L'appel du Québec concernant le droit des provinces d'interdire la production du cannabis à domicile a été entendu par un comité du Sénat.
Dans un rapport rendu public tard mardi soir, les membres du comité des affaires juridiques et constitutionnelles endossent à l'unanimité que les provinces et les territoires ont l'autorité pour légiférer relativement « à la possession, la culture et la récolte de plantes de cannabis dans des lieux déterminés, y compris le pouvoir de les prohiber ».
Certains sénateurs vont encore plus loin, en proposant de modifier le projet de loi C-45 du gouvernement Trudeau visant à légaliser la marijuana, de manière à interdire la culture du cannabis à domicile. Dans son projet de loi, le gouvernement propose de permettre aux consommateurs de cultiver jusqu'à quatre plants de cannabis à domicile.
Ces changements font partie d'une dizaine de modifications au projet de loi sur le cannabis que compte proposer le comité des affaires juridiques et constitutionnelles au Sénat. Trois autres comités sénatoriaux sont aussi en train de passer le projet de loi C-45 au peigne fin afin d'en accélérer l'étude et permettre la tenue d'un vote final à la Chambre haute au plus tard le 7 juin.
Si le Sénat adopte des amendements, le projet de loi C-45 sera renvoyé à la Chambre des communes et cela pourrait donner lieu à un bras de fer entre les sénateurs et le gouvernement Trudeau, qui souhaite maintenant légaliser la marijuana avant la fin de l'été.
Dans un témoignage bien étoffé devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, la semaine dernière, le ministre des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, a plaidé que le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir constitutionnel d'autoriser la production de cannabis à domicile. Ce pouvoir, avait-il soutenu, appartient clairement aux provinces.
« Cette autorisation d'avoir un, deux, trois ou quatre plants ne relève pas du gouvernement fédéral, mais des provinces. Le fédéral, en vertu du Code criminel, peut prohiber des gestes, mais ce n'est pas lui qui donne le régime d'autorisation. Ce sont les provinces », avait notamment déclaré Jean-Marc Fournier.
Réagissant sur son compte Twitter, mercredi, le ministre Fournier s'est dit satisfait de voir que le comité sénatorial donne raison au Québec. « Il revient aux provinces d'encadrer la culture du cannabis à domicile. En recommandant unanimement d'amender le PL C-45 pour le préciser et éviter les contestations inutiles, le comité sénatorial donne raison au Québec et au Manitoba », a écrit le ministre.
M. Fournier avait décidé de prendre la direction d'Ottawa afin de témoigner devant ce comité pour défendre les compétences du Québec, remises en cause, selon lui, par la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, lorsqu'elle a affirmé, devant le même comité il y a deux mois, qu'Ottawa pourrait participer à une contestation devant les tribunaux de la loi québécoise encadrant la vente et la distribution du cannabis.
Au passage, le ministre Fournier avait accusé le gouvernement Trudeau de contribuer à banaliser la consommation de cannabis, en particulier chez les jeunes, en permettant aux individus de cultiver jusqu'à quatre plants de marijuana à domicile.
« J'ai compris de la position fédérale qu'en permettant un plant, on pourrait éviter la consommation auprès du marché illicite. On peut être d'accord ou ne pas être d'accord. C'est un argument. Mais il y en a un autre. Et c'est l'argument qui, pour nous, a été le plus important. La production à domicile est non seulement difficile à suivre, mais vous donnez aussi une accessibilité facile au produit, donc une banalisation automatique. L'objectif de notre loi, c'est d'éviter de banaliser. C'est ce qui nous a amenés à choisir zéro plant », a ajouté le ministre.