Gilles Duceppe, déçu, s'adresse aux militants de son parti après le cuisant revers du Bloc québécois aux élections fédérales.
PHOTO: JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE
La déconfiture du Bloc est telle qu'elle frappera non seulement le PQ et le projet souverainiste, mais aussi bien des repères politiques en place depuis plus d'une génération. L'image que le Québec avait de lui-même et qu'il projetait à l'extérieur, marquée par un nationalisme fort et tenace, vient de se fissurer.
Bien plus, au lendemain de cette élection fédérale, la «québécitude», avec toutes ses distinctions et velléités, est ébranlée. Avec moins de 25% des appuis populaires, les souverainistes, toutes élections confondues, se retrouvent avec leur pire score depuis 1970. Il s'agit presque d'un retour à la case départ.
Il faut se rappeler que toutes les grandes séductions qui ont historiquement balayé l'électorat québécois avaient chaque fois fait fortement vibrer la corde nationaliste. Pierre Trudeau incarnait le French Power à Ottawa. Brian Mulroney avait tablé sur l'honneur, l'enthousiasme et la promesse solennelle de réparer le «gâchis» constitutionnel pour séduire les Québécois. Même Stephen Harper, en 2006, avait joué la carte du «fédéralisme d'ouverture» pour son «french kiss».
Cette fois, rien de semblable. Le NPD et Jack Layton n'ont rien promis: ils n'ont pas eu à utiliser cet ingrédient. Le NPD a même appuyé le Bas-Churchill, un projet décrié d'une seule voix par l'Assemblée nationale. L'électorat québécois a été séduit sans que le séducteur n'ait à se draper de bleu.
La déclaration de Sherbrooke, adoptée en 2005 par les instances du NPD, inconnue du grand public, montre une certaine ouverture, mais guère plus. Et quand Gilles Duceppe a talonné Jack Layton sur ce qu'il entendait par «conditions gagnantes», le chef néo-démocrate est resté évasif, répétant qu'il n'y avait pas d'urgence. Idem, sur l'application de la loi 101.
La question du Québec loin d'être un enjeu positif de la campagne est devenue au fil des semaines une source d'ennui. Le Bloc qui croyait maintenir sa légitimité en posant qu'il est le seul à «parler du Québec» a plutôt provoqué de l'agacement. D'autres y ont vu un enfermement, une étroitesse de vue. Certains ont même accusé Gilles Duceppe d'arrogance. Sans que personne n'ait pu l'anticiper, du moins pas de cette manière, la prétention centrale du Bloc s'est retournée contre lui.
Mais il y a plus. Le simple goût du changement a aussi joué contre le Bloc québécois. Présent sur la scène fédérale depuis plus de 20 ans, rendu à sa septième élection générale, dirigé par le même chef depuis 14 ans, le Bloc est devenu pour plusieurs un «vieux» parti qui semblait piétiner dans le rôle de «victime», accusant continuellement les autres de ne pas respecter le Québec.
Quels seront les effets de cette défaite historique du Bloc québécois? Il est trop tôt pour trancher, mais plusieurs questions seront sur toutes les lèvres. Le Bloc devra-t-il se saborder? Quand et comment? Le PQ devra-t-il revoir sa stratégie de «gouvernance souverainiste» pour les élections québécoises? Bien plus, est-ce que cette défaite signifie la fin du mouvement souverainiste? Plusieurs le croiront, surtout au Canada anglais. Reste que les Marois, Landry et Parizeau doivent être consternés.
Les artisans de ce mouvement devraient savoir que notre système électoral rend les partis éminemment vulnérables. Une chute de 10 points des appuis populaires provoque une hécatombe dans la députation. Les mouvements politiques bien que fragiles sont plus forts que les partis.
La montée spectaculaire du NPD au Québec et le fait qu'il se retrouve le deuxième parti à Ottawa pourraient amener plusieurs Québécois à investir dans cette force politique en vue du prochain scrutin fédéral. Toute une jeunesse pourrait s'y retrouver. Et comme avec Trudeau et Mulroney, le NPD pourrait peut-être un jour gouverner le Canada grâce au Québec.
Comment les revendications traditionnelles du Québec vont être reprises, recyclées et transformées par le nouvel alignement des forces? Le choc a été tel qu'il faudra du temps aux souverainistes pour prendre pleinement la mesure de leur échec.
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Jean-Herman Guay
L'auteur est professeur de sciences politiques à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.
Fin du mouvement souverainiste?
Le choc a été tel qu'il faudra du temps aux souverainistes pour prendre pleinement la mesure de leur échec.
Recomposition politique au Québec - 2011
Jean-Herman Guay30 articles
L'auteur est professeur de sciences politiques à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.
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