Une grande tension politique est palpable à travers les États-Unis à l'approche des élections de mi-mandat qui auront lieu le 6 novembre. Pourquoi ces élections sont-elles si cruciales? Qu'est-ce qui déchaîne autant les passions au sud de la frontière?
Au total, 231 417 000 citoyens américains sont habiles à voter pour les élections de mi-mandat 2018, selon les données du Pew Research Center. Ils ont la tâche d'élire 435 représentants et 35 sénateurs au Congrès des États-Unis.
En quoi consistent les élections de mi-mandat?
Les élections de mi-mandat font référence à la moitié du mandat du président des États-Unis et concernent les deux chambres du Congrès américain. Deux ans après une élection présidentielle, tous les sièges de la Chambre des représentants sont à nouveau en jeu, de même qu'environ un tiers des sièges du Sénat.
Chaque État est représenté par des élus qui siègent dans les deux chambres du Congrès américain. Le Congrès est l'institution qui adopte les lois fédérales américaines.
Par ailleurs, de nombreuses campagnes électorales se déroulent chaque année au sein des gouvernements d'États et des communautés locales, ce qui vient allonger la liste des postes à combler. Cette année par exemple, 36 États doivent élire un gouverneur de même que trois territoires (les Mariannes du Nord, les îles Vierges américaines et l'île de Guam).
Selon Karine Prémont, directrice adjointe de l'observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, les élections de mi-mandat ont été créées «pour permettre aux citoyens d'être impliqués le plus possible dans les décisions politiques».
«Historiquement, c'est un référendum sur le président, note la professeure à l'école de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke. Ça permet aux électeurs de démontrer leur satisfaction ou leur insatisfaction à l'égard à la fois du président, mais aussi de leurs élus au Congrès.»
Qu'est-ce que la Chambre des représentants?
Chaque État détient une proportion des 435 sièges selon la taille de sa population. Les 435 sièges correspondent à des districts déterminés à l'intérieur de chaque État. Le District de Columbia et les territoires des îles Vierges américaines, de l'île de Guam, des Samoa américaines et des Mariannes du Nord disposent d'un délégué, alors qu'un commissaire résident représente Porto Rico.
Tous les sièges de la Chambre des représentants sont remis en jeu chaque deux ans, soit lors d'une élection présidentielle et lors des élections de mi-mandat.
En général, les représentants défendent les intérêts des citoyens, c'est pour ça qu'ils sont en élection plus fréquemment, afin d'être davantage en phase avec les électeurs.Karine Prémont
En plus de devoir voter sur tous les projets de loi fédéraux, les représentants ont aussi la responsabilité de la gestion budgétaire.
Pour être éligible à un poste de représentant, il faut être âgé d'au moins 25 ans, être citoyen des États-Unis depuis au moins sept ans et résider sur le territoire de l'État que l'on veut représenter.
Qu'est-ce que le Sénat américain?
Le Sénat compte 100 sièges, soit deux pour chacun des 50 États. Les sénateurs sont élus pour six ans, ce qui fait en sorte qu'environ le tiers des sièges sont en jeu lors des élections présidentielles et lors des élections de mi-mandat. Le nombre de mandats est illimité.
«Les sénateurs, puisqu'ils sont deux par États, défendent davantage les intérêts des États au sein de la fédération américaine. C'est pour ça que leur mandat est plus long, pour leur permettre d'être un peu au-dessus de l'actualité et des tensions momentanées», indique Karine Prémont.
En plus de devoir voter sur tous les projets de loi fédéraux, les sénateurs sont chargés d'entériner les nominations présidentielles que ce soit les membres du cabinet ou les juges à la Cour suprême. Le Sénat doit aussi ratifier les traités internationaux signés par le président.
Pour être éligible à un poste de sénateur, il faut être âgé d'au moins 30 ans, être citoyen des États-Unis depuis au moins neuf ans et résider sur le territoire de l'État que l'on veut représenter.
Pourquoi ces élections suscitent-elles autant d'engouement?
Les Américains n'ont pas l'habitude de sortir voter en grand nombre aux élections de mi-mandat, alors que le taux de participation ne dépasse généralement pas les 35 pour cent. Toutefois, un nombre élevé d'électeurs ont pris part au vote par anticipation, ce qui laisse croire à certains analystes que le taux de participation total pourrait s'élever jusqu'à près de 50 pour cent.
«On comprend bien qu'avec un président qui a de la difficulté à atteindre un taux de satisfaction de 40 pour cent depuis son arrivée à la Maison-Blanche, les contestations sont nombreuses. Les gens sont mobilisés et peut-être que cette mobilisation-là provient surtout de la contestation face à Trump», explique Mme Prémont.
De plus, on assiste à un nombre record de femmes qui participent à l'élection. Un record de 257 femmes sont candidates pour les postes au Congrès. «Il y a même cinq États où les courses sénatoriales sont exclusivement féminines, c'est du jamais vu», relève Mme Prémont.
Les démocrates peuvent-ils espérer reprendre la majorité au Congrès?
La professeure Prémont souligne que, dans la majorité des cas, le parti qui occupe la Maison-Blanche perd des sièges dans les deux chambres. Présentement, ce sont les républicains de Donald Trump qui occupent la Maison-Blanche et qui détiennent la majorité dans les deux chambres du Congrès.
Lors de son élection en 2008, l'ex-président Barack Obama détenait une majorité démocrate dans les deux chambres. Il a rapidement perdu cette majorité dès 2010 et n'a jamais pu la regagner. Le même sort pourrait être réservé à Donald Trump, mais la tâche s'annonce difficile.
«Advenant le cas où le parti démocrate réussirait à obtenir une majorité à la Chambre, ça ralentirait de façon importante le processus législatif et ça constituerait un obstacle important à l'agenda législatif de Donald Trump», fait remarquer la directrice-adjointe de l'observatoire sur les États-Unis.
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Pour prendre le contrôle de la Chambre des représentants, les démocrates doivent non seulement conserver tous leurs sièges, mais aussi en reprendre 23 des mains des républicains. Un défi de taille compte tenu des taux de réélection très élevés.
«Les taux de réélections au Sénat sont autour de 95 pour cent, à la Chambre des représentants c'est à peu près 90 pour cent et pour les gouverneurs c'est environ 80 pour cent», précise Karine Prémont.
Quels sont les sujets chauds?
La santé: «Dans une dizaine d'États, la santé occupe presque la moitié du contenu des publicités électorales», souligne la professeure de politique appliquée de l'UdeS.
Les nombreuses manoeuvres des républicains pour abolir ou fragiliser les lois sur les assurances de santé et assurances médicaments, adoptées par Barack Obama, ont soulevé l'ire d'une importante partie des électeurs.
L'immigration: Il s'agit d'un important cheval de bataille du président. Un thème qui serait très présent dans les États du sud.
Droit des femmes: Un autre enjeu qui risque de mobiliser les gens, selon Karine Prémont, est le droit des femmes et des minorités sexuelles. La nomination du juge à la Cour suprême Brett Kavanaugh ferait craindre à de nombreuses femmes l'abolition du droit à l'avortement.
«Si c'est la sécurité qui intéresse davantage les gens, ça risque de favoriser les républicains. Si c'est la question des minorités sexuelles, ça va favoriser les démocrates. Mais plus fondamentalement, c'est la satisfaction à l'égard de Trump qui compte et ces jours-ci il est à environ 40 ou 42 pour cent de taux d'approbation», analyse-t-elle.
Quels sont les États à surveiller?
Karine Prémont entend surveiller principalement une vingtaine de courses plus serrées dans divers États. Les démocrates espèrent d'abord reprendre le terrain perdu dans le mid-ouest. L'Ohio, l'Illinois, le Michigan et la Pennsylvanie sont des États qui leurs sont favorables et qui ont fait en sorte de donner la Maison-Blanche à Donald Trump en 2016.
Le Parti démocrate vise aussi à faire des gains dans les États du sud, dont le Texas. Les démocrates misent sur un nombre record de 28 778 000 électeurs latino-américains habiles à voter, selon le Pew Research Center, et qui leur sont favorables, surtout chez les jeunes.