« La violence est le dernier retranchement de l’incompétence » (I.Asimov)
C’est l’heure de gloire posthume de Sir Mark Sykes et de Monsieur François George-Picot. Dans nos « grandes démocraties », les politologues autoproclamés, les apprentis experts en turqueries, les soi-disant islamologues, les réactionnaires amoureux des « révolutions » arabes sont penchés sur les cartes du Grand Moyen-Orient, où l’Amérique avait entrepris jadis d’imposer sa « démocratie » au nom de la lutte contre le terrorisme. Ces dilettantes apprécient en connaisseurs la dislocation d’un monde qu’ils exècrent et le démantèlement de ses Etats, l’un après l’autre, ne voyant rien d’extraordinaire à cette cascade de révolutions » qu’ils persistent à qualifier de « démocratiques », éludant toutes les interrogations gênantes.
– Par quel prodige les wahhabites obscurantistes du Qatar et de l’Arabie, les islamistes turcs ont-ils développé une vocation révolutionnaire dont le djihadisme et le terrorisme sont les deux mamelles ?
– Suite à quel cheminement spirituel les nouveaux croisés ou les cow-boys de l’Axe du Bien en sont-ils arrivés à s’unir dans une alliance aussi audacieuse avec les parrains de ce djihad ?
– Comment la patrie des droits de l’homme peut-elle afficher une telle symbiose avec des partenaires aussi réfractaires aux droits de la femme ?
– Comment le bastion de la laïcité dure et pure, où l’on traque la moindre ombre de crèche, de croix ou d’oremus, fait-il bon ménage avec des fanatiques religieux qui coupent les têtes au nom de Dieu?
L’Amérique omniprésente dans cette stratégie du chaos ? Quelle Amérique ? La France complice et actrice ? Mais comment oser insinuer une telle monstruosité, alors qu’elle a sauvé le Mali des terroristes après avoir apporté la « démocratie » en Libye ?
Où est le borgne qui éclairera les aveugles ? Le monde arabe n’en finit plus de se disloquer : l’Irak, le Soudan, la Somalie, la Libye, le Yémen, mais également la Tunisie et l’Egypte qui tentent d’échapper aux griffes du djihadisme, et puis la Syrie qui vit depuis plus de quatre ans un véritable martyre, sous les coups conjugués de plus de quatre-vingt-dix Etats.
La patrie de l’arabisme est en grand danger face à une ronde infernale unissant main dans la main des myriades de djihadistes qui imposent l’enfer aux populations sous prétexte de gagner au plus vite le paradis, des terroristes implacables présentés comme des modérés faisant du bon boulot et des conseillers cagoulés de provenances diverses. Ces opposants « démocratiques » jouissent du soutien multiforme des régimes islamistes d’Ankara, de Riyad et de Doha et de l’appui actif des Occidentaux qui leur accordent l’impunité, sans oublier Israël qui soigne les blessés et donne un coup de main à l’occasion.
Cette troupe barbare patronnée par l’étranger et reconnue comme représentative par les « Amis de la Syrie » (grâce auxquels celle-ci n’a plus besoin d’ennemis) trouve un prompt renfort auprès des transfuges cyniques qui ont fait fortune grâce au pouvoir qu’ils honnissent à présent, des opportunistes de tout poil, des arrivistes qui se croient déjà ministres. George Bush lui-même, reconverti depuis son passage à la retraite dans la peinture de petits moutons idiots, refait surface pour préconiser des frappes terrestres sur la Syrie.
Il faut compter aussi avec la désinformation prodiguée par les médias, avec les manipulateurs, avec des intellectuels qui affirment dormir en paix à l’ombre des drapeaux du djihad, des gourous qui recherchent dans le chaos une audience qui leur fait défaut par ailleurs, des politiques qui répètent en chœur ce que leurs chefs de file disent en solo.
Il n’est pourtant pas besoin d’être grand observateur pour constater que le scénario du démantèlement, sur des bases ethniques et/ou confessionnelles, est à l’ordre du jour, en Syrie, comme en Irak, en Libye ou ailleurs. Que les Etats- nations à forte identité et à vieille histoire sont visés en priorité, en vue d’un éventuel dépeçage. Que d’autres entités semblent se dessiner peu à peu, à coups de nettoyage ethnique, de déplacement ou d’échange de populations, voire de déportation pure et simple, et d’immigrations de type « sioniste ». Un tel redécoupage banaliserait la transformation d’Israël en « Etat juif », tout en lui garantissant la suprématie stratégique face à des entités croupions.
Les infrastructures (écoles, hôpitaux, routes, usines, conduites d’eau, oléoducs, lignes électriques), les maisons, mais aussi les églises, les mosquées, sont toutes ciblées. Pour ceux qui n’auraient pas compris de quoi il s’agit, le patrimoine historique et religieux est détruit systématiquement, les pièces et œuvres d’art pillées, la mémoire détruite.
Les massacres, les destructions massives, les rapts, les viols, les ventes aux enchères de jeunes filles, voire de petites filles en vue de mariages de jouissance, les tortures, les exécutions sommaires, les bombes aveugles, les attentats suicides, les exactions de toutes sortes perpétrées par des mercenaires cruels et sauvages, tel est le lot quotidien d’un peuple confronté aux « révolutionnaires modérés » à aspirations démocratiques.
La manipulation médiatique bat son plein, appuyée par le mensonge d’Etat, l’intimidation et le lavage de cerveau quotidien : tout est bon pour casser la Syrie résistante, abattre Bachar al Assad, président dont la légitimité fait peut- être rêver certains de ses ennemis.
Dame Bêtise est omniprésente. A qui profitent donc ces « printemps arabes » ? Certains de ces arrogants émirs, princes, rois et sultans devraient regarder de près les cartes nouvelles en circulation : loin de devenir de majestueux empires, leurs pays seront passés eux aussi à la moulinette Sykes-Picot.
Bonnes vacances aux dirigeants des « grandes démocraties ». Et qu’ils évitent de se raser, car ils pourraient s’effrayer de l’image sinistre que leur renvoie le miroir.
Ne serait-il pas grand temps que les consciences se réveillent face à la destruction volontaire, systématique et obstinée d’un pays souverain, d’une société tolérante et multiconfessionnelle, du seul Etat laïc de la région, dont le seul défaut est de vouloir conduire lui-même ses affaires, conformément aux principes de base de la légalité internationale, tels qu’ils sont gravés dans le marbre de la Charte des Nations-Unies…
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