Greta Thunberg, la jeune Suédoise devenue depuis quelque temps une figure mondiale de la cause environnementale, voulait se rendre en Amérique pour y poursuivre son combat contre le réchauffement global. Problème : elle ne veut pas prendre l’avion. Autre problème : il est difficile de s’y rendre en train ou à cheval !
Comment franchir l’Atlantique sans alourdir son bilan carbone ? Solution : elle le traversera en voilier. Ses fans applaudissent et les sceptiques soupirent en roulant des yeux. N’y a-t-il pas des limites à se donner en spectacle et à mettre en scène son existence sous le signe de la vertu la plus absolue ? Réponse : bien sûr que non.
Écologisme
Greta Thunberg suscite l’exaspération de plusieurs. S’agit-il, comme on le lit ici et là, d’une manifestation de mesquinerie de la part d’insensibles qui résistent aux exigences de la cause environnementale ?
Ne cédons pas à cette facilité.
Sainte Greta incarne de manière caricaturale la société du spectacle, qui peut transformer une enfant en symbole publicitaire au service d’une cause politique.
On connaît les paroles de la chanson de Luce Dufault, qui voulait « donner le pouvoir aux enfants ». Rien ne m’a jamais semblé aussi dangereux que cette idée. L’embrigadement idéologique de la jeunesse est le propre des régimes totalitaires. C’est que la jeunesse, qui s’enthousiasme facilement, se laisse aisément fanatiser.
Sa capacité de mobilisation est immense, certes, mais elle n’est pas encore mature politiquement et peut aisément se laisser embobiner par son désir de s’engager. En d’autres mots, que la jeunesse se passionne pour une cause ne dit rien sur la valeur de cette cause en soi, mais en dit beaucoup sur l’idéologie à laquelle on l’a exposée à l’école, dans les médias, et plus largement, dans la culture populaire.
Qu’on se comprenne bien. Il ne s’agit certainement pas de ridiculiser la cause environnementale, qui est une cause essentielle.
Le capitalisme, obsédé par la production et la consommation, est parvenu en quelques décennies à créer un désastre environnemental sans nom. Il n’a pas toutefois le monopole du mal. Rappelons-nous seulement le désastre écologique auquel a conduit le communisme en Russie et en Europe de l’Est, dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Notre civilisation, sans renier son dynamisme, doit intégrer dans sa logique même le souci écologique. Et cela implique bien davantage que de recycler pieusement. Il faudra redéfinir notre rapport à la consommation, contenir le tourisme global, transformer nos manières d’habiter la ville ou de se déplacer. Précisons qu’au Québec, nous sommes assez exemplaires en la matière. Nul besoin de s’autoflageller.
Québec
Mais cet objectif fondamental ne doit pas nous conduire vers le fantasme régressif de la décroissance, comme s’il fallait rêver à une société bucolique, où chacun se déplacerait à cheval, en voiler ou en planeur. Greta, sur son voilier, ne donne pas l’exemple. Elle donne un spectacle, qui s’avère être une mauvaise comédie.
Nous ne sommes pas obligés de faire semblant de ne pas nous en rendre compte. Nous ne sommes pas obligés de faire semblant de l’apprécier.