Donald Trump « est un raciste. C’est un escroc. C’est un tricheur », a asséné l’ancien avocat personnel du président américain, Michael Cohen, en ouverture de son témoignage explosif mercredi devant le Congrès américain.
Le ton a vite été donné devant la commission d’enquête de la Chambre des représentants, à Washington.
L’air sérieux, les traits tirés, Michael Cohen a affirmé que M. Trump connaissait à l’avance les révélations de WikiLeaks sur sa rivale Hillary Clinton.
« On s’est demandé si j’avais connaissance de preuves directes démontrant que M. Trump, ou son équipe de campagne, avaient comploté avec la Russie. Je n’en ai pas. Je veux être clair. Mais j’ai des soupçons », a déclaré Michael Cohen.
Il a aussi expliqué comment il avait reçu pour instruction de son ex-patron de mentir sur un projet immobilier en Russie en pleine campagne présidentielle de 2016.
Signe des tensions politiques entourant toute cette affaire, l’ouverture des débats, retransmis en direct, a été marquée par une passe d’armes entre des républicains, alliés de Donald Trump, et le président démocrate de la commission, Elijah Cummings.
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Devant les dizaines de membres de la commission, Michael Cohen devrait, au cours de plusieurs heures, parler en détail des affaires privées du président américain et de ses liens avec la Russie, qui auraient pu influencer son élection en 2016.
Sa longue déclaration dresse un portrait ravageur de l’homme d’affaires devenu 45e président des États-Unis, pour qui Michael Cohen, 52 ans, a commencé à travailler en 2007.
La voix tremblante, Michael Cohen a parlé de sa famille, s’excusant d’avoir mal agi au service de Donald Trump.
« Il ment »
Depuis mardi et une première audition, la Maison-Blanche et Donald Trump lui-même, en voyage au Vietnam pour son deuxième sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, attaquent la crédibilité de l’ex-avocat, condamné en décembre à trois ans de prison pour fraude fiscale, parjure et infraction au code électoral. Radié du barreau, il sera incarcéré le 6 mai.
« Michael Cohen a été l’un parmi de nombreux avocats qui m’ont représenté (malheureusement) », a tweeté Donald Trump mercredi. « Il ment afin de réduire sa peine de prison », a-t-il accusé.
Selon CNN, M. Trump devrait regarder l’audition de son ancien fidèle bras droit entre les séances de négociations à Hanoï.
Dès le petit matin, une parlementaire démocrate siégeant à la commission d’enquête, Jackie Speier, prononçait le mot « impeachement » lors d’un entretien sur la radio publique NPR, en affirmant que si son témoignage était « aussi explosif qu’il le semble », cela pourrait offrir les fondements pour le « début d’une procédure de destitution » du président.
Mardi, M. Cohen entamé trois jours d’auditions avec un témoignage marathon (celui-ci à huis clos) devant la commission sénatoriale du Renseignement.
Il s’est expliqué sur ses mensonges initiaux lors d’une première audition en 2017, notamment sur ses contacts avec des responsables russes au sujet du projet immobilier à Moscou en 2016.
Paiements à une actrice porno
Mercredi, les membres de la commission d’enquête de la Chambre (où siègent les élues de l’aile gauche et figure ultra-médiatiques du parti démocrate Alexandria Ocasio-Cortez et Rashida Tlaib) devrait l’interroger à l’envi sur les finances de l’Organisation Trump, pour laquelle il a travaillé pendant dix ans, les déclarations d’impôts du promoteur, les comptes douteux de sa fondation et un projet de construction à Moscou en 2016.
Sans oublier les 280 000 dollars qu’il a versés lors de la campagne à deux femmes, l’ancienne actrice pornographique Stormy Daniels et la playmate Karen McDougal, pour acheter leur silence sur leurs liaisons supposées avec le milliardaire.
Michael Cohen a annoncé qu’il présenterait aux parlementaires « une copie du chèque » venant, selon lui, du compte personnel de M. Trump et que ce dernier avait signé après être devenu président, en janvier 2017, pour lui rembourser le paiement à Stormy Daniels.
L’ex-avocat a aussi déclaré: « Lors de conversations que nous avons eues durant la campagne, alors même que je négociais en Russie pour lui, il me regardait dans les yeux et me disait qu’il n’y avait aucun projet en Russie puis sortait et mentait aux Américains en répétant la même chose ».
« À sa façon, il me disait de mentir », va-t-il dire.
À propos du racisme, M. Cohen affirme que M. Trump « est bien pire » que ce qu’il a donné à voir. « Une fois, il m’a demandé si je pouvais nommer un pays dirigé par une personne noire qui ne soit pas un “pays de merde”. À l’époque Barack Obama était président des États-Unis ».
Jeudi, Michael Cohen témoignera, à huis clos, devant la commission du Renseignement de la Chambre.
Il ne devrait pas s’exprimer sur l’enquête du procureur spécial Robert Mueller à laquelle il a collaboré, qui porte sur ces soupçons de collusion et d’entrave à la justice du président américain.
Travailler pour Trump, c’est mentir « tous les jours »
Travailler pour Donald Trump, c’est être prêt à mentir « tous les jours » pour le protéger a assuré mercredi l’ancien avocat personnel du président américain, dressant le portrait d’un « autocrate » en devenir selon lui.
« Le travail de chaque personne à la Trump Organization est de protéger M. Trump. Tous les jours, la majorité d’entre nous savait que l’on allait mentir pour lui à propos de quelque chose », a dit Michael Cohen devant les élus, lors d’une audience publique retransmise en direct sur les principales chaînes du pays.
« C’est devenu la norme et c’est exactement ce qui est en train de se passer dans ce pays, exactement ce qui est en train de se passer au gouvernement », a lancé celui qui a travaillé pendant dix ans pour la société de M. Trump.
Interrogé par un élu démocrate sur ce qui l’avait fait se retourner contre son ancien patron, M. Cohen a notamment évoqué « la destruction quotidienne de notre civisme ».
« Quand M. Trump (...) a dit “je pourrais tirer sur quelqu’un sur la 5e avenue (à New York) et m’en tirer en toute impunité”, je veux être très clair. Il ne plaisante pas. Il vous dit la vérité. Vous ne le connaissez pas, moi oui », a-t-il assuré.
« Et quand il va sur Twitter et commence à parler de mes beaux-parents, de mes parents, de ma femme (...), il envoie le même message: qu’il peut faire ce qu’il veut. Que c’est son pays. Il est en train de devenir un autocrate », a jugé M. Cohen.