Malgré le «saupoudrage» de 24 millions de dollars sur trois ans, Québec arrive à sauver la face avec sa nouvelle politique de condition féminine, qui jouit d'un contexte qu'elle n'aurait pas connu si elle avait été lancée un an plus tôt.
D'abord, la première partie du mandat du gouvernement Charest a été marquée par la crainte que celui-ci ne se désintéresse de la condition féminine, encouragé en ce sens par des débats qui divisaient alors le Conseil du statut de la femme (CSF), prêt à se transformer en Conseil de l'égalité.
Deuxième atout pour les libéraux: l'attitude des conservateurs à Ottawa, qui viennent de réduire le financement de Condition féminine Canada et des groupes défendant les droits des femmes, ce qui suscite l'indignation de tout le mouvement féministe. Enfin, toute l'attention accordée à de récents «accommodements raisonnables» qui heurtent la manière de vivre des femmes au Québec a rendu nécessaire une prise de parole ferme de la part du gouvernement.
Dans un tel contexte, maintenir le CSF, présenter une politique en 63 points qui promeut l'égalité, et affirmer, par la voix de la ministre Carole Théberge, responsable du dossier, que celle-ci «est un principe non négociable, qui nous définit autant que la langue que nous parlons», ne peut que susciter l'adhésion. À défaut d'argent, on a au moins des principes!
Mais si la réaffirmation de ces principes tombe à propos, cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont prometteurs. On trouve plus de timidité (pas question de modifier des lois pour contraindre qui que ce soit) que de nouvelles idées dans la politique, plus de flou («faire connaître», «étudier la possibilité d'offrir»...) que de mesures concrètes. Et surtout, le verbiage ne peut entièrement masquer l'inconséquence de ce gouvernement.
Sur la formation continue par exemple. Le plan d'action souligne que les femmes y participent moins que les hommes, parce qu'elles se retrouvent principalement dans les PME qui ne sont pas assujetties à la loi sur la formation de la main-d'oeuvre. «Les PME éprouvent souvent plus de difficulté à adhérer à une culture de formation continue», lit-on. Quelle blague! Ce sont les libéraux qui ont retiré les PME du champ d'application de la loi, faisant passer de 250 000 $ à un million la masse salariale exigée pour y être assujetti. Du coup, 25 000 entreprises sur 36 000 échappaient à l'obligation de formation de leur personnel. Les libéraux voudraient-ils revenir sur cette folle décision? Même pas. On va simplement poursuivre les efforts déjà entrepris pour «soutenir les compétences des Québécoises».
De même, le plan d'action signale qu'il faudrait que les Conférences régionales des élus favorisent la participation des femmes (qui y sont peu nombreuses) à la vie démocratique. Rappelons à nouveau que ce sont les libéraux qui ont substitué les CRE aux centres régionaux de développement où siégeait la société civile et où les femmes étaient officiellement représentées. Où est la logique?
En fait, ce n'est pas seulement à l'aune de l'avenir, mais aussi de ses décisions passées que le gouvernement Charest devrait évaluer le succès de sa quête de l'égalité.
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jboileau@ledevoir.ca
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