Près de six mois après les attentats sanglants de Paris, une personne est morte décapitée et deux autres ont été blessées vendredi dans un attentat djihadiste contre un site industriel français sensible près de Lyon (centre-est), dont l'auteur présumé a été arrêté.
C'est la première fois en France qu'une décapitation a lieu lors d'une attaque terroriste, une pratique en revanche fréquemment utilisée en Syrie et en Irak par le groupe État islamique (EI). L'homme décapité lors de l'attentat était l'employeur de l'auteur présumé de l'attaque qui a été interpellé, selon une source proche du dossier.
L'homme retrouvé mort est «une victime innocente qui a été assassinée et abjectement décapitée», a déclaré le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui s'est rendu à la mi-journée sur les lieux.
Il a appelé à «la retenue et la dignité» après la découverte macabre de la tête du défunt, accrochée à un grillage près de drapeaux islamistes.
«Le terrorisme islamiste a frappé une nouvelle fois la France», a réagi le premier ministre Manuel Valls, en déplacement à Bogota, en dénonçant un «scénario abject» avant d'écourter son voyage en Amérique latine pour rentrer à Paris.
Les autorités françaises redoutaient de nouveaux attentats après les sanglantes attaques commises au nom de l'islam radical qui ont fait 17 morts début janvier à Paris.
Elle a visé vers 8 h GMT (4h, heure de Montréal) une usine de gaz industriels du groupe américain Air Products à Saint-Quentin Fallavier. Son auteur présumé, interpellé peu après, a été identifié par M. Cazeneuve comme étant Yassine Salhi, 35 ans, connu pour ses «liens avec la mouvance salafiste», qui regroupe les musulmans sunnites radicaux.
Il avait fait l'objet en 2006 d'une fiche de surveillance des services de renseignements français pour radicalisation, qui n'avait «pas été renouvelée» en 2008.
Hollande appelle à «l'unité»
Appelant les Français à «l'unité» face au «terrorisme», le chef de l'État a annoncé le relèvement au niveau «maximum» du plan d'alerte anti-attentats pendant trois jours dans la région lyonnaise, qui compte de nombreux sites chimiques sensibles.
«Le terrorisme islamiste a frappé une nouvelle fois la France», a réagi M. Valls, qui a écourté un voyage en Amérique latine pour regagner Paris. Le parquet antiterroriste de la capitale s'est saisi de l'enquête.
L'homme décapité, âgé de 50 ans selon François Hollande, dirigeait une entreprise de transport près de Lyon, qui disposait d'une habilitation pour entrer sur le site d'Air Products et c'est à bord d'un de ses véhicules que Yassin Salhi a pénétré l'enceinte.
Ce nouvel attentat a suscité nombre de réactions en France et à l'étranger.
L'Allemagne et la France sont «unies contre la haine aveugle du terrorisme», a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier. «Les démocrates feront toujours front contre la barbarie», a renchéri le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.
La principale instance représentative de l'islam de France, le Conseil français du culte musulman, a condamné l'attaque et appelé «l'ensemble de la communauté nationale à la vigilance, à l'unité et à la solidarité».
Le président François Hollande a dénoncé depuis Bruxelles une «attaque de nature terroriste commise par une personne, peut-être accompagnée d'une autre». M. Hollande a ensuite regagné Paris pour un Conseil de défense convoqué dans l'après-midi à l'Élysée.
Mentionnant «un véhicule conduit par une personne, peut-être accompagnée d'une autre», le chef de l'État a déclaré que «l'intention (de cette attaque) ne fait pas de doute. C'est de provoquer une explosion».
«Selon les premiers éléments de l'enquête, un ou plusieurs individus, à bord d'un véhicule, ont foncé sur l'usine. Une explosion s'est alors produite», a d'abord indiqué une source proche du dossier. C'est après cette explosion que les gendarmes se sont rendus sur ce site classé sensible et y ont découvert un corps décapité.
«Vigilance renforcée»
Un premier bilan faisait état d'un mort - l'homme décapité - et de deux blessés légers. Le corps de la victime «a été retrouvé à proximité de l'usine, mais on ne sait pas encore s'il a été transporté sur place ou pas», a-t-on souligné de même source.
