Officiellement, elle s’appelle Eugenie Bouchard. Mais elle n’aime pas qu’on l’appelle ainsi. Son nom courant, c’est Genie.
Et même si elle s’appelle Bouchard, elle ne sait pas trop quoi faire de ses origines québécoises. Elle l’a déjà confessé en conférence de presse en 2014: elle est fière de ne pas avoir l’accent québécois.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne l’a pas. En fait, elle parle un français laborieux: pour elle, c’est manifestement une langue étrangère.
C’est normal: Eugenie Bouchard est ce qu’on appelait autrefois une assimilée.
Culture
Qu’est-ce qu’un assimilé? C’est quelqu’un qui est né québécois, mais qui s’est laissé dévorer par la culture anglophone nord-américaine.
C’est un Québécois devenu un anglophone nord-américain comme les autres.
Autrement dit, c’est un Québécois chez qui l’identité québécoise s’efface, sauf à étendre la définition de ce terme jusqu’à le rendre insignifiant. L’assimilé a abandonné le français pour l’anglais.
Dans notre histoire, nous avons longtemps redouté l’assimilation. On y voyait une perte d’identité. On craignait que l’Amérique du Nord anglophone finisse par nous avaler et nous fasse perdre notre personnalité culturelle.
C’est ce qui est arrivé à Genie, qui se sent américaine. Mais aujourd’hui, on veut y voir une chance. L’assimilé a tiré le gros lot: il parle anglais sans accent!
J’entends la réplique prévisible: «on ne saurait distribuer des certificats de bon ou de mauvais Québécois».
Ça va de soi. Il y a plusieurs manières d’appartenir au Québec. Mais à cause de son importance médiatique, on peut quand même réfléchir à Eugenie Bouchard comme symbole culturel.
L’identité, quoi qu’on en dise, n’est pas seulement un phénomène individuel. C’est une réalité collective.
Voici une jeune femme qui anglicise son prénom, qui préfère l’anglais, systématiquement l’anglais, au français dans ses communications publiques et qui témoigne d’un mépris pour son pays d’origine.
Mais les Québécois sont tellement heureux de voir une femme qui vient de leur pays briller sur la scène du tennis mondial qu’ils font semblant de ne se rendre compte de rien.
Comme d’habitude, ils s’enfouissent la tête dans le sable et ils appellent fièrement ça de la sagesse.
Comprenons-nous: je ne nie certainement pas le talent de Genie! C’est une joueuse de tennis exceptionnelle et je ne doute pas qu’il s’agisse d’un être humain d’une richesse de cœur remarquable.
Contre-modèle
Eugenie Bouchard est un modèle sportif inspirant.
Mais c’est un contre-modèle identitaire.
Le jour où tous les Québécois ressembleront culturellement à la belle Genie et seront, comme elle, passés du français à l’anglais, le Québec n’existera tout simplement plus. Ce sera une région nord-américaine parmi d’autres.
Le jour où l’anglais sera notre première langue et le français, la langue de nos grands-parents, nous aurons perdu la grande bataille menée depuis 250 ans pour survivre et nous émanciper.
Quand Mathieu deviendra Matthew, Pierre, Peter et André, Andrew, c’est que le peuple québécois sera un peuple mort.
Il agonise déjà, d’ailleurs. Mais il agonise en souriant.
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