C’est sans grande surprise que le nouveau président français, Emmanuel Macron, a annoncé lundi la nomination d’un premier ministre issu de la droite. Le nom d’Édouard Philippe, maire du Havre et député des Républicains, avait filtré depuis une semaine. Ce député âgé de 46 ans, qui fut brièvement socialiste avant d’être élu maire et député en Normandie, était présenté depuis quelques jours comme le symbole de la « recomposition politique » que souhaite le nouveau président français.
À Paris, l’arrivée aux affaires de ce proche de l’ancien premier ministre Alain Juppé est interprétée comme une « prise politique ». Déjà largement soutenu par la gauche modérée, le nouveau président cherche en effet à séduire les électeurs de droite aux élections législatives, qui auront lieu dans un mois. Or, la majorité pourrait lui échapper s’il ne parvenait pas à rallier à lui un nombre substantiel d’élus des Républicains.
Dans sa mairie du Havre, ancien bastion communiste, Édouard Philippe avait lui-même ouvert son conseil municipal à des personnalités de la société civile, comme souhaite le faire Emmanuel Macron. Mais il fut surtout un des maîtres d’oeuvre de la campagne malheureuse qu’a menée il y a quelques mois à peine Alain Juppé lors des primaires de la droite. Celui-ci a d’ailleurs été le premier à le féliciter de sa nomination. Il en a profité pour démentir tout accord avec le nouveau président, comme l’ont affirmé plusieurs médias français.
L’ancien premier ministre s’est empressé de dire que, dans la campagne qui commence, il soutiendra les candidats de la droite puisqu’« ils portent une plateforme politique qui pour l’essentiel me convient », dit-il. Mais il précise que si la droite n’obtient pas de majorité, « le pays ne comprendrait pas que nous nous engagions dans une opposition systématique ».
Pas de rupture à droite
Au bureau des Républicains, on cherchait à minimiser l’importance de ce transfuge en soulignant qu’il ne s’agit que d’un ralliement individuel, qui ne représente pas une véritable rupture à droite. « C’est une décision individuelle, ça n’est pas un accord politique », a déclaré Bernard Accoyer. L’ancien président de l’Assemblée nationale s’est toutefois interrogé sur la position que défendra le nouveau locataire de Matignon dans les législatives.
« Le premier ministre, par définition, est le chef de la majorité. Il convient donc de lever l’ambiguïté. Ce premier ministre soutiendra-t-il les candidats En marche ! ou bien soutiendra-t-il les candidats LR et UDI, ceux de sa famille politique ? » Chez les sarkozistes, le jugement est beaucoup plus sévère. « Je regrette qu’Édouard Philippe troque ses convictions et participe à l’opération de déstabilisation de la droite et du centre menée par Macron », a déclaré le député des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti.
Pour l’ex-Républicain Jean-Baptiste Lemoyne, qui a rejoint En marche ! il y a quelques mois, il s’agit plutôt d’« en finir avec un certain nombre de clivages politiques qui n’ont plus cours ». Une vingtaine d’élus de droite ont d’ailleurs signé un communiqué appelant à « répondre à la main tendue ». Parmi eux, trois poids lourds seulement : Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Louis Borloo et Christian Estrosi.
Ralliement
Est-ce un signe de cette cohabitation chaleureuse entre droite et gauche modérées que veut instituer Emmanuel Macron ? La passation des pouvoirs entre l’actuel premier ministre, Bernard Cazeneuve, et son successeur s’est déroulée de manière on ne peut plus élégante. Le premier, qui quitte Matignon cinq mois seulement après y avoir été nommé, dit accueillir son successeur « avec à l’esprit la volonté de voir [son] gouvernement et le président de la République, donner le meilleur à notre pays, qui le mérite bien ».
Si Cazeneuve se revendique de gauche, Édouard Philippe n’a pas craint de dire qu’il était « un homme de droite ». Celui qui devient le plus jeune chef de gouvernement depuis le socialiste Laurent Fabius en 1984, dit aborder ses nouvelles fonctions avec un esprit à la fois « violemment modéré » et « terriblement conquérant ».
Reste à savoir si le nouveau premier ministre pourra attirer dans son gouvernement des personnalités suffisamment représentatives de la droite pour susciter le ralliement d’un bloc substantiel de candidats de cette famille politique aux élections législatives. On en saura plus dès mardi après-midi, alors que l’Élysée fera connaître la composition du gouvernement, qui devrait être limité à 15 ministres également répartis entre hommes et femmes. Le premier Conseil des ministres se tiendra mercredi, 24 heures avant la clôture des dépôts de candidatures aux élections législatives. Espérant attirer le plus possible de candidats de la droite, La République en marche ! n’a toujours pas annoncé qui portera ses couleurs dans 148 circonscriptions.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé