Les Québécois ont fêté dimanche dernier, le 24 juin. Ils ne fêteront pas demain, le 1er juillet. Cette façon de gérer les congés estivaux suffit, à elle seule, à résumer la réalité politique et sociale québécoise.
Deux sondages, publiés dans La Presse depuis une semaine, une enquête SOM samedi dernier et un sondage CROP mercredi, permettent d'expliquer pourquoi il en est ainsi, et aident à faire le point, entre les deux fêtes, celle du Québec et celle du Canada, sur les doutes des Québécois, leurs rêves et leurs contradictions.
Ces sondages nous disent trois choses. L'existence d'un profond sentiment national, qui définit l'identité québécoise et qui est au coeur de tout projet politique. La persistance d'un lien avec le Canada, dénué de passion, mais beaucoup plus fort qu'on l'imagine. Et la résultante: l'improbabilité que les Québécois, dans leurs efforts pour réconcilier ces deux éléments, en viennent à choisir un chemin où l'épanouissement de cette nation passe par la rupture.
Le premier ancrage, c'est évidemment le sentiment national. Les Québécois, dans le sondage SOM, ont exprimé leur grande fierté d'être Québécois dans une forte proportion, de 93,3%. On constate du même coup que cette adhésion au Québec s'est élargie, et que les Québécois anglophones ou allophones se disent eux aussi fiers d'être Québécois dans une proportion, élevée, de 83,5%.
Une autre question de ce sondage, où l'on demandait aux répondants comment ils s'identifiaient à l'étranger, nous rappelle aussi que les Québécois se sentent plus Québécois que Canadiens. 55,5% de ceux qui voyagent s'identifient ailleurs comme Québécois, contre 40% qui se disent Canadiens.
Ce sentiment fort montre à quel point le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, est isolé quand il s'inquiète toujours et encore de la reconnaissance de la nation québécoise par le premier ministre Harper.
Le second ancrage, c'est le lien avec le Canada. 85,7% des Québécois sont fiers d'être Canadiens, presque autant que d'être Québécois. Mais dans les faits, il y a moins d'intensité. 67,7% des francophones sont «très» fiers d'être Québécois et 25,6% le sont «assez». Les proportions changent quand il s'agit du Canada: 42,2% d'entre eux sont «très» fiers d'être Canadiens, et 43,3% le sont «assez».
Pour résumer grossièrement, ils sont très Québécois et assez Canadiens. Et la passion n'est pas la même. Ils sont presque deux fois plus nombreux à vouloir fêter le 24 juin que le 1er juillet.
On a consacré trop peu d'énergie à essayer de comprendre ce lien, qui ne peut pas, on l'a vu, s'expliquer seulement par la façon dont les Québécois se définissent à l'extérieur. Quel est le rôle de l'histoire, des valeurs communes, ou quel est l'effet plus récent sur les perceptions de la globalisation?
Mais ce double attachement mène à une conclusion. Quel est le potentiel de succès de la souveraineté quand les Québécois sont fiers de faire partie du pays qu'ils devraient quitter? Les souverainistes ont eu tendance à minimiser ces obstacles réels en insistant sur l'attachement élevé à l'idée de nation et en se réconfortant de l'appui élevé dans les sondages à l'option souverainiste.
Cependant, on voit que le sentiment national peut trouver d'autres modes d'expression, notamment l'autonomisme. On peut également croire, et c'est ma thèse depuis longtemps, que l'appui à la souveraineté, qui se situe généralement entre 40 et 45%, décrit moins l'adhésion à un projet politique qu'un état d'esprit diffus.
C'est ce que le sondage CROP confirme. D'une part, il révèle que l'option souverainiste perd beaucoup de plumes si, au lieu de la question alambiquée de 1995 sur la souveraineté-partenariat, on demande aux gens s'ils veulent que le Québec devienne un pays souverain. Le NON grimpe alors à 68% et le OUI chute à 32%. Probablement parce que la notion de partenariat suggérait un processus à l'amiable et sans rupture.
Et pour enfoncer le clou, 68% des répondants se disent d'accord avec l'idée que le PQ abandonne son idée de faire du Québec un pays souverain pour plutôt réclamer plus de pouvoirs. Seulement 27% souhaitent que ce parti conserve son option. À peine plus d'un Québécois sur quatre! Même 48% des péquistes sont en faveur de l'abandon de l'option.
Bien sûr, les sondages vont et viennent. Mais il y a là des tendances lourdes, dont la nouvelle dirigeante du PQ, Pauline Marois, semble bien consciente. Mais elles sont trop lourdes pour qu'on puisse les renverser en «parlant du pays». Trop lourdes pour que l'on ne cherche pas une autre façon d'assurer l'épanouissement de cette nation.
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