On peut comprendre Pauline Marois d'avoir une réaction épidermique dès que Bernard Landry ouvre la bouche ou prend la plume. Ces deux-là sont comme chien et chat depuis près d'un quart de siècle, plus précisément depuis que Mme Marois eut l'impudence de terminer deuxième dans la course à la succession de René Lévesque en 1985, alors que M. Landry avait abandonné piteusement à mi-parcours.
La chef du PQ ne se serait sans doute pas formalisée que des péquistes notoires signent une pétition réclamant un moratoire sur la réforme scolaire, si l'ancien premier ministre n'avait pas été du nombre. Joseph Facal et Jean-François Lisée ne cherchaient sûrement pas à saper son autorité, mais lui?
Mme Marois a cependant fait le jeu de son vieux rival en prétendant imposer le silence à «tous ceux et celles qui sont membres du PQ, qui ont des points de vue à faire connaître, peu importe leur titre ou leur rôle».
«Quelle société au monde demande à ses professeurs d'université de se taire sur des sujets importants»? a répliqué M. Landry. Il est vrai que l'opinion du professeur de l'UQAM présenterait nettement moins d'intérêt, s'il n'était pas un ancien chef du PQ, mais Mme Marois ne peut pas interdire l'espace médiatique à tous les membres de son parti qui ne partagent pas ses vues.
Elle a applaudi quand Gérald Larose a dénoncé le «référendisme» et proposé une stratégie qui lui plaisait dans les pages de L'Action nationale. Pourquoi le SPQ Libre ne pourrait-il pas en soumettre une autre au débat public? La semaine dernière, Mme Marois n'a rien vu de répréhensible à ce que Jacques Parizeau s'inquiète de l'attitude de la Caisse de dépôt dans une entrevue à Radio-Canada.
Hier, un groupe de jeunes péquistes sont intervenus pour appuyer la position de leur chef sur la réforme scolaire. En vertu de la directive de Mme Marois, ils devraient être sanctionnés!
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De passage au Devoir hier, elle déplorait que certains «cherchent à créer des débats inutiles». C'est bien possible, mais ce n'est certainement pas le cas de la réforme scolaire. On se penche sur ces questions un peu partout dans le monde occidental.
Quand on a occupé presque tous les ministères d'importance, il est normal que tout n'ait pas été couronné du même succès. Mme Marois a eu plus que sa part de réussites. Le réseau des CPE est une réalisation dont elle peut légitimement s'enorgueillir, tout comme les commissions scolaires linguistiques. Cinq ministres de l'Éducation se sont succédé depuis qu'elle a présidé à la mise en place de la réforme scolaire: elle ne devrait pas en faire une affaire aussi personnelle.
Mme Marois entend que les péquistes s'abstiennent de débattre publiquement jusqu'au conseil national spécial de la mi-mars, qui doit jeter les bases du programme électoral. Voilà une curieuse façon de voir les choses. C'est précisément avant le conseil national qu'il faut discuter. Quand les délégués auront statué, Mme Marois sera en droit de s'attendre à ce que tout le monde se rallie aux positions de la majorité. Quel est le problème si rien n'est encore décidé?
La chef du PQ a la mémoire courte. Durant l'interminable «saison des idées» qui a précédé le congrès de juin 2005, elle a fait publier de nombreux textes dans les journaux, dans lesquels elle défendait des positions très différentes de celle de M. Landry.
En entrevue au Devoir, elle a expliqué que les règles du jeu étaient différentes cette fois-ci. Ah bon? Quand a-t-il été décidé que toute opinion divergente devait être réservée aux instances? Il est vrai que l'on ne sait plus grand-chose de ce qui s'y passe.
Assez ironiquement, c'est M. Landry qui a fait en sorte que les débats qui transformaient systématiquement les conseils nationaux en foires d'empoigne se déroulent maintenant à huis clos. Mme Marois devrait plutôt lui en être reconnaissante.
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Les images ont la vie dure. Le PQ est condamné à vivre avec celle d'un parti mené par un sanhédrin d'ex-chefs nostalgiques de leurs années de pouvoir, qui prennent plaisir à empoisonner l'existence de celui ou celle qui occupe leur ancien fauteuil.
S'il est vrai que les débats sont généralement plus vigoureux au PQ qu'au PLQ ou à l'ADQ, le parti s'est passablement assagi. Un certain doigté demeure néanmoins de mise. Par son attitude, Mme Marois encourage elle-même la «culture de confrontation» qu'elle déplore. Après ce qu'elle vient de dire, force sera d'interpréter l'expression d'une opinion différente de la sienne comme une atteinte à son autorité.
Le pire risque malheureusement d'être à venir. La chef du PQ a beau s'impatienter quand on aborde la «mécanique référendaire», le problème demeure entier. À moins d'exclure formellement la tenue d'un référendum à l'intérieur d'un premier mandat, elle est condamnée à rééditer le scénario des «conditions gagnantes», avec tout le potentiel de querelles intestines qu'il recèle.
Mme Marois tient à «laisser une porte ouverte», au cas où. Si les circonstances sont favorables à un référendum, elle promet qu'«il y aura un espace pour en parler», mais elle ne déclenchera pas d'élections pour obtenir un mandat spécifique. Avant de tenir un référendum sur l'entente de Charlottetown, Robert Bourassa n'en a pas demandé non plus, fait-elle valoir.
Évidemment, l'élection d'un gouvernement péquiste minoritaire réglerait la question du référendum. Mme Marois assure toutefois que cela ne changerait rien à la «gouvernance nationale». Il reviendrait donc aux libéraux et surtout à l'ADQ de décider s'il y aurait une citoyenneté québécoise, une constitution québécoise, etc.
Le scénario le plus compliqué pour Mme Marois serait toutefois de se retrouver de justesse à la tête d'un gouvernement majoritaire. Ce jour-là, les journaux n'auront pas assez de place pour publier les textes de tous ceux, anciens premiers ministres comme simples militants, qui auront leur opinion sur la marche à suivre.
mdavid@ledevoir.com
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