Après dix jours de procès, les réquisitions ont été prononcées, mercredi 14 septembre, contre Jérôme Cahuzac : le parquet a demandé trois ans de prison ferme assortis de cinq années d’inéligibilité pour l’ex-ministre du budget devenu symbole de l’évasion fiscale, estimant que c’était le juste prix de la « trahison » pour avoir « sacrifié tous les principes pour l’appât du gain ».
La procureure nationale financière Eliane Houlette a requis une sanction de deux ans de prison ferme à l’encontre de son ex-femme, Patricia Ménard, qui a « surpassé » son mari « dans la dissimulation de ses avoirs au fisc ». « Le seul élément qui distingue vos situations, c’est que lui était ministre », a-t-elle lancé.
Un million huit cent mille euros d’amende ont également été requis contre la banque genevoise Reyl et dix-huit mois avec sursis et 375 000 euros d’amende contre son patron, François Reyl, suspectés d’avoir participé au blanchiment en renforçant l’opacité des avoirs en organisant en 2009 le transfert de quelque 600 000 euros à Singapour, par l’intermédiaire de sociétés offshore enregistrées au Panama et aux Seychelles.
Une fraude « familiale »
Celui qui était devenu au gouvernement le champion de la lutte contre l’évasion fiscale est jugé depuis lundi 5 septembre pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir minoré sa déclaration de patrimoine en entrant au premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault en 2012. Sa démission du ministère du budget, en mars 2013, puis ses aveux en avril, ont fait tanguer le gouvernement, écorné la « République exemplaire » voulue par François Hollande.
Pendant dix jours, le procès a mis à nu les secrets bancaires d’un couple, « conscient de l’illégalité » des montages toujours plus sophistiqués. Patricia et Jérôme Cahuzac ont reconnu une fraude « familiale », une plongée dans l’opacité offshore comme une fuite en avant, mais nié avoir construit « un système organisé ».
Au contraire, le procureur Jean-Marc Toublanc a dénoncé « l’organisation d’une vie familiale enracinée dans la fraude pendant vingt ans » : « à aucun moment il n’y a eu une prise de conscience. Pas même quand M. Cahuzac est devenu président de la commission des finances de l’Assemblée nationale » en février 2010 et « se fait remettre 20 800 euros en espèces sur le trottoir parisien ».
Jusqu’au bout Jérôme Cahuzac a ménagé ses effets. Mardi, il a affirmé n’avoir « pas menti au président les yeux dans les yeux », car François Hollande ne lui aurait « jamais demandé » s’il avait « oui ou non un compte à l’étranger ». L’Elysée a démenti.
« Très conscients de l’illégalité de tout cela »
Dès le premier jour, il avait fixé une nouvelle ligne de défense, affirmant à la surprise générale avoir ouvert un premier compte à l’Union des banques suisses (UBS) de Genève en 1992 par l’intermédiaire d’un ami pour « financer les activités politiques » de feu Michel Rocard. Une stratégie risquée.
Au fil des jours, l’ex-ministre s’est expliqué sur les circuits de l’argent : l’ouverture dès 1993 d’un compte en son nom propre chez UBS, nom de code « Birdie ». Compte très vite géré par la banque Reyl, qui organisa en 2009 le transfert de tous les avoirs à Singapour, par des sociétés offshore. La banque Reyl a nié toute « volonté d’opacité », assurant n’avoir répondu qu’au désir de « confidentialité accrue » du client.
Patricia Cahuzac a décrit une fraude familiale bien rodée : « De même que je savais qu’il y avait un compte en Suisse – sur lequel j’avais procuration –, le compte à Man était pour nous deux, à nos deux noms », a expliqué l’ex-épouse. « On était très conscients de l’illégalité de tout cela. »
Le couple de médecins déposera aussi, de 2003 à 2010, des chèques de patients de leur clinique d’implants capillaires sur les comptes de la mère du chirurgien gagné par le virus de la politique.
A eux deux, les Cahuzac ont subi un redressement majoré d’environ 2,5 millions d’euros.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé