C’était une journée typique de la politique au temps de la commission Charbonneau. D’un fragment d’irrégularité, on dresse un acte d’accusation.
Ce qu’on sait nous vient de l’entrepreneur Paul Sauvé. L’homme est un de ceux qui ont dénoncé l’infiltration du crime organisé dans le monde de la construction.
À la commission Charbonneau, il a dit que le Hells Angel Normand Ouimet s’est imposé dans son entreprise en difficulté, en 2006.
Sauvé est celui qui a effectué la restauration – très réussie – de l’église St James, rue Sainte-Catherine. C’est un homme intrigant qui n’est pas sans reproches et dont les déclarations sont à prendre avec prudence. Il y a tout de même certains faits dans son témoignage qui sont irréfutables.
Le 10 avril, André Boisclair, alors ministre d’État à la métropole (notamment), écrit au révérend Arlen Bonnar (et non à Sauvé) pour annoncer que le gouvernement accorde une subvention de 2,6 millions pour la « mise en valeur » de son église. L’église, elle, fait affaire avec l’entrepreneur.
Rien d’irrégulier dans cette lettre : il y a alors un programme d’infrastructures qui permet ce genre de projets.
Le hic, c’est que le 10 avril 2003, nous sommes en pleine campagne électorale. Quatre jours avant les élections, précisément.
Un ministre a encore les pleins pouvoirs pour agir, mais une convention non écrite veut que le gouvernement ne prenne aucune décision pendant qu’il est en ballottage, sauf pour le fonctionnement ordinaire de l’État, ou s’il y a urgence. Une subvention discrétionnaire de rénovation n’entre clairement pas dans cette catégorie.
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La question : sachant son gouvernement battu, le ministre a-t-il voulu engager le gouvernement suivant pour favoriser un « ami », ou est-ce que, tout simplement, l’affaire avait déjà été décidée avant les élections et que la lettre ne venait que le confirmer ?
On peut aussi penser que le gouvernement libéral aurait accordé cette subvention, qui permettait la suite d’un projet important déjà commencé en plein cœur du centre-ville. Boisclair et Sauvé se connaissent, mais on ne sache pas que le PQ ait eu des accointances particulières avec les ministres du culte protestant…
Tout ceci ne condamne pas André Boisclair, mais soulève des questions légitimes, auxquelles il devra répondre. Le ministre Jean-François Lisée n’a pas à nous dire que M. Boisclair « se rendra disponible » pour la commission. Il n’a pas le choix !
Sauvé a financé les libéraux comme le PQ, soit dit en passant.
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Ce qui nous mène à Jacques Duchesneau. J’ai dit souvent mon admiration pour l’homme. Mais cette fois-ci, il a été franchement disgracieux.
Le député de la CAQ s’est demandé à voix haute s’il y avait un lien entre cette subvention et la consommation de cocaïne d’André Boisclair. Voyez la fausse logique : Sauvé a eu des liens avec un motard… Boisclair consommait de la coke quand il était ministre… les Hells vendent de la coke…
Donc…
Donc, rien.
L’entrepreneur Sauvé n’a connu le motard Ouimet qu’en 2006. Donc bien après qu’André Boisclair a cessé d’être ministre. À première vue, ce n’est donc qu’une pure calomnie qui repose sur du vent.
À moins qu’il n’ait des preuves, c’est franchement de la basse politique comme on nous promettait de ne plus en faire.
C’est en outre politiquement très malhabile : André Boisclair passe à l’offensive avec sa mise en demeure, et détourne l’attention des très sérieuses questions soulevées.
M. Duchesneau a été chef de police à Montréal et très impliqué dans la lutte au crime organisé. Il ne faudrait pas qu’il joue le jeu malsain des sous-entendus dans ces matières-là, car on peut toujours supposer qu’il a des informations privilégiées. S’il a des preuves, qu’il les produise. Qu’André Boisclair ait gravement manqué de jugement en consommant de la cocaïne pendant qu’il était ministre, l’affaire est entendue. Qu’il doive expliquer les circonstances entourant la signature de cette lettre, ça ne fait pas de doute. Au-delà, c’est un amalgame, pour lequel, faute de preuves, Jacques Duchesneau devrait présenter ses excuses.
En attendant, notons combien l’agenda politique du jour est dicté de plus en plus par les activités policières et judiciaires…
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