des importants développements en matière de réglementation », a justifié au Devoir sa porte-parole Tiziana Baccega Rosa. Dans sa lettre adressée à l’ONE, Hydro One révèle que plusieurs éléments restent en suspens entre les deux compagnies et dit n’avoir notamment pas reçu des « détails suffisants » sur le tracé du pipeline.
Des précédents
L’entreprise qui fournit en électricité la quasi-totalité des Québécois devrait se « réserver le droit de pouvoir intervenir, de demander des précisions, ne serait-ce que par prudence élémentaire », insiste M. Gosselin.
« Il y a une très grosse différence entre les deux statuts » de participant, confirme l’avocate Karine Péloffy, directrice du Centre québécois du droit de l’environnement. Hydro-Québec se prive ainsi d’interroger d’autres parties et les témoins dans deux rondes de questions, et donc de produire plus d’une expertise et une plaidoirie finale. « Ça change aussi la donne pour tous les autres intervenants », précise Me Péloffy, puisqu’ils ne pourront poser de questions à Hydro-Québec.
L’APPAF a de son côté obtenu le statut d’intervenant aux audiences de l’ONE, qui débuteront lundi prochain au Nouveau-Brunswick. Les 284 propriétaires du regroupement ont néanmoins l’impression d’être « laissés à eux-mêmes ». Il faut dire que plusieurs d’entre eux vivent déjà des problèmes avec un autre oléoduc, le pipeline Saint-Laurent de la compagnie Valéro.
Moins d’un an après son inauguration en 2012, ce pipeline présentait des taches de corrosion. Valéro a clairement imputé ces « anomalies » à la présence des lignes à haute tension d’Hydro-Québec, qui créent des conditions plus favorables au développement de corrosion sur ce type de conduite. « On sonne l’alarme à partir de l’expérience vécue, ça nous paraît fondamental de prévenir, plutôt que de voir arriver de la machinerie sur nos terres pour réparer un pipeline qui est neuf », dit Jean Gosselin, producteur de légumes biologiques.
ÉNERGIE EST
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