Notre siècle a ceci de singulier qu’il se révèle le support d’un phénomène gravissime pour la continuité de l’humanité dans ses conditions actuelles, c’est-à-dire les changements climatiques. Sans pour autant être absolument exclusive, cette dynamique a ceci de spécifique qu’elle survient durant un stade tardif de l’évolution de notre civilisation, au sein d’un régime capitaliste quasi omniprésent qui nécessite une quantité abyssale de ressources naturelles afin de fonctionner de façon optimale. En conséquence, le phénomène des changements climatiques nous pousse, en tant qu’espèce humaine, à une réflexion éthique globale infiniment délicate, mais malgré tout requise. Le fruit de cette réflexion pourrait bien être garant de notre pérennité.
Une fois cette conjoncture écologique reconnue, malgré la tentation causale qui pourrait viser à appliquer des mesures politiques radicales, il n’en reste pas moins que la délibération populaire doit malgré tout persister à s’exercer afin d’adapter nos actions en fonction d’une volonté populaire relative. En tant que sujets d’une démocratie libérale, nous avons le droit de débattre en matière d’écologie, tout comme des modalités économiques et des politiques adéquates au bien-être de la cité. Naturellement, le produit de cette délibération ne sera pas absolument homogène, cohérent et pur. Il y aura inévitablement des zones de tensions, ce qui est néanmoins vital à tout espace de débat le moindrement substantiel.
Fascination spirituelle
Cependant, de façon spectaculaire, la figure de Greta Thunberg vient bouleverser cet équilibre des choses. Cheval de Troie de l’écologisme, il se développe autour de sa personne une fascination fondamentalement spirituelle qui n’est pas sans rappeler l’idéal type de la figure messianique. Au sein des tribunes médiatiques, il devient de plus en plus difficile d’exprimer une quelconque critique quant à cette situation, même quand cela relève d’arguments rationnels et légitimes. Pour ses fervents partisans, critiquer cette jeune Suédoise se ramène inéluctablement à une forme de climatoscepticisme, voire de négationnisme. Comme si l’avenir de l’humanité était désormais entre ses mains. Bien que ce type de rhétorique n’ait rien de révolutionnaire en soi, il n’en demeure pas moins qu’un dossier aussi criant que les changements climatiques ne devrait être instrumentalisé ni par des idéologies quelconques ni par des forces partisanes particulières.
Il importe de le rappeler, l’écologie est un enjeu qui concerne l’humanité dans son ensemble. Idéalement, ce sujet devrait transcender la partisanerie afin de pouvoir véritablement mener au développement d’une coordination politique adéquate et transversale, quitte à opérer des changements structurels majeurs. Cependant, cela ne se fera pas sans délibération ni débat. C’est pourquoi ce texte se veut un appel à l’ouverture plutôt qu’au sectarisme, afin de féconder une riche réflexion.
Il est possible de critiquer la figure de Greta Thunberg et le phénomène qui entoure l’engouement de masse pour sa personne sans pour autant être un quelconque antenvironnementaliste, négationniste ou inconscient. On peut prendre au sérieux l’évolution climatique sans pour autant vouer un culte immodéré à la figure de Greta Thunberg. Après tout, le débat, garant de la diversité d’opinions, est consubstantiel à la démocratie libérale.