Nous vivons présentement une reprise de coup d’État moderne.
Le coup d’État moderne s’appuie sur l’arme médiatique et réussi grâce à la complicité journalistique consistant à contrôler l’opinion publique.
La stratégie présente consiste à nier ce coup d’État.
Malgré que l’aéroport soit occupé et contrôler par l’armée, malgré que le congrès soit investi par la police rebelle, malgré que l’on séquestre pendant des heures le Président, malgré qu’il y ait des échanges nourri de tirs entre policiers pro-gouvernement et rebelles putschistes, malgré qu’on ait voulu envahir la station de télé de l’État, on s’évertue à nous démontrer qu’il ne s’agit nullement d’un coup d’État visant à subtiliser le pouvoir présidentiel.
Le même scénario que celui qui a servi à renverser le Président élu et légitime du Honduras est utilisé.
Il consiste à blâmer le Président et à justifier ce geste armé antidémocratique par un mécontentement « justifié » des rebelles. Dans ce scénario, les rebelles n’ont pas tort, c’est plutôt le Président Correa qui ne fait que subir les conséquences de ses actes « irresponsables » (sic).
Autre élément du scénario on met l’accent sur la bonne entente entre le Président Correa et la bête noire, Hugo Chávez. Déjà, l’opinion publique conditionnée depuis de longues années à détester ce Chávez dictateur de malheur (sic) prend donc partie pour les rebelles qui renversent par les armes ce mauvais Président socialiste (socialiste… Quand mentionne-t-on qu’un Président est « capitaliste »?).
Les putschistes ont beau avoir mis hors pouvoir le Président et contrôlent des secteurs importants du pays (aéroport, congrès) on dit que le gouvernement muselle l’opposition en interdisant la diffusion autre que le message du gouvernement.
Un geste qui pourtant est totalement justifié étant donné les circonstances.
Nous assisterons donc au dénigrement systématique pièce par pièce du Président Rafael Correa et on nous normalisera une fois de plus ce coup d’État totalement contraire aux règles les plus élémentaires de la démocratie.
Nous constatons, une fois de plus, que nos journalistes ne servent pas l’information, mais servent plutôt à faire la promotion de l’idéologie néolibérale.
Lors du coup d’État du Honduras, on a jeté le blâme sur le Président Zelaya.
Aujourd’hui, nos journalistes au service de l’idéologie vont jeter le blâme sur le Président Correa.
Il faut vraiment garder la tête hors de l’eau médiatique et se rappeler ce qu’est la démocratie et quelles en sont les règles.
Nos médias idéologiques vont nous justifier les gestes impardonnables de ces putschistes servant à renverser ce gouvernement refusant le libre-échange (!) néolibéral et l’exploitation sans contraintes de ses ressources naturelles par les prédateurs capitalistes mondiaux.
Autre élément important du scénario c’est le recours à la constitution.
Tout comme lors du coup d’État au Honduras, on nous servira la constitution du pays sur le plateau médiatique. Tout sera jugé « objectivement » (sic) comme étant en accord avec la constitution.
La rébellion ne sera qu’une manifestation permise par la constitution et les gestes du gouvernement seront sévèrement jugés en utilisant toujours la constitution. Le recours à des experts juristes sera peut-être utilisé pour nous faire « comprendre » les erreurs du Président et le bien-fondé de la gouvernance militaire qui prendra de plus en plus de place.
À l’heure actuelle, il est difficile de dire avec assurance s’il s’agit d’une « tentative » de coup d’État ratée ou d’un coup d’État moderne suivant lentement son cours.
Si on parle de négociations et si des « médiateurs » du genre Oscar Arias, fameux prix Nobel de la Paix 87, se pointent pour « aider » à « stabiliser » l’Équateur . (Il ne serait pas surprenant que le Canada de Stephen Harper qui a un faible pour la démocratie (sic) et la Paix (sic), se propose pour aider à résoudre la crise équatorienne.), si tel est le cas, il sera alors clair que le coup d’État moderne suit son cours et que Rafael Correa perdra peu à peu tout son pouvoir
On parlera peut-être de démission, d’élections ou de référendum révocatoire. Peu importe, on cherchera par tous les moyens à mettre hors d’état de nuire ce Président « socialiste» et ami de la bête noire vénézuélienne.
On aurait cru à ce qu’on élabore plutôt un coup d’État au Paraguay de Fernando Lugo. Sans doute les réserves énergétiques de l’Équateur sont plus importantes que celles du Paraguay. De plus, la situation géographique entre le Pérou (encore ami néolibéral avec Alan Garcia) et l’accueillante Colombie (sept bases militaires US) de Juan Santos fait en sorte que de placer un gouvernement « sensible » aux intérêts capitalistes en Équateur rendrait la région plus « homogène» pour les mouvements de troupes au service de la démocratie (sic). Il suffirait de faire tomber le gouvernement indigéniste (!) d’Evo Morales pour contrôler tout le côté ouest des Andes. Le Chili ayant déjà glissé par les urnes (en élisant Sebastian Piñera) dans le camp du bon-axe (sic).
Serge Charbonneau
Québec
Coup d’État raté ou « in progress » ?
Équateur : Un coup d’État moderne !
Tribune libre
Serge Charbonneau214 articles
Artisan de l’information depuis 1978. Voyageur reporter retraité pour raisons de santé et financière.
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7 commentaires
Jean-Louis Pérez-Martel Répondre
2 octobre 2010Équateur
Rafael Correa et le faux coup d'État
Les stratèges castrochavistes ont-ils profité de l'indignation du régiment policier de Quito pour monter le show de ce 30 septembre ? Tout semble indiquer que oui. Maintenant, protégé dans l'auto-coup médiatique de jeudi dernier, Correa voudra radicaliser encore plus le "processus révolutionnaire" que subit déjà le Venezuela et depuis plus d'un demi-siècle souffrent les Cubains. La censure de la télévision mise en application avant-hier avec une relative facilité, dans tout le pays, insinuerait, en cet ordre de choses, que l'Équateur est prêt à emboîter "le socialisme du XXIe siècle". Mais l’est-il réellement ?
JLP
Archives de Vigile Répondre
2 octobre 2010Monsieur Charbonneau
Excellent texte qui m'amène à vous dire que si j'étais un pilote de ligne commerciale, il y a longtemps que la tour de R-C..., je vous laisse deviner le reste!!! Il y a une limite à payer des impôts pour être désinformé de la sorte au Québec comme nous le sommes actuellement. Tout se passe de plus en plus à ce niveau comme anciennement en Russie et dans les anciens pays de l'est. Il m'a fait plaisir.
André Gignac patriote 2/10/10
Archives de Vigile Répondre
1 octobre 2010Ce n’est pas terminé. C’est la pointe de l’iceberg des forces antidémocratiques de la droite néolibérale qui ne veut pas céder aucun de ses privilèges.
Cette situation me renvoie au coup d’État du 3 octobre 1968 du Pérou, où le général Juan Velasco Alvarado renverse le gouvernement démocratique de Fernando Belaúnde Terry. Au lever du jour, notre université (où j'étudiais)était encerclée par les militaires. Par deux fois ils ont demandé de nous retirer des fenêtres pour ne pas nous laisser prendre de photos...comme certains étudiants n’obéissaient pas à leurs ordres, deux fenêtres ont volé en éclats. Je peux vous dire qu’on s’est tenu tranquille et il nous a fallu attendre 5 jours pour sortir librement...
Le 8 octobre, cinq jours après le coup d’État, l’armée prend le contrôle des puits de pétrole et nationalise presque tous les secteurs de l’économie en sociétés d’état comme (PescaPeru, MineroPeru, Petroperu, ElectroPeru, EntelPeru, AeroPeru, etc.). On ne portait plus à terre, tellement que nous étions enthousiastes. Quand le concours à tous ces nouveaux postes à été lancé, qui pensez-vous les ont obtenus? Les pseudo-révolutionnaires liés au pouvoir économique. Quelle ne fut pas notre déception! Issus des classes riches, ces gens sans conscience sociale ont précipité la chute de la fameuse révolution militaire, en août 1975.
La grande différence de ce qui se passe présentement au Brésil, au Vénézuela, en Uruguay, en Équateur, en Argentine et en Bolivie, c’est que toutes ces formes de révolution ne sont pas dictées d'en haut, elles sont issues de la base, des gens du peuple, via le vote populaire démocratique.
En Équateur la partie n’est pas gagnée, car « les forces réactionnaires possèdent des moyens médiatiques, militaires et financiers incroyables", comme M. Charbonneau nous le fait remarquer. La CIA veille au grain et peut infiltrer tout mouvement de protestation. Il nous reste qu’à espérer qu’il ne se produise aucune défection de la part de l’armée, seule capable de maintenir un certain ordre constitutionnel, politico-démocratique.
Marius MORIN
Archives de Vigile Répondre
1 octobre 2010La dictature néolibérale devient planétaire. En occident, ils ont mis en place la pseudo démocratie. En Amérique du Sud, ils sont moins subtils, ils procèdent par coups d'État...
