Le mot «changement» est à la mode dans le vocabulaire politique au Québec, ces temps-ci.
Les politiciens en parlent, à défaut de faire plus pour le moment, et les électeurs en souhaitent, à en juger par leur comportement aux urnes le 26 mars.
Pauline Marois insiste énormément sur l'urgence du changement, dans son parti, d'abord, mais aussi dans l'attitude de la population face à l'État providence. La nouvelle chef du PQ veut revoir le modèle québécois, brasser les structures et les habitudes. On n'en sait pas plus pour l'instant sur la nature et la manière de ces changements, mais l'intention est manifeste.
Mario Dumont, lui, a promis du changement, avec pour premier résultat de forcer les deux autres partis à changer.
Quant à Jean Charest, il a beaucoup parlé de changement depuis qu'il est arrivé à Québec, en 1998. Les résultats, toutefois, se font toujours attendre.
Sur la scène fédérale, Stephen Harper a bâti son programme électoral sur des promesses de changement, notamment dans les moeurs politiques.
En France, Nicolas Sarkozy presse les Français, qui viennent de lui donner une double majorité, de s'engager dans de profonds changements pour sortir le pays de sa morosité. Le président Sarkozy se heurte déjà à une résistance qui promet de belles batailles. Il n'est pas seul: c'est le sort qui attend pratiquement tous les chefs politiques qui rêvent de petites révolutions.
Il est plus facile, en effet, de parler de changement que d'en faire. Tout le monde est en faveur du changement, à condition qu'il ne change rien à ses habitudes, à ses privilèges, à son confort, à ses acquis, à ses droits.
Sans tomber dans le discours défaitiste et un brin méprisant de l'immobilisme (une thèse qui sous-entend que l'on ne fait rien qui vaille au Québec, que l'on devrait balancer le modèle québécois au panier), disons que l'on part de loin ici, quand il est question de mettre des changements en branle.
Si on veut vraiment changer quelque chose au Québec, il faudra commencer par les mentalités, parce que c'est d'abord là que ça bloque. À force de rectitude politique, on n'est plus capable d'appeler un chat un chat. À force de rechercher des consensus, on en est venu à confondre consultations et droit de veto. À force de vouloir faire des changements sans déplaire à personne, on garde, en même temps, un pied sur l'accélérateur et l'autre sur le frein.
Un exemple parmi tant d'autres, anecdotique, certes, mais qui en dit long sur la résistance institutionnelle et culturelle au changement ici. Désireux de durcir le ton contre les conducteurs délinquants et de rendre nos routes plus sûres, le gouvernement Charest a mis sur pied une «Table de concertation sur la sécurité routière», composée de 41 organismes qui débattent depuis plus d'un an. Vous avez bien lu: 41 organismes! Plus d'un an de discussions! Pas étonnant que l'on n'arrive pas à trouver les solutions simples qui s'imposent pourtant d'elles-mêmes.
Tout ça pour serrer la vis aux morveux à calottes à l'envers qui canalisent leurs excès de testostérone sur l'accélérateur de leur Honda Civic modifiée. Tout ça pour s'assurer que les ivrognes qui ont déjà perdu trois fois leur permis de conduire ne reprennent pas leur auto. Tout ça pour installer des radars photo sur les routes. Au fait, ça doit bien faire une décennie que l'on discute de ce sujet passionnant des radars photo...
Deux autres exemples de changements freinés depuis des années, de statu quo en évolution, si vous voulez: le groupe de travail du gouvernement Charest sur le système de santé publique (le comité Castonguay) et, dans une moindre mesure, la consultation promise par la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, pour «encadrer les frais afférents» dans les universités.
Un autre groupe de travail sur la santé? Dans le contexte de gouvernement minoritaire, en plus? De toute évidence, on cherche plus à gagner du temps qu'à trouver des solutions. De toute façon, ces solutions sont connues, mais elles font mal, elles ne sont pas bonnes à dire. Alors, hop! un autre comité, ça fera toujours 10 ou 12 mois de gagnés.
Quant aux frais afférents, a-t-on vraiment besoin d'une consultation sur la chose?
Le gouvernement Charest a pourtant pris la bonne décision en dégelant les droits de scolarité mais, de peur de trop bousculer, le voilà qui ouvre une interminable discussion sur les frais afférents.
Mais soyons juste envers ce gouvernement: on sent poindre depuis quelques mois (depuis que l'ADQ assiège le gouvernement minoritaire, pour être plus exact) un certains changement, sinon dans l'action, au moins dans le ton.
Le ministre de la Santé Philippe Couillard, par exemple, qui blâme directement les directions d'hôpital pour l'engorgement des urgences. Ou sa consoeur à l'Éducation, qui déplore le «trop grand nombre d'écoles de pensée» dans le milieu de l'enseignement.
Nos dirigeants sont d'ordinaire tellement polis, tellement retenus dans leurs propos, ils ont tellement peur de déplaire que le moindre commentaire franc et direct surprend. Choque, aussi, et crée la controverse. Voilà le principal noeud du problème: la peur des mots, la crainte phobique de provoquer une réaction.
Que les ministres Couillard et Courchesne aient raison ou pas, là n'est pas la question. Mais que leurs commentaires aient soulevé un tel tollé, une telle résistance dans les milieux concernés, démontre à quel point il est difficile de secouer les grosses machines au Québec.
À première vue, il est difficile d'imaginer que Pauline Marois, qui est un pur produit du modèle qu'elle dit vouloir maintenant changer, arrivera vraiment à provoquer sa petite révolution. Une chose est sûre, par contre: elle connaît ce modèle sous toutes ses coutures. Elle est donc bien placée pour savoir ce qui cloche.
Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca
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