“La Tête sur les épaules”

“Croyez-vous que les jeunes d’aujourd’hui puissent se reconnaître en Étienne Martin ?”

Tribune libre

Ainsi s'adresse un confident au prolifique auteur de famille russe Henri Troyat (Un si long chemin, 1976) qui relate la naissance de son court roman d'inspiration française: “La Tête sur les épaules”.
“Croyez-vous que les jeunes d'aujourd'hui puissent se reconnaître en Étienne Martin?”
Troyat voulut mettre son personnage dans la peau du fils d'un forcené. Il l'imagina d'abord fils de Joseph Le bon qui, en 1794, saisi d'un zèle révolutionnaire, terrorisa le Pas-de-Calais par des exécutions capitales en série, avant de nourrir lui-même la guillottine.
Puis, le romancier décida plutôt de le transposer en fils d'un tueur en 1944. Son Étienne Martin joignit dès lors les rangs de ces adolescents désorientés, démunis, assaillis de doutes, élevés vaille que vaille dans le chaos de l'Occupation, puis de la Libération. Ils avaient appris par expérience que rien n'était solide, ni même respectable dans le monde qui les entourait. Des personnages haut placés se voyaient dénoncés comme salauds exemplaires, les journaux changeaient de titre, les drapeaux de couleur, l'argent de main. Ce qui était devoir la veille devenait crime, le mal le bien, le patriotisme la trahison, l'honnêteté la scélératesse, notions relatives... le héros ne pouvait plus croire de toute son âme en quelqu'un... se méfiait des grands hommes... refusait de penser à l'avenir. Vivait au jour le jour. Sa souffrance venait de là. La jeunesse, c'est l'excès en tout. Étienne Martin est un écorché vif. Un chercheur de vérité. Qui ne l'est, plus ou moins, à son âge? (H.T.)
Quand Mme Andrée Ferretti écrit ici, récemment, que 50 ans dans la vie d'une nation, c'est bien peu...
Quand Facal et Lucien se découragent...
Quand nous croyons devoir clore l'Histoire de notre vivant...

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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3 commentaires

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    2 octobre 2010

    Ouhgo, effectivement la jeunesse pourrait sans doute se reconnaître dans ce personnage d'Henri Troyat, Etienne Martin.... Aujourd'hui, tout comme hier, mais aussi dans le monde de cet écrivain, les êtres humains, jeunes ou moins jeunes d'ailleurs, ne peuvent se baser que sur une seule certitude, l'être humain est mortel.. alors chacun s'achemine vers ce néant et réagit avec son propre vécu, soit révolté ou apaisé, c'est selon, mais de toutes façons sans illusion !

  • Archives de Vigile Répondre

    2 octobre 2010

    Je voudrais corriger un mot, écrit par erreur à la fin de l'avant-dernier paragraphe de mon commentaire, où je dis : "Se dire de gauche parce que l’on est contre (pour) l’avortement ou pour le mariage gay, de bon ton. Etc., etc...»
    Il faudrait plutôt lire : "Se dire de gauche parce que l’on est pour l’avortement ou pour le mariage gay, de bon ton. Etc., etc... »
    Michel

  • Archives de Vigile Répondre

    2 octobre 2010

    Bonjour Ouhgo,
    Vous citez un de mes auteurs préférés. Je l’ai découvert avec le cycle romanesque Tant que la terre durera. Troyat, que l’on rattache au réalisme, m’a fait vivre la révolution russe par les cinq sens.
    Au moment où je vous écris ce commentaire, j’ai à mes côtés, La tête sur les épaules, qui dormait, il y a quelques minutes dans ma bibliothèque. Je l’ai lu, il y a plusieurs années. Je n’ai pas conservé de notes sur ce livre. Par contre, pendant ma lecture, j’ai souligné les passages qui contenaient des idées, une réflexion. Ils expriment, je pense, le milieu, les influences, de Étienne Martin.
    Monsieur Thuillier, ce professeur d’une philosophie matérialiste, sceptique, en qui Étienne se reconnaît de plus en plus, l’amène à rejeter les idées reçues : « L’honnêteté, pour celui qui a compris l’absurdité du monde, ne consiste pas à être ce que les autres veulent qu’il soit, mais ce qu’il veut être lui-même. C’est en étant lui-même, le plus intensément possible, qu’il emploiera au mieux le laps de temps qui sépare sa naissance de sa mort. »
    Étienne, qui était suicidaire, a repris goût à la vie, grâce à Monsieur Thuillier, qui, en le ramenant dans la réalité de la vie, l’a amené à distinguer l’important de l’accessoire. J’ai longtemps travaillé en psychiatrie, et j’ai toujours dit qu’un bon philosophe apporterait autant qu’un bon psychiatre.
    Pour répondre à votre question, je dirais, que quelle que soit l’époque, l’être humain reste l’être humain, qu’un jeune reste un jeune. Par contre, si au milieu du vingtième siècle, la pensée, la réflexion, donc la contestation, la polémique, avaient cours ; nous vivons aujourd’hui sous le règne de l’insignifiance, de la mort des idées, de l’absence de pensée.
    Parler politique autrement que pour véhiculer les clichés de la rectitude politique est tabou. Parler de l’indépendance du Québec, tabou. Être ouvert sur le monde, rejeter les particularités des nations, de bon ton. Se dire de gauche parce que l’on favorise une plus grande intervention de l’état dans certains secteurs, tabou. Se dire de gauche parce que l’on est contre l’avortement ou pour le mariage gay, de bon ton. Etc., etc..
    En conséquence, je pense que les jeunes d’aujourd’hui pourraient peut-être se reconnaître en Étienne Martin, si on les laissait penser…
    Michel Rolland