Un des professeurs d’Emmanuel Macron au lycée de la Providence d’Amiens lui prédisait qu’il serait le « Gérard Philipe du XXIème siècle » et a été étonné qu’il devienne président de la République. Le jeune lycéen était un passionné de théâtre, grâce aux lectures faites avec sa grand-mère et il fréquentait avec assiduité le club de théâtre animé par une certaine Brigitte née Trogneux. On sait que les Jésuites, prenant le contrepied de la détestation catholique du théâtre au XVIIème siècle, ont fait de celui-ci à partir du XVIIIème un élément important de la formation de leurs élèves. Il s’agit « d’amener l’individu à prendre conscience de la théâtralité du monde, afin de pouvoir s’y positionner ».
Tel un acteur, il va évoluer
Dire qu’Emmanuel Macron est un excellent acteur n’est pas dans ma bouche une critique. Dans les fonctions sociales d’apparat, le paraître et l’être ne font qu’un. Quelle différence y a-t-il entre jouer le rôle d’un bon président de la République et l’être vraiment ? Aucune. L’ancien président qui, au début de son mandat, était paraît-il un homme fin, a joué au benêt pour paraître simple et proche du peuple et forcément le masque a fini par dévorer le visage, il est bel et bien devenu un benêt. Car tout évolue sans arrêt en ce monde, les personnes, les paysages et même les contours de la géographie. « Le monde est une branloire pérenne » dit poétiquement Montaigne. C’est ce que je reproche à la plupart de celles et ceux qui critiquent Emmanuel Macron : ils oublient qu’il évoluera forcément. Je parle évidemment des critiques sérieuses, par exemples celles qu’on trouve dans Causeur, pas des élucubrations de la CGT sur la destruction du droit du travail ou des Républicains sur la ruine des retraités par augmentation de la CSG.
Barbara Lefebvre a tout à fait raison de critiquer son discours d’ Oradour-sur-Glane : parler de l’inhumanité des massacres nazis sans faire la moindre allusion aux massacres de l’islamo-fascisme, c’est proprement scandaleux. Mais il faut « contextualiser ce discours » comme disent les cuistres. Avec le nouveau président, nous avons affaire à un excellent acteur doublé d’un jésuite. Car il serait étonnant qu’un peu de l’atmosphère jésuite qu’on doit respirer au Lycée de la Providence d’Amiens ne soit pas passé dans les poumons du jeune Emmanuel. Là encore, je ne décerne pas de blâme, les Jésuites furent toujours de solides éducateurs, et leur art de la manipulation n’a rien d’un bourrage de crâne soviétique. Beaucoup croient que l’élection de Macron est le fruit de manipulations extérieures, je crois plutôt que l’élève des Bons Pères n’a pas de leçons à recevoir dans l’art délicat de manipuler les autres.
Jupiter aux mille visages
L’acteur Macron nous a joué jusqu’à la présidentielle le rôle du gentil jeune homme de gauche, fraternel et social, si fraternel et si social qu’on l’aurait pris pour un rejeton de Nuit Debout. Le 8 mai, changement de masque, il devient « jupitérien », il veut de l’ordre et de l’autorité, il nomme Edouard Philippe Premier ministre : après avoir mis en extase le peuple de gauche, voilà qu’il séduit le peuple de droite. Sacré tacticien ! Mais pour faire gagner à son parti les législatives, Macron doit encore conserver le positionnement ni droite ni gauche qui lui a si bien réussi. Le discours d’Oradour est un coup de barre à gauche : il ne faut pas effrayer la majorité des Français qui, sur tout ce qui touche l’immigration massive et le terrorisme islamiste, garde la prudente position de l’autruche la tête dans le sable. Dire la triste vérité aux Français avant d’avoir gagné les législatives, quelle maladresse contre-productive ! Encore un instant d’illusion, monsieur le bourreau. On pouvait d’ailleurs remarquer qu’en prononçant dans le village martyr son discours, aussi plat et convenu que le dit Barbara Lefebvre, il avait l’air de s’ennuyer prodigieusement. Les acteurs n’ont pas toujours des rôles à leur convenance, mais si ces rôles favorisent leur carrière…
Est-ce à dire que le 19 juin au matin, le vrai visage d’Emmanuel Macron va enfin apparaître ? Ce serait trop simple. Le nouveau président prend à chaque fois l’apparence nécessaire à la réussite de l’action qu’il est en train de mener. Jupiter se déguise en pluie d’or pour séduire la cupide Danaé, il devient cygne pour la rêveuse Léda, il se fait taureau pour posséder Europe que Junon avait subrepticement transformée en vache. Taureau pour l’Europe, acceptons ce présage de puissance, et en plus ce sera bon pour l’élevage français.
L’épisode des bateaux comoriens paraît révélateur. « Les Kwassa-kwassa pêchent peu, il amènent du Comorien à Mayotte ? » a dit Emmanuel Macron lors de sa visite à la base sous-marine de Brest.
Le Chœur des Vierges Effarouchées s’est déchaîné sur toutes les chaînes d’information, le journaliste à cheveux rasés à l’iroquoise de BFM télé s’est indigné de l’affront fait aux malheureux noyés dans ces embarcations, Jean-Luc Mélenchon a demandé à ses partisans de Marseille une minute de silence pour des gens qui cherchaient tout simplement à profiter d’une situation juridique étrange. On peut plutôt penser que cette anecdote prouve que le nouveau président est au courant des problèmes d’invasion migratoire, que ces problèmes l’inquiètent au point de surgir de façon freudienne dans une petite blague, et que son énergie se tournera un jour ou l’autre vers leur nécessaire solution. Lapsus révélateur ? J’ai tendance à croire que ce type est si terriblement intelligent qu’il est capable de faire des lapsus calculés. Le masque du multiculturaliste tombera un jour ou l’autre, et le prétendu internationaliste sera obligé par sa lucidité à prendre en mains la suite de la France. Daech contribuera peut-être à l’accélération de cette prise de conscience…
Le seul reproche que je fais à Emmanuel Macron, mais il est très grave, est de contribuer à la destruction de la langue française. Le général de Gaulle avait ouvert la voie avec son « Françaises, Français », Yves Calvi a relevé le flambeau en disant chaque fois dans ses émissions « une téléspectatrice ou un téléspectateur envoie une question ». Macron a lancé la détestable habitude de dire « toutes celles et tous ceux », justement raillée par Elisabeth Lévy et Alain Finkielkraut dans L’esprit de l’escalier. Il s’agit d’une absurde complication de la langue française, originaire de la politesse mais enflée par le féminisme obligatoire d’aujourd’hui. Bientôt, pour ne pas paraître misogyne, il ne faudra plus dire que les Italiens consomment beaucoup de spaghettis, il faudra dire que les Italiennes et Italiens consomment beaucoup de spaghettis, que les agricultrices et les agriculteurs se suicident beaucoup, que les charcutières et charcutiers de province font d’excellents pâtés, etc. Ce bégaiement ridicule se répand à toute vitesse dans le discours politique où l’on ne s’adresse plus aux « électeurs », mais aux « électrices et électeurs ». L’affreux redoublement témoigne d’un manque de confiance dans la langue française. Le genre dit masculin est en réalité un genre neutre avec une possibilité de sexualisation mâle. Encore quelques complications du même acabit et on se mettra tous à parler anglais par goût de la simplicité.
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