S'il vous reste une soirée de libre d'ici au 4 janvier, je vous suggère chaleureusement le spectacle 2014, revue et corrigée, la rétrospective annuelle du Théâtre du Rideau Vert.
Cette édition est particulièrement réussie, mais mieux vaut vous prévenir (sans vendre de punch): vous rirez jaune à l'occasion, surtout au premier numéro, qui nous rappelle la réélection des libéraux à Québec après un court séjour de 18 mois dans l'opposition. Puis, un peu plus tard, la savoureuse imitation de Pauline Marois par Suzanne Champagne, qui vient tourner encore un peu le fer dans la plaie collective de l'électorat québécois. Ce numéro vaut presque à lui seul le modeste prix du billet.
On rit jaune devant ce pastiche de la grande dame qui vient nous dire, en gros: vous m'avez vraiment mise à la porte pour ramener les libéraux?
C'est grinçant, mais cela traduit bien ce sentiment, partagé par bien des Québécois, d'avoir été floué par un parti qui ne nous a pas tout dit en campagne électorale.
Les Écossais ont un dicton qui va comme suit: «Si tu me trompes une fois, honte à toi; si tu me trompes une deuxième fois, honte à moi.» Cela pourrait s'appliquer aux électeurs québécois qui ont reporté bien vite au pouvoir un parti qui les avait amèrement déçus. Mais à leur décharge, le successeur de Jean Charest, Philippe Couillard, avait mis une bonne couche de nouveau vernis sur le rouge flétri du PLQ.
Philippe Couillard n'est pas le premier chef de parti à Québec à vouloir revoir le modèle québécois et diminuer la taille de l'État. Avant lui, Daniel Johnson faisait notamment une véritable fixation sur la paperasse imposée aux entrepreneurs et avait décidé de réduire le nombre de fonctionnaires; Jean Charest est débarqué à Québec en 1998 en vantant Mike Harris et en promettant la fin du modèle québécois; Mario Dumont voulait réduire du quart la fonction publique; et François Legault a lui aussi promis de brasser dans les structures et les emplois du secteur public.
La différence entre ces chefs de parti et Philippe Couillard? Ceux-ci ont tous dit en campagne ce qu'ils voulaient faire une fois au pouvoir, promettant de grands chambardements, et ils n'ont pas été élus. M. Couillard, apparemment, en a pris note. Cet homme est trop cartésien pour avoir simplement improvisé, une fois arrivé au pouvoir. Quelques-uns de ses choix de ministres, nommément Gaétan Barrette à la Santé et Martin Coiteux au Trésor, signifiaient, dès les premiers jours de son gouvernement, qu'il allait brasser sérieusement la cabane. En nommant, par ailleurs, des ministres faibles et inexpérimentés aux postes-clés de l'Éducation et de la Famille, il savait qu'il pourrait enclencher ses réformes sans avoir de bâtons dans les roues.
Philippe Couillard s'est aussi inspiré de Stephen Harper, qui a fait de la diminution de la taille du gouvernement une priorité, faisant des coupes sans état d'âme dans les organismes et les missions jugées non essentielles. Dans le but, évidemment, de baisser les impôts juste avant les élections.
Depuis le 7 avril, avec le gouvernement Couillard, c'est le démantèlement du modèle québécois sans tambour ni trompette, la réingénierie sans le nom, le conservatisme fiscal sans l'étiquette.
Suggérer que n'importe quel parti, une fois au pouvoir, aurait pris des décisions impopulaires similaires sans avoir annoncé ses couleurs en campagne pour ne pas effrayer l'électorat, c'est légitimer le procédé du mensonge (par omission) pour le bien du peuple ignare et immature. J'ai de la misère avec ça.
Et puis, c'est faux. François Legault, lui, au moins, a eu le courage de dire haut et fort où, combien et comment il comptait faire des coupes s'il prenait le pouvoir.
Le PQ, pour sa part, avait clairement annoncé son plan d'augmentation des tarifs des garderies (vous vous souvenez, le «choc tarifaire» décrié par M. Couillard?) de 2$ par jour, et rien ne permet d'affirmer qu'il aurait adopté une autre formule.
Sans surprise, les réformes lancées dans cette dernière session particulièrement active par le gouvernement Couillard provoquent des critiques et mobilisent les groupes visés. Il serait toutefois caricatural et même folklorique de limiter ces groupes aux seuls syndicats, regroupements sociaux et autres organismes parapublics.
De nouvelles voix s'élèvent ces jours-ci, et nous aurions tort de les ignorer. Comme ce groupe d'économistes qui ont publié hier dans Le Devoir une lettre ouverte posée et raisonnable offrant d'autres options à la religion du déficit zéro. Comme ces scientifiques qui ont lancé une pétition pour rappeler au gouvernement que la recherche n'est pas une simple dépense, mais un investissement pour une société. Comme cette autre pétition initiée par Daniel Germain, du Club des P'tits déjeuners (près de 65 000 signatures hier soir), qui veut rappeler au gouvernement que l'enfance doit être une priorité.
Tous ces gens semblent croire que l'austérité est plus qu'une vue de l'esprit.
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