Pris depuis dix jours dans la tourmente du «Benallagate», du nom d’Alexandre Benalla, l’ancien collaborateur du président Emmanuel Macron accusé de violences, le pouvoir espère que la torpeur estivale qui saisit la France chaque année lui offrira une accalmie.
Toutefois, la révélation vendredi de deux plaintes en justice relatives à un incident survenu antérieurement aux faits qui ont déclenché le scandale, et qui impliquerait également M. Benalla, pourrait relance la polémique.
Des centaines de kilomètres de bouchons, des gares et des trains bondés et Paris qui se vide de ses habitants: la grande transhumance vers les vacances et les plages, qui saisit la France chaque mois d’août, débute ce week-end.
Hasard du calendrier, cette plongée dans la torpeur estivale coïncide avec la première journée, ce vendredi, où «l’affaire Benalla» ne fait pas la Une des journaux, plus intéressés semble-t-il par les moyens de lutter contre la canicule.
Profiter de ce calme, c’est ce qu’espère la majorité présidentielle. «Macron veut prendre de la hauteur», titre le quotidien Le Monde en référence aux déclarations de M. Macron, jeudi lors d’un déplacement dans les Pyrénées puis en Espagne, où il a tenté de minimiser l’affaire en assurant qu’il s’agissait d’«une tempête dans un verre d’eau».
Le président, qui s’était dans un premier temps muré dans le silence, avait expliqué pendant deux jours “assumer” la faute de son ex-collaborateur. Mais, faute d’éteindre l’incendie, il a semblé vouloir sonner la fin des polémiques, lâchant sèchement: «J’ai dit ce que j’avais à dire».
Ses troupes ont soutenu la même stratégie. «Je pense qu’il faut se remettre au travail», a déclaré vendredi un secrétaire d’État, Julien Denormandie. Dès mercredi, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, disait que «toutes les leçons» seraient tirées de cette affaire, mais «à la rentrée».
Il est vrai que les «Marcheurs», du nom des soutiens du président, pourraient bien avoir besoin de souffler, après une semaine et demie de tempête politico-judiciaire.
Le mercredi 18 juillet, Le Monde révélait qu’un mystérieux jeune barbu, coiffé d’un casque à visière de policier, qui avait molesté deux manifestants le 1er mai sur la place de la Contrescarpe à Paris, n’était autre qu’un collaborateur, qui plus est «proche», du président Macron.
Depuis, «l’actualité est phagocytée par l’affaire Benalla, tant celle-ci déchaîne les passions. Pas un jour ne passe sans son lot de nouvelles révélations, événements ou réactions», souligne le quotidien Le Figaro.
Et celui qui continue d’alimenter le feuilleton est le premier intéressé. Dans une interview enregistrée pour la chaîne privée TF1 et diffusée vendredi soir, M. Benalla réaffirme n’avoir pas «porté» de «coup» lors de son intervention contre des manifestants le 1er mai à Paris.
«Il y a des gestes qui sont vigoureux, qui sont rapides, mais il n’y a aucun coup porté», assure-t-il, alors même qu’une série de vidéos le montre frappant et malmenant des manifestants lors de l’incident révélé par Le Monde.
De plus, les agissements d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase, employé du parti présidentiel La République en Marche et gendarme réserviste comme M. Benalla, font l’objet depuis jeudi de deux plaintes de deux jeunes de 23 et 24 ans adressées au parquet de Paris, dénonçant une autre interpellation musclée au Jardin des Plantes, survenue le même jour, quelques heures avant l’épisode de la Contrescarpe, a-t-on appris par l’un de leurs avocats, Grégory Saint-Michel, confirmant une information du quotidien Libération.
Les plaintes sont notamment déposées pour «violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique en réunion» et «usurpation de signes réservés à l’autorité publique».
«Dérive individuelle»
Dès le lendemain des révélations du Monde, la justice a ouvert une enquête, alors que le lendemain des faits, le 2 mai, M. Benalla avait été simplement suspendu quinze jours, sans que la justice ne soit informée, contrairement à une obligation stipulée par la loi.
L’opposition de droite et de gauche y voit dès lors une «dissimulation» et donc un «scandale d’État» et une enquête parlementaire est lancée.
Le 20, le licenciement de M. Benalla est décidé et, le 22, il est inculpé. L’Assemblée étant paralysée par la bronca, le gouvernement est contraint de suspendre l’examen de sa réforme constitutionnelle, pourtant très chère à M. Macron.
Les auditions devant les commissions d’enquête parlementaire se succèdent devant les caméras, dopant les audiences des chaînes d’information. Le 23, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb se défausse sur l’Elysée, disant qu’il revenait à la présidence, et non à lui, de décider de saisir la justice.
L’affaire Benalla est le résultat d’«une dérive individuelle» et non «une affaire d’État”, affirme le Premier ministre Édouard Philippe à l’Assemblée, le 24, montant au créneau alors que le président est toujours muet.
Mais cela ne calme pas le feu nourri des critiques, et Les Républicains (opposition de droite) annoncent le dépôt d’une motion de censure, qui sera suivie d’une seconde soutenue par la gauche.
Elles n’ont aucune chance d’être approuvées et donc de faire tomber le gouvernement, mais elles provoqueront un nouveau débat sans doute houleux la semaine prochaine, douchant ainsi les espoirs d’apaisement du gouvernement.
Dès jeudi soir, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire Benalla a ainsi implosé, les députés de droite et de gauche claquant la porte de cette «parodie», selon le mot du corapporteur de droite, qui se demande si l’Elysée ne cherche pas à «torpiller» l’enquête parlementaire.