La décision de mon gouvernement d'abolir le caractère obligatoire du questionnaire long du recensement a été attaquée de toute part ces derniers jours. Les principaux médias du pays l'ont dénoncée en éditorial. À peu près aucune organisation ne l'a publiquement défendue. Si l'on en croit les porte-parole des opposants, il y aurait pratiquement unanimité sur le sujet au Canada.
C'est notamment le point de vue mis de l'avant par André Pratte (20 juillet), qui ridiculise ma déclaration selon laquelle les données du recensement ne bénéficient qu'aux groupes de pression en écrivant que «Or, les données du recensement sont utilisées par un immense éventail de personnes et d'institutions. Si c'est d'eux dont parle M. Bernier, le Canada entier est un groupe de pression!»
Ma position fondamentale est que quelle que soit l'utilité qu'on attribue à ces données, je ne crois pas qu'il soit justifié de forcer les gens à répondre à des questions importunes sous la menace d'une amende de 500$ ou d'une peine d'emprisonnement de trois mois.
Pourquoi donc des citoyens pacifiques et honnêtes devraient-ils être menacés de la sorte s'ils refusent de dire combien de temps ils ont passé à l'entretien de la maison ou du jardin la semaine précédente, qui paie pour quoi dans leur ménage, combien de chambres il y a dans leur maison et si celle-ci nécessite des réparations mineures ou majeures?
Les entreprises et organisations qui souhaitent obtenir de telles données devraient payer elles-mêmes pour des enquêtes qui répondront à leurs besoins au lieu de s'en remettre au pouvoir de coercition du gouvernement pour les obtenir.
Les décisions du gouvernement devraient répondre aux besoins de la majorité et non aux groupes de pression. Et justement, malgré la presque unanimité des élites et le fait que notre point de vue n'ait pratiquement pas été entendu, les Canadiens sont divisés à égalité sur le sujet. Un sondage Ipsos Reid qui vient de paraître nous apprend que 49% appuient la décision du gouvernement. Et, fait intéressant à noter, c'est au Québec que l'appui est le plus fort, avec 62%.
Cette controverse illustre bien le fait que les groupes de pression qui exigent des faveurs de l'État ont beaucoup trop d'influence sur les débats publics. Ils disposent d'importants moyens pour faire entendre leurs revendications, mobiliser rapidement des appuis et susciter des controverses dans les médias, comme on l'a vu ces derniers jours.
La majorité silencieuse
Ce sont toutefois les citoyens ordinaires qui subissent la plupart du temps les conséquences de ces faveurs. Mais eux n'ont ni le temps ni les ressources pour s'organiser et intervenir dans les centaines de décisions prises par les gouvernements. C'est pourquoi on n'entend jamais ce que la majorité silencieuse a à dire, même si c'est elle qui paie la note. C'est ce déséquilibre fondamental dans les débats politiques qui explique pourquoi l'État n'arrête pas de grossir.
En tant qu'élu, je représente la population dans son ensemble, et non les groupes d'intérêt et les élites qui peuvent se faire entendre facilement dans les médias. Je défends aussi des principes fondamentaux, et ce sont ces principes de liberté et responsabilité individuelles qui motivent ma position dans ce dossier comme dans les autres.
Compte tenu de ces faits, j'aurais espéré que M. Pratte reconnaisse au moins la légitimité de notre position, même s'il la désapprouve, au lieu de la qualifier de «comble de la bêtise» et de prétendre que nous nous fichons des conséquences pourvu que notre «base pure et dure soit satisfaite». Si les débats publics étaient plus équilibrés, on ne confondrait pas la position des éditorialistes et des groupes de pression avec celle de la population en général, ni 62% des Québécois avec la base pure et dure de notre parti.
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Maxime Bernier
L'auteur est député conservateur de Beauce.
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