Le parlementarisme, la démocratie représentative, et même le système électoral dans son ensemble ne conviennent plus à beaucoup de gens, estime l'écrivain Dominique Jamet, évoquant les résultats des législatives françaises.
RT France : Comment analysez-vous l'explosion du vote blanc et l'abstention record lors de ce deuxième tour des législatives ?
Dominique Jamet (D. J.) : On s’attendait à une abstention forte, mais elle a été encore plus forte qu’on l’attendait. Ce deuxième tour des élections législatives constituait l'aboutissement d’une très, très longue séquence politique. Elle a commencé avec la primaire de la droite, l’été dernier, et il y a eu, sans aucun doute, une lassitude de la part d'un grand nombre d'électeurs. Le temps estival a sans doute aussi incité une partie de la population à se détourner des bureaux de vote pour des lieux plus agréables. Et un certain nombre de ces abstentionnistes ont en outre préféré ne pas aller voter parce qu’ils pensaient que la victoire d’Emmanuel Macron et de LREM était acquise et que ce n’était pas la peine de se déranger. A l’inverse, un certain nombre d’électeurs ne sont pas non plus allés voter parce qu’ils pensaient que la victoire d’Emmanuel Macron était acquise, et qu’ils n’avaient pas envie d’y participer.
Le parlementarisme, la démocratie représentative et même le système électoral dans son ensemble ne conviennent plus à beaucoup de gens.
Ensuite, il y a évidemment une raison plus globale et plus générale, et elle est préoccupante : il est clair que, si le peuple français n’a pas fait obstacle à la victoire du président Macron, de ses partisans et d’En Marche!, il y a du scepticisme, des mécontentements, de la colère, du rejet. Le parlementarisme, la démocratie représentative et même le système électoral dans son ensemble ne conviennent plus à beaucoup de gens.
Une dernière raison : depuis quelques années, on voit que les gens ont l'impression que ça n'est pas à l'Assemblée que se passent les choses. Bien sûr, il est préférable pour un gouvernement de pouvoir disposer d'une majorité parlementaire, mais les élections législatives ont perdu de leur lustre et de leur intérêt par rapport à l’élection présidentielle. Tout cela a abouti au résultat spectaculaire que l’on a vu hier, ces 57% d’abstention.
Cette majorité se perpétuera, elle se solidifiera, peut-être même sera-t-elle réélue dans cinq ans, si le président réussit.
RT France : Pendant la campagne d’entre-deux-tours, des partis d’opposition ont incité les électeurs à voter pour qu’il n’y ait pas de majorité absolue du parti au pouvoir. Pourquoi cela n’a-t-il pas marché ?
D. J. : Cela n’a pas marché parce que nombreux sont ceux qui n’ont pas eu envie de se tourner vers les candidats républicains ou socialistes. Dans beaucoup de circonscriptions où étaient présents au second tour les deux extrêmes que sont la France insoumise et le Front national, même s’ils ont été battus, ces derniers ont fait de beaux scores : ils ont eu résultats tout à fait impressionnants, situés 40-48% dans une centaine des circonscriptions.
RT France : Le fait que la majorité absolue soit écrasante au sein de l’Assemblée nationale, vous semble-t-il inquiétant ?
D. J. : Pas particulièrement. Parce que ce que fera cette majorité sera forcément lié bien davantage à la réussite du président de la République et de son gouvernement, qu’à cette Assemblée elle-même. Cette majorité a été élue pour soutenir le président, ce ne sont pas eux qui porteront la principale responsabilité. Cette majorité se perpétuera, elle se solidifiera, peut-être même sera-t-elle réélue dans cinq ans, si le président réussit. Si le président échoue, cette majorité et ce parti se dégonfleront et disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus. Beaucoup de gens dramatisaient avant le second tour, disant : «C’est épouvantable, s’il y a une majorité macronienne écrasante, ce sera une dictature !» Non, je n'y crois absolument pas.
La première période de la nouvelle législature devrait être caractérisée par la fidélité, par la discipline de ces députés au sein du parti et face au président
RT France : Le parti d’Emmanuel Macron est composé des gens de gauche et de droite, des gens qui ont, a priori, des convictions différentes. Pensez-vous que cette majorité puisse s’entendre ?
D. J. : Il est difficile de jouer les prophètes. A l’heure actuelle, ce qui cimente cette majorité, c’est la fidélité, l’engagement pris auprès d’un homme, ce sont les promesses faites par les candidats de réputation de voter les réformes qu’a programmées Emmanuel Macron, c’est le succès et c’est la victoire. En cas de difficulté, verra-t-on des scissions se produire à l’intérieur de ce groupe ? C’est possible. Mais il serait tout à fait prématuré de le prédire. Ce n’est pas pour tout de suite : la première période de la nouvelle législature devrait être caractérisée par la fidélité, par la discipline de ces députés au sein du parti et face au président.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé