Après les caravanes de migrants, les caravanes de Gilets jaunes? Au Canada, 160 camions partis de l'Ouest se dirigent actuellement vers la capitale d'Ottawa pour manifester. Quelles sont exactement leurs revendications? Pour en savoir plus, Sputnik s'est entretenu avec Rhonda Cwynar, l'un des porte-parole du mouvement.
Les Gilets jaunes du Canada font parler d'eux. Surtout basés dans l'ouest du pays, ils sont de plus en plus nombreux à contester certaines politiques du Premier ministre Justin Trudeau. Comme leurs homologues français, les Gilets jaunes canadiens forment un mouvement citoyen globalement opposé à la mondialisation.
Selon l'un des porte-parole des Yellow Vests canadiens, Rhonda Cwynar, le Canada souffre d'un grave déficit démocratique. Un phénomène qu'elle associe à la perte de souveraineté du pays. Selon elle, le gouvernement du Canada travaille davantage dans les intérêts d'un «agenda global», que dans celui du peuple canadien.
«Le Canada ne sera pas une vraie démocratie tant et aussi longtemps que son gouvernement ne sera pas tenu d'écouter réellement la population. Au Canada, les politiciens ne sont même pas tenus de le faire en regard de la constitution de 1982», a souligné d'entrée de jeu Mme Cwynar lors de son entretien.
Le 15 février dernier, une caravane de 160 camions est partie de la petite ville de Red Deer, en Alberta, dans l'intention de se rendre jusqu'à la capitale. Les Gilets jaunes auront 35 h de route à faire, en plein hiver, avant d'arriver à Ottawa. 3.500 kilomètres séparent Red Deer de la capitale. Des dizaines d'autres véhicules seront censés se joindre au convoi. L'objectif des Gilets jaunes: redonner la parole aux citoyens dans un Canada qui serait gouverné par une petite élite.
35 heures de route pour s'opposer à Trudeau
Ce porte-parole du mouvement critique sévèrement le modèle canadien, qu'il compare à une «corporation». Le Canada serait un simple marché commun doté d'une «constitution d'entreprise» et non d'une «Constitution de pays». Ce modèle n'accorderait aucune valeur au peuple en tant que source de la démocratie. Des politologues renommés comme Marc Chevrier critiquent également —pour d'autres raisons- le caractère «antidémocratique» de la fédération canadienne. Son système politique serait trop élitiste.
«Nous voulons que la Constitution soit amendée, car légalement, le Premier ministre n'a pas à écouter la population. De la manière que la constitution a été écrite, notre gouvernement n'a pas à prendre en compte la volonté du peuple», a tranché ce porte-parole des Yellow Vests.
Les Gilets jaunes du Canada manifestent aussi contre la taxe carbone imposée par le gouvernement Trudeau. En imposant des quotas à l'industrie pétrolière, cette taxe à vocation écologique nuit à l'économie des provinces de l'Ouest, basée en grande partie sur l'exploitation des sables bitumineux. Le Premier ministre est accusé de nuire à la qualité de vie des familles de la classe moyenne. De l'autre côté, la méthode d'extraction de cette énergie est considérée comme extrêmement polluante.
Rhonda Cwynar voit dans la taxe carbone le signe d'une perte de souveraineté du Canada au profit des grandes organisations internationales. La taxe aurait été conçue pour satisfaire une idéologie mondialiste, détachée de la réalité du terrain.
«La taxe carbone s'inscrit aussi dans la logique supranationale que nous dénonçons. Elle a été imposée pour que le Canada se conforme à l'Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable. Cette loi s'inscrit dans la logique d'un gouvernement mondial», a affirmé Mme Cwynar.
De même, le mouvement manifeste contre l'augmentation des seuils d'immigration prévue par Justin Trudeau. Le Premier ministre libéral est critiqué pour sa gestion, jugée catastrophique, des dernières crises migratoires (Syriens et Haïtiens) et sa vision à l'eau de rose de l'intégration. Il en ferait beaucoup pour les Canadiens d'origine étrangère, mais peu pour les Canadiens ordinaires.
Un gouvernement contre le peuple?
Rhonda Cwynar évoque la signature du Pacte Marrakech par le Canada, un traité qui s'inscrit lui aussi dans une logique «mondialiste». Elle explique que les Gilets jaunes canadiens ne sont pas «racistes», mais seulement «soucieux de l'avenir de leurs enfants» et répond à ceux qui la qualifient d'anti-immigrationniste:
«Les Gilets jaunes canadiens ne critiquent pas l'immigration, mais l'immigration illégale. Ils critiquent le fait que le Canada se fasse dicter qui il doit accueillir et comment. Ce n'est plus le Canada qui décide, mais une sorte de gouvernement global», a affirmé Mme Cwnyar à Sputnik France.
Depuis son entrée en fonction en 2015, Trudeau fait effectivement la promotion d'un multiculturalisme que d'autres politiques considèrent comme radical. Le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, entend d'ailleurs rompre complètement avec cette vision s'il est élu à l'élection fédérale de l'automne 2019. Mme Cwynar pense toutefois qu'aucun gouvernement ne pourra changer les choses tant et aussi longtemps que le système canadien ne sera pas plus démocratique.