Les Français se rendent aux urnes dimanche afin de désigner les deux candidats qui s'affronteront lors du deuxième tour de la présidentielle, le 6 mai. À moins d'un événement exceptionnel, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal vont remporter cette première manche après une campagne où le débat sur la place de la France dans le monde a été pour le moins discret. Peut-être est-ce là un signe que la politique étrangère française ne subira aucun bouleversement, quel que soit le candidat élu.
La plupart des commentateurs de la scène politique française estiment que la présente élection présidentielle est la plus passionnante depuis 1981, lorsque le candidat socialiste François Mitterrand fut élu, marquant ainsi la fin d'un long règne des partis de droite. La présidentielle de cette année marque aussi une rupture, dans le sens où une génération de politiciens nés avant la Deuxième Guerre mondiale et identifiés au clivage droite/gauche laisse la place à des quinquagénaires plutôt centristes, détachés des idéologies et plus en phase avec les problèmes concrets des électeurs. Ils posent en effet un regard neuf sur les problèmes intérieurs actuels de la société française. Sauront-ils pour autant trouver les solutions? Cela reste à voir.
Sur les questions de politique internationale, qu'en est-il? Si, au cours des derniers mois, Sarkozy et Royal ont beaucoup parlé d'emploi, d'immigration, d'économie et d'éducation, ils ont été avares de commentaires sur les questions de politique internationale. Il est difficile de le leur reprocher. Les politiciens français, comme partout, savent pertinemment qu'une élection, sauf en cas de crise majeure, ne se joue pas sur de grands débats de politique internationale. Cependant, la France n'est pas un pays comme les autres, même si plusieurs experts réunis au sein d'une prospère industrie du "déclin français" professent le contraire. Elle reste une puissance dont les moyens - économiques, diplomatiques, militaires, culturels et linguistiques - sont considérables. D'où l'intérêt pour le monde de connaître les options du futur président. Et là, tout indique qu'il n'y aura aucune rupture par rapport aux grandes orientations des présidences antérieures.
Deux constances
Depuis l'accession au pouvoir du général de Gaulle en 1958, la France maintient en politique étrangère deux constances: l'indépendance nationale et la construction européenne. Elle n'a jamais cédé sur la première, même si cela a provoqué à quelques reprises de vives collisions avec les États-Unis. La crise irakienne a montré jusqu'où Paris était décidée à aller dans son opposition à Washington, quoi qu'il en coûte. Sur la deuxième, au fur et à mesure de l'élargissement de l'Union européenne et de l'approfondissement de ses compétences, tous les gouvernements français ont su composer avec leurs partenaires, particulièrement avec le plus réticent d'entre eux, la Grande-Bretagne. Il en a résulté la création de la plus vaste et de la plus riche zone économique et politique du monde.
Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont bien déterminés à préserver ces acquis. Certes, ils le disent avec des tonalités différentes, mais l'essentiel leur est commun. Le candidat de droite s'est affiché très proaméricain lors d'une visite, l'an dernier, à la Maison-Blanche. Depuis, il n'aborde plus le sujet. Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient eux aussi vanté les mérites du modèle américain avant l'affrontement sur l'Irak, en mars 2003. La candidate de gauche ne professe ni affinité ni inimitié avec l'Amérique. François Mitterrand était semblable. Sarkozy et elle sont atlantistes, et c'est ce qui compte à un moment où la relation avec les Américains est à consolider. Ils sauraient aussi faire face aux États-Unis si la situation le demandait.
En ce qui concerne l'Europe, Sarkozy et Royal ne partagent pas les mêmes vues sur l'adhésion de la Turquie et sur le processus d'approbation d'une future constitution - référendum ou ratification parlementaire. Ce ne sont pas là des questions vitales. L'important est leur détermination à poursuivre la construction européenne et à conclure de solides partenariats avec la Turquie, la Russie, l'Ukraine et les États du Maghreb, des pays dont la contribution à la prospérité du continent est essentielle.
Même longueur d'onde
Avec le reste du monde, les deux candidats sont sur la même longueur d'onde et fidèles aux options de Jacques Chirac. Ils s'opposent à une intervention militaire contre l'Iran, appuient les initiatives de paix au Proche-Orient, préconisent l'augmentation de l'aide aux pays les plus pauvres et favorisent le renforcement des organisations multilatérales.
On a beau lire et relire les plates-formes électorales et les discours sur la politique internationale des deux candidats, on ne trouve aucune opposition marquée, aucun désaccord profond entre eux. Depuis un demi-siècle, la classe politique française, toutes tendances confondues, a parfaitement intériorisé les grands axes de la politique étrangère gaulliste. Que ce soit Sarkozy ou Royal qui assume la présidence au lendemain du deuxième tour, la continuité sera donc au rendez-vous.
L'auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l'Université de Montréal.
Continuité assurée
Que ce soit Sarkozy ou Royal qui assume la présidence, on ne doit pas s'attendre à de grands bouleversements de la politique étrangère française
France - élection présidentielle 2007
Jocelyn Coulon59 articles
L’auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l’Université de Montréal.
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