Des témoignages troublants sur l’ex-argentier de Jean Charest

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La corruption est dans l'ADN libéral


Dons en argent comptant, enveloppes de chèques au Parti libéral remises dans son bureau et allégations de trafic d’influence. Voilà quelques-unes des informations contenues dans des mandats de perquisition de l’UPAC que l’ex-argentier libéral Marc Bibeau tentait de garder secrètes depuis des années.  


La Cour suprême a refusé ce matin d’entendre l’appel de l’homme d’affaires qui voulait empêcher la publication des motifs qui ont mené à la perquisition de ses bureaux en 2016.           





CLAUDE RIVEST / JOURNAL DE MONTREAL / AGENCE QMI




La décision intervient à un mauvais moment pour son ancien très bon ami Jean Charest qui doit annoncer sa décision de se lancer dans la course à la chefferie du Parti conservateur du Canada dans les prochains jours.           


L’ancien chef du Parti libéral du Québec est toujours visé par l’Unité permanente anti-corruption (UPAC) tout comme Marc Bibeau.          





Selon les mandats consultés par notre Bureau d’enquête, plusieurs chefs d’entreprises de génie-conseil et de construction ont raconté aux policiers l’influence de Bibeau auprès du gouvernement et les tactiques pour financer le Parti libéral.           


Donner pour rester en vie  


C’est ainsi que Giuseppe «Joe» Borsellino de Construction Garnier a raconté avoir financé le parti en remboursant les cadres de sa compagnie par des bonis annuels.           


Selon les affidavits liés aux mandats, il contribuait au financement politique pour être dans l’équipe, pour que son entreprise puisse «rester en vie».          


«Qu’il considère que plus il donnait, plus il avait de gros contrats», peut-on lire dans le document de 35 pages.           


En tout, une dizaine de dirigeants d’entreprise ont livré des témoignages aux policiers (voir autre texte). Certaines informations sont déjà connues puisqu’elles ont fait l’objet de fuites dans les médias ou ont été divulguées durant la commission Charbonneau.           


Cela n’a pas empêché l’ex-argentier de porter jusqu’en Cour suprême chacune des décisions de tribunaux québécois de rendre public une large partie du contenu des mandats. Il faut souligner que les faits allégués au soutien des mandats n’ont pas fait l’objet d’une preuve en cour.           


Perquisition secrète  


Ces mandats devaient permettre aux policiers de l’UPAC de mener une perquisition secrète aux locaux des entreprises de la famille Bibeau sur le boulevard Arthur-Sauvé à St-Eustache.           


Les policiers voulaient profiter d’une autre perquisition menée par Revenu Québec pour procéder sans être inquiétés.           


On ignore exactement ce que les policiers ont pu faire ni quelle technique d’enquête a été utilisée puisque ces éléments sont caviardés dans les mandats.           


Des informations en lien avec une activité de financement de la communauté italienne au Sheraton de Laval ont également été caviardées. Selon une liste des participants à cette activité menée en 2004, on retrouve les hommes d’affaires Vincent Chiara, Lino Saputo Jr et Tony Accurso.           


C’est la troisième fois qu’une cause impliquant Marc Bibeau se rend à la porte de la Cour suprême qui a toujours refusé les demandes. Dans les deux autres cas, les avocats de Bibeau contestaient des éléments des mandats de perquisition portant sur le secret professionnel. Deux des employés de la famille Bibeau, une avocat et un notaire, ce qui peut limiter l’accès à certaines de leurs communications.    


En matinée, les avocats du cabinet Davies Ward Philipp & Vineberg qui représentent Marc Bibeau ont publié un communiqué pour réagir à la décision de la Cour suprême. Ils y défendent l’ex-argentier qui avait fait appel pour préserver ses droits et sa réputation contre une médiatisation des allégations non vérifiées et basées sur du ouï-dire. 


«Son engagement politique s’est toujours fait librement, bénévolement, par conviction personnelle et en conformité avec les lois», est-il écrit. 


