Il n'y a pas si longtemps, Jean Charest, qui a le sens de la formule, aimait illustrer le déséquilibre fiscal en racontant l'histoire d'une famille dont les deux conjoints ont des revenus égaux. Ils ont accès aux mêmes sources de revenu, l'argument que donnent toujours les libéraux fédéraux pour nier l'existence même d'un déséquilibre fiscal.
"Mais c'est comme si l'un des conjoints payait l'hypothèque, les assurances, la bouffe, l'électricité et les vêtements, alors que l'autre paie le téléphone et le câble. Ils ont peut-être des revenus similaires, mais à la fin de l'année, il ne leur restera pas le même montant à la banque", disait M. Charest.
Alors que tout indique que le gouvernement fédéral va donner plus d'argent aux provinces - et, en particulier, au Québec - à la faveur d'une réforme de la péréquation et d'une hausse des transferts, il faut se rappeler de la comparaison de M. Charest.
Parce que si le gouvernement Harper s'apprête à faire des pas importants pour régler le dossier du déséquilibre fiscal, il ne va pas régler le problème principal, un problème structurel qu'on a souvent décrit en disant que "les revenus sont à Ottawa, les dépenses sont dans les provinces".
On a longtemps fait le lien entre les surplus fédéraux et le déséquilibre fiscal. Mais, on risque de le voir fondre rapidement si le gouvernement conservateur reste au pouvoir à Ottawa. Le surplus peut fondre rapidement avec des baisses d'impôt ou de la TPS. Ou encore, un effort particulier pour rembourser la dette, ce que fait le fédéral depuis quelques années et que les provinces n'ont, à part l'Alberta, pas les moyens de faire.
Mais ce qui va rester, c'est que les principales dépenses du fédéral sont d'une nature différente de celles des provinces. Le rapport Séguin décrivait cette différence ainsi: "la plus grande partie des dépenses du fédéral sont des transferts aux individus et aux provinces, tandis que la plus grande partie des dépenses des provinces sont des services".
Or, l'augmentation des transferts suit généralement l'évolution de la croissance économique, alors que les coûts des transferts est déterminé par des facteurs démographiques, qui vont de l'immigration au vieillissement de la population, et qui varient grandement.
On peut assez facilement comprimer les transferts - le gouvernement fédéral ne s'est pas gêné quand il était en difficultés financières - mais il est beaucoup plus difficile de couper dans les hôpitaux ou les écoles. Sans compter que certains des transferts fédéraux aux individus, comme l'assurance-emploi, sont autofinancés - et même un peu plus
Il est beaucoup plus facile pour le fédéral de freiner l'augmentation des dépenses dans les services dont il est responsable - la défense nationale, par exemple - que pour les provinces de faire des coupes dans la santé.
En 2002, le rapport Séguin avait identifié trois sources du déséquilibre fiscal: des transferts fédéraux inadéquats, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui l'amène à dépenser dans les champs de compétence des provinces et le déséquilibre entre les sources de revenus des provinces et leurs dépenses.
Le gouvernement Harper semble disposé à faire un bout de chemin sur les deux premières causes: il va augmenter ses transferts, y compris la péréquation, et il songe à présenter une loi encadrant le pouvoir de dépenser. À défaut d'amender la Constitution, cela reste un moyen de reconnaître qu'il y a un problème de ce côté.
Mais on notera aussi qu'on n'a encore rien fait pour contrer la troisième cause du déséquilibre fiscal, soit le déséquilibre entre les sources de revenus des provinces et leurs responsabilités. Or, c'est le problème structurel, celui qui va revenir si on ne le règle pas.
Dans l'immédiat, pour le prochain budget et pour la prochaine échéance électorale, le Québec peut dire qu'il a fait des gains intéressants. Mais, au fond, rien n'est réglé.
À l'époque, le rapport Séguin avait suggéré que le fédéral cesse ses transferts aux provinces - sauf la péréquation - et leur donne plutôt le champ fiscal de la Taxe sur les produits et services. C'était politiquement astucieux, mais jamais Ottawa n'allait accepter de transférer une telle vache à lait aux provinces.
Reste que le principe demeure valable. Au lieu des éternelles chicanes entre Ottawa et les provinces sur le niveau des transferts, on aurait des gouvernements qui financeraient les services dont ils sont responsables. Plus possible de dire que c'est la faute du fédéral (ou des provinces), chacun finance à même ses taxes les services qu'il doit offrir. Ne resterait que la péréquation pour répartir la richesse.
On n'en est pas là. Alors M. Charest ne devra jamais oublier que même si son gouvernement devait recevoir un beau chèque d'Ottawa à temps pour les élections, le dossier du déséquilibre fiscal sera loin d'être réglé.
Deux déséquilibres sur trois
Même s'il reçoit un beau chèque d'Ottawa avant les élections, M. Charest ne devra jamais oublier que le dossier du déséquilibre fiscal est loin d'être réglé
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