Mais partout, ils utilisent la médiasserie pour arriver à leurs fins.
Il n'y a pas si longtemps, pour renverser les régimes totalitaristes, on utilisait les fusils contre les fusils. Comment combattre la médiasserie ?
Verrons-nous les claviers combattre les claviers ?
Michel Rolland
Archives de Vigile Répondre
1 octobre 2010L'optimisme doit se fonder sur une vigilance qui parvient à décoder les initiatives de l'adversaire et les moyens qu'il prend pour atteindre ses objectifs de cupidité et de domination. Je pense sincèrement que la vigilance dont fait preuve M. Charbonneau assure de la consistance à l'optimisme dont je me fais témoin. En d'autres mots, nous ne pouvons baisser la garde. L'optimisme et la vigilance doivent se cotoyer.
Alors, M. Charbonneau continuez avec vos analyses à nous rendre toujours plus vigilants et plus lucides sur la compréhension de ce qui se passe dans ce monde des "pouvoirs et des ambitions".
Serge Charbonneau Répondre
1 octobre 2010Je partage l’avis de Monsieur Fortin.
L’actuel Président en ressort grandi et mieux connu. Il s’est révélé un homme d’État digne, au courage sans faille, n’acceptant aucune négociation sous la pression des armes, quitte à y laisser sa vie, mais non l’honneur et la dignité dont l’ont investis les Équatoriens. De quoi nous faire rêver sur la qualité de tels chefs d’État pour gouverner nos propres gouvernements.
Oui, avoir un chef d’État à notre service et ayant de l’honnêteté, de la dignité et de l’honneur… un rêve !
Oui, Rafael Correa en sort grandi aux yeux de bien des gens. Par contre, pour ceux qui ne voient la réalité qu’au travers de leurs lunettes idéologiques, rien ne peut changer leur vision et leur perception de ce président « socialiste » (gogauche).
Les forces néolibérales ne désarment pas facilement et il ne faut jamais crier «victoire».
Je demeure beaucoup plus pessimiste que Monsieur Fortin. Il est vrai que l’Amérique latine n’est plus ce qu’elle était, et que les peuples, plus conscients et participatifs, ne laissent plus passer les prédateurs sans réagir, mais il faut revoir les mois de manifestations au Honduras pour soutenir Manuel Zelaya et constater l’état actuel de la situation. Aucun pays n’est à l’abri des attaques bien organisées des mouvements contre-révolutionnaires.
Les populations démunies souvent ne font pas le poids face à la toute-puissance des énormes moyens financiers. La population n’a que la force de son nombre et de ses cris tandis que les forces réactionnaires possèdent des moyens médiatiques, militaires et financiers incroyables (et c’est sans parler des moyens souterrains).
Selon moi, le dossier de l’Équateur est bien loin d’être réglé.
Il faut s’attendre à d’autres stratégies « additives » pour déstabiliser le gouvernement de Rafael Correa. Bien entendu, les urnes ne seront pas privilégiées. Ce sera plutôt l’organisation subtile de mouvements de protestation qui minera peu à peu le climat équatorien.
Partout cette stratégie d’organiser et d’attiser les mouvements de protestations est utilisée. Pensons à l’Iran, à la Bolivie, à Cuba, et partout où l’on souhaite renverser les gouvernements.
La CIA paie environ 100 000 agents (selon Negroponte http://www.time.com/time/nation/article/0,8599,1191401,00.html ), ces gens ne sont pas payés à se tourner les pouces.
USAID, NED, OTI ( http://www.lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=2515 ), autant d’organismes de l’ombre travaillant sans relâche à faire tomber les gouvernements indésirables (sic).
Serge Charbonneau
Québec
Archives de Vigile Répondre
1 octobre 2010Une autre fois, M. Charbonneau nous livre une analyse fort intéressante de ce qui vient de se passer en Équateur. Je demeure toutefois un peu plus optimiste sur les suites de ce coup d'État raté. Je pense que l'actuel Président en ressort grandi et mieux connu. Il s'est révélé un homme d'État digne, au courage sans faille, n'acceptant aucune négociation sous la pression des armes, quitte à y laisser sa vie, mais non l'honneur et la dignité dont l'ont investis les Équatoriens. De quoi nous faire rêver sur la qualité de tels chefs d'État pour gouverner nos propres gouvernements. L'Amérique latine n'est plus ce qu'elle était, et les peuples, plus conscients et participatifs, ne laisseront plus passer les prédateurs sans réagir.