Les pompiers ont masqué la zone d'une bâche de plastique noir pour la cacher des regards. Deux drapeaux islamistes étaient néanmoins visibles sur le grillage vert entourant le site, selon une journaliste de l'AFP, signe d'une probable mise en scène.
Le premier ministre Manuel Valls a ordonné une «vigilance renforcée» sur tous les sites sensibles de la région de Lyon, deuxième ville de France, qui abrite de nombreux sites industriels.
Les magistrats spécialisés du parquet antiterroriste de Paris se sont saisis de l'enquête.
La présidente du parti d'extrême droite Front national, Marine Le Pen, a demandé qu'«immédiatement» soient prises des «mesures fermes et fortes» pour «terrasser l'islamisme» tandis que le président du parti d'opposition Les Républicains, Nicolas Sarkozy, a réclamé un niveau de vigilance «rehaussé».
La crainte de nouveaux actes de terrorisme s'était renforcée en France après l'arrestation en avril d'un étudiant algérien, Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d'un projet d'attaque contre une église à Villejuif, près de Paris, au nom de l'islam radical.
Depuis les attentats de janvier, le gouvernement a mis en place un drastique plan de vigilance antiterroriste dans les lieux publics et le ministre de l'Intérieur a maintes fois répété que la menace en France restait «très élevée».
Du 7 au 9 janvier, trois djihadistes ont perpétré des attaques contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, une épicerie casher, et des policiers, provoquant une onde de choc en France et dans le monde entier.
Dans ce contexte, la France s'est dotée cette semaine d'un nouvel arsenal controversé renforçant les capacités légales d'écoute de ses services de renseignement.
Une «vie normale»
«Trois enfants, une vie normale»: l'épouse de Yassin Salhi, auteur présumé de l'attentat djihadiste commis vendredi près de Lyon s'est montrée incrédule après l'interpellation de son mari tandis que les voisins évoquaient un homme «discret».
«J'ai le coeur qui va s'arrêter, qu'est-ce qui se passe?», s'est-elle affolée, interrogée par la radio Europe 1. Elle a ensuite été interpellée par la police à son domicile de Saint-Priest, une ville ouvrière dans la banlieue de Lyon.
«Il est parti au travail ce matin à 7 h», a-t-elle raconté, expliquant que son mari «fait de la livraison (...) livre des cartons, des commandes, des choses comme ça». «Hier, il était au travail, il est rentré, normal. On a passé une nuit normale», a-t-elle ajouté.
«On est des musulmans normaux, on fait le ramadan. Normal. On a trois enfants, une vie de famille normale», résume-t-elle, ne voyant «pas l'intérêt ou pourquoi» il aurait agi de la sorte.
Son épouse dit avoir appris «les mauvaises nouvelles» par sa belle-soeur. «Au journal, ils disent que c'est un acte terroriste, mais c'est pas possible, moi je le connais, c'est mon mari, on a une vie de famille normale», a-t-elle insisté.
Dans le quartier tranquille où réside le couple et ses trois enfants de 6 à 9 ans, les voisins les décrivent comme «une famille discrète». «Leurs enfants jouent avec les miens; ils sont tout à fait normaux et câlins», a déclaré une voisine d'une quarantaine d'années, qui refuse de donner son nom.
La famille Salhi habite au premier étage d'un petit immeuble social de trois étages. Une bâche blanche a été disposée par la police pour masquer l'entrée et deux policiers en civil, armés, étaient en faction devant la porte.
Une femme, portant un enfant dans les bras, puis une deuxième personne, en sont sorties dissimulées sous un drap blanc en milieu d'après-midi et ont été aussitôt emmenées dans des véhicules de police.
Une vingtaine de voisins se sont agglutinés dans le calme devant les grilles de l'immeuble.
L'un d'eux, âgé d'une cinquantaine d'années, dit à propos de Yassin Salhi: «Il ne parlait à personne. On se disait juste "bonjour-bonsoir".» Le suspect ne se distinguait pas non plus par sa tenue. «Il avait juste une petite barbe», selon lui.
Un jeune présent sur place affirmait n'avoir «jamais vu» Yassin Salhi à la mosquée de Saint-Priest.
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