  







Voici ce que des dirigeants d’entreprises de génie-conseil et de constructions ont dit aux policiers de l’UPAC selon les affidavits liés aux mandats de perquisition visant les entreprises de Marc Bibeau :  


Yves Cadotte, ex-vice-président et directeur général SNC-Lavalin, rencontré le 8 avril 2014  


- Les employés de SNC recevaient une rémunération supplémentaire s’ils contribuaient aux partis politiques           


- Les dons au PLQ sont passés de 90 000 $ à 175 000 $ par année quand Riadh Ben Aïssa est devenu vice-président de SNC-Lavalin           


Pierre Anctil, ex-vice-président SNC-Lavalin, rencontré le 21 avril 2014  


-Vers 2005-2006 il a remis à Marc Bibeau une enveloppe contenant des chèques totalisant 150 000 $ en dons d’employés de SNC au PLQ           


- M. Bibeau a dit que les dons comptant «ça ne se faisait pas»           


- Un autre cadre de SNC, Normand Morin, lui a affirmé que M. Bibeau «savait» que des dons comptant étaient versés au PLQ par SNC           


Rosaire Sauriol, ex-vice-président principal Dessau, rencontré le 9 juillet 2014  


- Il s’est rendu dans les bureaux des entreprises de Marc Bibeau pour lui remettre des chèques destinés au PLQ           


- Les actionnaires de Dessau étaient remboursés par l’entreprise pour les dons qu’ils faisaient au PLQ           


- Le financement au PLQ permettait d’avoir des informations privilégiées pour faire avancer les dossiers de Dessau           


Paul Lafleur, ex-pdg de BPR, rencontré le 18 septembre 2014  


-Il s’est rendu dans les bureaux des entreprises de Marc Bibeau pour se plaindre des exigences de financement du PLQ           


- L’objectif était passé de 5000 $ à 50 000 $           


- Il voyait M. Bibeau comme une personne influente           


George Dick, ex-pdg de RSW, rencontré le 1er octobre 2014  


- Les actionnaires et dirigeants de l’entreprise pouvaient être remboursés pour leurs dons au PLQ           


- Marc Bibeau lui a dit qu’une fois le PLQ au pouvoir, il pourrait influencer la distribution des contrats d’Hydro-Québec           


- «Choqué», M. Dick a vu cela comme du trafic d’influence           


- Il a rencontré M. Bibeau à son entreprise pour discuter du financement du PLQ           


Pierre Pomerleau, pdg de Pomerleau, rencontré le 28 octobre 2014  


- À la demande de Marc Bibeau il a organisé un cocktail de financement           


- L’événement a permis d’amasser 40 000 $           


Claudio Vissa, ex-vice-président chez RSW, rencontré le 29 octobre 2014  


- Marc Bibeau a dit que RSW faisait moins de dons que les autres firmes de génie, «qu’il pouvait influencer les contrats chez Hydro-Québec pour que RSW en ait moins».           


- Il a invité RSW à donner directement au PLQ plutôt qu’aux associations de circonscriptions           


- M. Bibeau et Jean Charest étaient «comme des frères»           


- Le collecteur de fonds avait de l’influence auprès du gouvernement           


- Marc Bibeau a mis RSW en contact avec le cabinet de M. Charest dans le dossier du projet Suroît           


Giuseppe Borsellino, ex-pdg Construction Garnier, rencontré le 30 octobre 2014  


- Il a remboursé des cadres de sa compagnie qui faisaient des dons au PLQ           


- Plus il donnait, plus il avait de gros contrats publics           


Kazimir Olechnowicz, ex-pdg CIMA+, rencontré le 18 novembre 2014  


- Marc Bibeau lui a suggéré de donner 100 000 $ par an au PLQ           


- Les associés de CIMA+ faisaient des dons au PLQ           


- Le financement au PLQ était une police d’assurance           


Luc Benoit, ex-président Tecsult, rencontré le 25 juin 2015  


- Marc Bibeau était «la porte d’entrée» pour avoir de l’informations sur les projets du gouvernement           


- Il lui a dit qu’il tenterait de convaincre un ministre de changer de position en lien avec le métro de Laval            


- Marc Bibeau lui a donné le pointage d’un appel d’offres           


Lino Zambito, ex-président Infrabec, rencontré les 16 et 22 décembre 2015  


- En décembre 2007 Pierre Bibeau lui a demandé 50 000 $ comptant «pour le premier ministre Jean Charest», ce qu’il a été incapable de faire           


- Pierre Bibeau est intervenu pour Infrabec auprès de Bruno Lortie le chef de cabinet de Nathalie Normandeau           


- Marc Bibeau a demandé son aide pour qu’une commission scolaire renouvelle son bail avec son entreprise Centres d’achat Beauward           


- Marc Bibeau est intervenu auprès de Dan Gagnier le chef de cabinet du premier ministre pour faire débloquer un dossier d’Infrabec




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