On ne perd pas 40 milliards, ou 25 % d'un actif public, sans chercher un coupable. Henri-Paul Rousseau devient le bouc émissaire parfait, le temps d'une commission parlementaire. Mais retenons tout de même que plus de la moitié de cette perte n'est que sur papier. Et que les états financiers de la Caisse de dépôt dégagent une perte sèche de plus de 23 milliards provenant d'une vente précipitée de placements survenue au coeur de cette tempête déclenchée en septembre-octobre, bien après le départ de M. Rousseau. Il aurait été intéressant de savoir s'il y a eu panique à la Caisse.
Nul besoin de se porter à la défense de l'ex-président de la Caisse de dépôt. Henri-Paul Rousseau est capable d'encaisser le coup. Cela vient avec une fonction qui implique que les contre-performances soient rapidement sanctionnées. Mais, peu ou pas d'informations nouvelles ne sont ressorties de cette opération de défoulement public visant à identifier un coupable. Il aurait notamment été intéressant que l'on arrête de fesser toujours sur le même clou, celui des PCAA, et que l'on documente cette perte réelle, de 23,2 milliards, liée à la vente de placements.
Y a-t-il eu panique à bord au lendemain de cette faillite de Lehman Brothers ayant déclenché la dégringolade des cours sur les marchés financiers? L'équipe de gestionnaires dits professionnels s'est-elle retrouvée subitement sans moyens sous une direction épuisée? Si oui, comment éviter une telle réaction émotive ou épidermique advenant une prochaine tempête? Les conseillers financiers recommandent pourtant à leurs clients de ne pas vendre dans la tourmente. À la Caisse, on a modifié rapidement l'allocation d'actif, pour faire passer le poids des marchés boursiers de 36 à 22 % du portefeuille. Résultat: l'institution a comptabilisé une perte à la vente de placements de 23,2 milliards. Une perte sèche, non récupérable!
De la perte globale de 39,8 milliards inscrite aux résultats de 2008 et représentant un rendement négatif de 25 %, 22,4 milliards s'inscrivent dans la catégorie des moins-values non matérialisées. Entrent, ici, ces fameux PCAA, qui ont toutes les chances d'être récupérés en totalité ou en quasi-totalité. Et c'est ici que joue la mécanique comptable du «mark-to-market» s'appliquant aux fonds d'investissement et élargie aux caisses de retraite. On parle d'une évaluation à la juste valeur marchande des placements, comme s'ils étaient entièrement liquidés en fin d'exercice. Cette méthode comptable vient ajouter énormément de volatilité dans les états financiers des gestionnaires d'une année à l'autre. Une volatilité qui s'en trouve amplifiée lorsque l'institution, comme la Caisse, met à contribution sa masse critique pour ajouter du levier à ses placements.
Le reste de la perte globale vient d'une perte nette matérialisée de 17,4 milliards. Cette somme comprend les 23,2 milliards perdus lors de la vente de placements, atténuée par des revenus de placements de 5,8 milliards. Cette perte irrécupérable a été placée dans la catégorie «gestion proactive de la crise». Ainsi, «à aucun moment au cours de cette période, la Caisse n'a manqué ou n'est passée près de manquer de liquidités, mais notre analyse des événements nous a incités à agir en fonction d'une probable aggravation de la crise en protégeant le capital des déposants et en faisant d'un niveau de liquidités élevé un élément important de notre stratégie pour les mois à venir», peut-on lire dans un communiqué de la Caisse.
La suite des choses a donné tort à cet ajustement brusque des portefeuilles. Et la reprise des marchés boursiers, de quelque 30 % depuis le 9 mars, vient ajouter à la torture pour ces grands stratèges. Mais il est vrai que le commentaire est toujours brillant lorsqu'il provient d'une analyse en rétrospective.
De toute évidence, l'année 2008 a fait ressortir une gestion des risques défaillante pour la Caisse. Mais il aura fallu une «tempête parfaite» pour mettre à jour cette fragilité. Surreprésentation des PCAA, couverture pour risque de change ayant raté sa cible et absence d'habileté en gestion tactique... Dans les résultats de 2008, une somme de 16,5 milliards, soit 41 % de la perte (réelle ou sur papier), est reliée à ces déficiences en matière de gestion des risques spécifiques. Ce à quoi le nouveau président, Michael Sabia, a répondu en appliquant un nouvel organigramme à la Caisse venant troquer les activités de nature spéculative pour une gestion des risques renforcée.
Souhaitons à cette nouvelle équipe un «mark-to-market» favorable en 2009 et une récupération rapide du capital dormant dans les PCAA transformés.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé