Encore la schizophrénie canadienne de Philippe Couillard,

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Philippe-Flop remet ça

Ce samedi à Québec, le premier ministre Couillard a plongé tête baissée dans la piscine constitutionnelle. «À l’aube du 150e anniversaire du Canada, les Québécois souhaitent que le pacte qui lui a donné naissance soit réaffirmé» a-t-il dit devant un Stephen Harper impassible.
Signer la constitution d’ici 3 ans ? M. Couillard n’a pas vérifié avant de plonger, mais la piscine est vide. Le bureau de Stephen Harper a immédiatement indiqué aux journalistes qu’il n’était pas question de reparler de constitution.
La sortie-catastrophe du chef libéral québécois n’est que le dernier épisode d’une triste saga, entreprise plus tôt cette année, pendant la campagne électorale. J’en avais fait état dans ce billet, que je vous présente en rappel:
La schizophrénie canadienne de Philippe Couillard (16 mars 2014)
Je ne vous souhaite pas d’être dans la tête de Philippe Couillard par les temps qui courent. Une guerre civile semble déclenchée entre son hémisphère droit et son hémisphère gauche. Ou plutôt, entre son hémisphère canadien et son hémisphère, euh, comment dire?, ben, l’autre !
Je n’invente rien. En 48 heures, nous avons assisté à une disjonction synaptique majeure:
Vendredi en Abitibi:
« Dans les premiers jours de notre gouvernement, on va parcourir le pays pour rencontrer les provinces, les territoires canadiens, le gouvernement fédéral, en indiquant à chaque fois notre espoir que le caractère spécifique du Québec soit reconnu dans la Constitution ».
Puis il ajoute, solennel:
« C’est le devoir d’un premier ministre. »

On sent ici la volonté du chef de faire avancer ce dossier en priorité « dans les premiers jours » et l’évoquant « à chaque fois ». Une bonne chose car lors de sa campagne au leadership du PLQ il avait affirmé vouloir signer la constitution du Canada (que le Québec n’a jamais acceptée) d’ici 2017. C’est court, ça. Dans trois ans. Alors il faut s’y mettre. C’est son devoir.
Samedi à Sept-Iles:
Sur la constitution, « Il n’y a aucune urgence »
Ah bon ?
» Lorsque je vais parcourir le Québec, le Canada, le monde, dans les premières semaines de mon mandat de premier ministre, ça va être avant tout pour parler d’économie et d’emploi. »
Ok, mais, hier, il a dit qu’il parlerait du statut du Québec chaque fois, il n’a pas oublié ?
» Si d’autres veulent nous parler de leur intérêt d’ouvrir cette question, on répondra à leurs questions. »
Oui mais, si personne ne pose de question, vous n’en parlerez pas ? Comment faire alors pour signer la constitution d’ici trois ans ?
« Au bout de quatre ans » répond-il, si « vous me demandez de choisir entre 250 000 jobs et la Constitution, rapidement je tasse la Constitution »
Et le devoir ?
« le chien l’a mangé » (non, il a pas dit ça. c’est — à peine — pour rire)

Élucider le « Mystère Couillard »
Que s’est-il passé dans la tête du neurochirurgien pour que ce qui était prioritaire le vendredi puisse être tassé sans ménagement le samedi ?
Plusieurs réponses sont possibles:
1) Un conseiller l’a convaincu qu’il était impossible de réformer la constitution canadienne;
2) Il a changé d’avis;
3) Il s’est rendu compte que s’il voulait parler de la place du Québec dans le Canada, il serait obligé de définir cette place;
4) Il a reçu un appel de Justin Trudeau lui disant que s’il soulevait cette question, son père reviendrait à la vie pour le gifler publiquement.
Moi je dis: aucune de ces réponses.
J’en offre une autre: l’incompétence de Philippe Couillard sur ces questions.
L’ensemble de ses déclarations sur la question du Québec dans le Canada depuis un an témoigne d’une incompréhension du dossier, de son degré de difficulté, de son importance.
Pour un fédéraliste canadien comme Couillard, il est évidemment invraisemblable que ce pays qu’il chérit ait adopté, il y a 30 ans, une constitution contre les vœux du Québec et que rien ne soit fait pour réparer ce désastre.
Mais il faut du courage, dans le Canada de 2014, pour soulever cette question. Les derniers sondages montrent que plus de 80% des Canadiens hors-Québec sont complètement réfractaires à reconnaître l’existence du Québec comme nation dans la constitution. Les élites politiques savent qu’il n’y a rien à gagner, pour eux, de s’engager sur ce terrain.
Mais je connais plusieurs fédéralistes québécois conséquents qui se cherchent un héraut de la cause, d’abord parce qu’ils ont mal à leur Canada et voudraient que leur pays reconnaisse l’existence de la nation québécoise dans son texte fondamental, ensuite parce qu’ils jugent que l’absence de la signature du Québec sur le document est tellement une « vraie affaire » qu’elle alimente constamment la flamme souverainiste — qu’ils voudraient éteindre.
C’est ce qu’a déclaré l’ex ministre de Trudeau et sénateur libéral Francis Fox, en quittant son siège de sénateur en décembre 2011:

«L’absence du Québec comme signataire de notre Constitution constitue le symbole d’un clivage profond dans l’esprit de plusieurs dont la portée ne saurait nous échapper. Depuis bientôt trente ans, cette situation colore le paysage politique de notre pays et est invoquée par plusieurs pour freiner la mise en place d’assises nationales encore plus solides»

L’effet Couillard sur l’affaire constitutionnelle
En changeant de position aussi fréquemment sur cette question, Philippe Couillard fait plusieurs choses:
Il attire l’attention des Québécois sur l’injustice commise il y a 30 ans et admet que cette vraie affaire ne peut se résoudre qu’en demandant la permission des autres. C’est un cas patent de l’impuissance d’une province dans le Canada. Le coût de la non-indépendance.
Ensuite, il attire l’attention sur sa propre inconstance. Un jour il se présente en matamore qui va plaider avec les autres, le lendemain il n’est plus que le larbin qui voudra bien répondre aux questions sur l’injustice commise, mais seulement si les puissants daignent lui poser la question.
Troisièmement, il démontre aux fédéralistes québécois sincères qu’ils ne peuvent un seul instant se fier sur lui pour les représenter.
Finalement, il signale aux autres membres de la fédération qu’un futur premier ministre Philippe Couillard est indécis, inconstant et, par conséquent, insignifiant sur la question des droits du Québec dans la fédération.
Ils doivent l’attendre avec impatience.

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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