Au cours de la prochaine année, la population de la grande région métropolitaine de Montréal pourra profiter du nouveau pont qui remplacera l'actuel pont Champlain.
Depuis quelques décennies, il est prescrit de donner à nos infrastructures les noms complets de nos plus illustres personnages nationaux ou de personnages locaux dont nous souhaitons rappeler l'existence à nos concitoyens.
C'est ainsi que dans la grande région métropolitaine de Montréal, nous avons un aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau, un pont Jacques-Cartier, un tunnel Louis-Hyppolite-Lafontaine, un pont Honoré-Mercier : alors, le pont Champlain 2.0 devrait être nommé « pont Samuel-de-Champlain ».
Montréal n'échappe pas à cette pratique toponymique avec son parc Jean-Drapeau, et sa plage Jean-Doré. L'aréna Maurice-Richard n'est pas l'aréna d'un Richard parmi d'autres, c'est celle du grand Maurice.
Et il en est de même des villes de l'agglomération de Longueuil qui attendent elles aussi l'ouverture du pont renouvelé. Longueuil a sa Place Charles-Lemoyne, Brossard a sa bibliothèque Georgette-Lepage. Le Colisée Jean-Béliveau de Longueuil n'est pas le colisée d'un Béliveau, c'est celui du grand Jean.
Dès novembre 2014, des médias ont avancé l'idée qu'il fallait corriger l'oubli ou l'erreur de 1960 et renommer le pont Champlain renouvelé : pont Samuel-de-Champlain.
À ma connaissance, le premier à faire cette suggestion a été l'éditorialiste de la Presse, François Cardinal, dans un texte publié le 4 novembre 2014, suggestion qu'il reprit le lendemain dans une entrevue à l'émission de Franco Nuovo, à la radio de Radio-Canada. Deux jours plus tard, dans la rubrique Idées du Devoir, R. Bédard et F. Bouvier soulignaient avec justesse que cette appellation pont Samuel-de-Champlain, permettait à la fois de le distinguer d'avec l'ancien pont tout en permettant de mieux se conformer avec les règles de la toponymie. D'autres médias ont par la suite repris cette idée.
À huit mois, ou un peu plus de l'ouverture officielle de ce pont renouvelé, il faut agir vite car les panneaux routiers et autres indicateurs géographiques devront très bientôt être réalisés.
Samuel de Champlain et les alliances amérindiennes
S'il y a quelqu'un parmi nos personnages historiques qui mérite bien d'être rappelé à la mémoire des générations futures, c'est bien Samuel de Champlain. Il a été un grand explorateur et navigateur. Scientifique, il a été un cartographe important. Mais par-dessus tout, il a été celui qui a su préparer avec soin la fondation de Québec et par-delà l'établissement des Français en terre d'Amérique.
Il a étudié les quatre tentatives d'établissements que ses prédécesseurs français avaient menées : Jacques Cartier et le sieur de Roberval (1541-1543 à Cap-Rouge), Laudonnière et Ribault en Floride (1562-1567), le marquis de La Roche à l'île de Sable (1597-1602), et enfin celle de Pierre de Chauvin à Tadoussac (1599-1600). Champlain a pris bonne note des difficultés rencontrées lors de ces premières expériences d'établissements, dont les relations hasardeuses avec les Amérindiens.
Plus importante encore fut, son expérience lors d'un voyage au Mexique en 1599 et 1600, voyage où il a été témoin des mauvais traitements que les Espagnols infligeaient aux Amérindiens. Il en est revenu avec le rêve d'un empire où Amérindiens et Européens pourraient vivre ensemble harmonieusement. Il résolut que son établissement soit une colonie basée sur des alliances avec les Amérindiens. Alliances convenues dès 1603 à Tadoussac avec trois peuples algonquiens qui acceptèrent que nos ancêtres français vinssent « peupler leurs terres » : soit les Montagnais-Innus et leur chef Anadabijou, les Algonquins et leur chef Tessouat, ainsi que les Malécites-Etchemins.
Entre 1603 et le 25 décembre 1635, date de son décès à Québec, Samuel de Champlain a traversé l'Atlantique plus de 25 fois, à une époque où ce n'était pas sans péril, les traversées durant entre 1 et 3 mois. À lui seul il a établi un pont vers l'Europe en passant près de 4 années en mer afin de plaider la cause de sa colonie auprès du Roi de France.
On peut sans aucun doute saluer la ténacité et la persévérance de Samuel de Champlain de même que l'esprit d'humanisme qu'il a cherché à établir dans ses rapports avec ses alliés amérindiens.
Que le pont renouvelé porte le nom de pont Samuel-de-Champlain, voici un sujet qui devrait faire l'unanimité tant de nos élus fédéraux, provinciaux, municipaux ainsi que de la population, tout en rencontrant les critères actuels de la Commission de toponymie du Québec, ainsi que de la Commission de toponymie du Canada et des autres Commissions de toponymie. Il revient maintenant au ministre des Transports du Canada, l'Honorable Marc Garneau, ainsi qu'à la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain inc. et à leur entourage d'agir en ce sens.
Longue vie au pont Samuel-de-Champlain.
Alain Lavallée
PS : pour une biographie de Samuel de Champlain: « « Le rêve de Champlain », David Hackett Fisher, éd. Boréal.