La baisse de 40 milliards de dollars du portefeuille de la Caisse de dépôt a provoqué un choc partout au Québec. La première réaction devant une telle perte est de trouver des coupables, et bien des commentateurs et des politiciens ne se sont pas gênés pour le faire.
Cette réaction est bien compréhensible, mais il faut que nous sortions de ce mode de «chasse aux sorcières» le plus vite possible, sinon des torts irréparables seront faits à la Caisse parce qu'il sera pratiquement impossible de trouver des gestionnaires de talent qui voudront y travailler. Le placement comporte des risques, et contrairement à la relation que l'on connaît dans notre vie quotidienne, la relation entre le risque et le rendement est positive. Ceci veut dire qu'un gestionnaire de placement qui ne prend aucun risque ne générera aucun rendement à long terme. Au contraire, les gestionnaires doivent prendre des risques pour générer des rendements. Or, qui dit risque dit hasard. Le hasard peut provoquer de mauvais rendements à n'importe quel moment, même pour le meilleur des gestionnaires. Quel gestionnaire va accepter de travailler à la Caisse s'il sait qu'il pourra se retrouver devant une commission parlementaire pour expliquer en détail chacune de ses décisions alors qu'il ne pourra jamais prouver qu'il a pris la bonne décision?
Une approche plus constructive consiste d'abord à analyser les résultats pour savoir si l'équipe de gestion de la Caisse a généré de bons rendements, et pourquoi. La règle numéro un d'une telle analyse est la suivante: le rendement d'une année d'un portefeuille ne donne aucune indication sur le talent de l'équipe qui le gère. Je répète: aucune. En fait, les spécialistes vous diront que même une période de cinq ans est trop courte pour statuer hors de tout doute sur le talent d'un gestionnaire de portefeuille. Comment se fait-il que les résultats à plus long terme ne soient à peu près pas mentionnés dans la foule de commentaires sur les résultats de la Caisse ces derniers jours?
Il y a deux façons d'analyser les résultats d'un gestionnaire à partir de ses rendements sur plusieurs années: soit on les compare aux rendements obtenus par d'autres gestionnaires qui ont les mêmes objectifs de placement, soit on les compare à un portefeuille indiciel. Dans les deux cas, la comparaison n'est pas favorable pour la Caisse, mais elle n'est pas aussi désastreuse que les résultats de la dernière année semblent suggérer. Sur cinq ans, au 31 décembre 2008, le rendement de la Caisse se situe à 0,5 % par an au-dessous de la médiane des caisses comparables. Pour ce qui est de la comparaison avec un portefeuille indiciel, la valeur retranchée est de 1 % par an. Ce n'est pas bon, mais c'est loin d'être la catastrophe proclamée dans les médias, car, il faut le mentionner, les résultats de la Caisse ont été très bons pendant les quatre années qui ont précédé l'année 2008.
Il faut ajouter ici qu'une analyse sophistiquée ne regarde jamais qu'une seule période parce que les résultats peuvent être trop influencés par un ou deux événements non récurrents. Il y a de bonnes chances que ce soit le cas ici pour deux raisons: la provision pour perte sur les PCAA et le fait qu'on analyse les résultats en plein creux d'un cycle boursier alors que la Caisse utilise un levier financier dans ses opérations.
La provision pour perte sur les PCAA totalise 5,9 milliards de dollars. Ce montant est énorme et il représente 4 % de l'actif net des déposants au 31 décembre 2007. Ce montant représente plus de 40 % de la valeur nominale des papiers détenus, et il est probable qu'une partie non négligeable de cette provision sera recouvrée au cours des prochaines années. Malgré cela, il faut se demander pourquoi la Caisse détenait des PCAA en si grande quantité et pourquoi elle en est le plus gros détenteur au Canada? Sans avoir la réponse complète à cette question, il faut au moins mentionner deux points importants. Premièrement, la Caisse est une institution d'envergure internationale, pas seulement canadienne, et elle est loin d'être la seule grande institution internationale à détenir des PCAA. Ensuite, la Caisse ne tentait pas d'augmenter le rendement de son portefeuille en prenant des risques excessifs puisque ces papiers jouissaient de la cote de solvabilité la plus élevée que donnent les agences de crédit.
De plus, il est important de mentionner qu'il y a deux côtés à un cycle financier. Après la baisse, il y a la remontée. Comme la Caisse emprunte sur les marchés pour investir dans des actifs à long terme, ses performances ont de bonnes chances d'être meilleures quand les marchés sont hauts, et moins bonnes quand les marchés sont bas.
Enfin, une analyse des résultats des différents centres de décision de la Caisse n'est pas favorable. Pendant les cinq dernières années, 11 centres de décision sur 16 ont généré un rendement inférieur à leur indice de référence. Les résultats concordent avec la théorie financière moderne qui stipule que la gestion active d'un portefeuille a peu de chance de générer un rendement supérieur aux indices de marché à moins que le gestionnaire jouisse d'avantages comparatifs. La Caisse tire-t-elle parti au maximum de ses avantages comparatifs?
En résumé, une analyse plus poussée des résultats de la Caisse montre des améliorations qui doivent sans aucun doute être apportées, mais qu'une réforme à l'emporte-pièce fera plus de tort que de bien.
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Jean-Luc Landry, Président de Landry Morin inc.. L'auteur est gestionnaire de portefeuilles depuis 30 ans.
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Président de Landry Morin inc.. L'auteur est gestionnaire de portefeuilles depuis 30 ans.
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