La poussière retombée, le paysage politique canadien voit resurgir l'hydre des deux solitudes: bleue et orange cette fois. Ainsi, le Québec aura fait le tour de sa palette de couleurs. Le rouge de Trudeau qui nous exclut toujours de la Constitution canadienne; le bleu de Mulroney qui nous a menés bien près d'une entente historique entre les deux peuples fondateurs, laquelle repose pour toujours au tréfonds du lac Meech; le bleu pâle du bloc qui, durant vingt ans, a servi de rempart aux empiétements répétés du fédéral dans les affaires du Québec; et l'orange de Jack, dont on ne sait encore quoi penser.
Contrairement aux baby-boomers, qu'ils soient fédéralistes inconditionnels ou mous, ou encore d'éternels hésitants, les jeunes Québécois n'attendront pas que le vert vienne, à son tour, colorer notre paysage politique pour donner le grand coup. Ça prendra le temps qu'il faudra, mais ça viendra. Parce que c'est écrit dans le ciel.
Avant même que le Parti québécois décide de mettre à jour ses études sur la pertinence et les bienfaits de l'indépendance, nous savons déjà que notre population fait partie du peloton de tête des pays du monde en ce qui a trait à sa scolarité; nous sommes plus nombreux que 120 pays reconnus par les Nations unies; notre territoire et notre économie dépassent ceux de la plupart des États de la planète; le développement du Grand Nord, qui s'ajoutera à ce nous possédons déjà en matière d'expertise et d'exploitation de nos ressources naturelles inestimables, fait l'envie des autres nations. Les Écossais, par exemple, qui sont cinq millions, avec le pétrole et le gaz de la mer du Nord et la pêche, considèrent qu'ils sont suffisamment autonomes pour devenir indépendants.
Toutefois, les arguments rationnels, quels qu'ils soient, n'arriveront pas à convaincre les Québécois de faire éclater le Canada pour repartir sur de nouvelles bases. Mais l'inconsistance et l'imprévisibilité des Québécois en matière de «res politica» vont les conduire, un jour, à choisir la voie de l'indépendance. Un événement fortuit: par exemple, ce jeune homme désespéré qui s'est immolé par le feu a servi de bougie d'allumage au renversement d'une dictature; l'exécution de Ben Laden a relevé la cote de popularité d'Obama au niveau rêvé d'une veille de scrutin. Mieux encore, le parti indépendantiste écossais vient de prendre le pouvoir absolu en Écosse, déjouant les calculs de tous les experts. C'est ainsi que les peuples prennent les décisions qui s'imposent. Le peuple québécois ne fera pas exception, le moment venu.
Les Québécois ont répété pour la dernière fois que leurs différences en matière de langue et de culture ainsi que leur statut de peuple fondateur devront être concrètement reconnus par le ROC; qu'il n'y aurait pas une nouvelle chance après le bleu, le rouge et l'orange; qu'ils n'attendront pas la couleur de l'espérance pour passer définitivement à autre chose afin de protéger le fait français en Amérique du Nord.
Avant de passer aux tâches quotidiennes qui échoient à un gouvernement, les deux chefs de parti qui siégeront à Ottawa doivent mettre en branle un plan de sauvetage du Canada aboutissant à la reconnaissance pleine et entière de la nation québécoise dans la fédération. Cela constitue un impératif incontournable pour la sauvegarde ce qui reste de liens, s'il en reste, entre les deux peuples fondateurs.
Sans une volonté manifestée par les acteurs fédéraux de régler, une bonne fois pour toutes, la question de l'égalité entre les deux peuples fondateurs dans le Canada, les forces péquistes, ici au Québec, n'auront pas d'autre choix, lors qu'elles seront au pouvoir, de travailler prioritairement à l'alignement des astres pour construire un pays bien à nous.
Et lorsqu'à la veille du prochain référendum les pleureuses envoyées par le ROC viendront nous déclamer, encore une fois, leur amour et nous supplier de rester dans le Canada, nous les inviterons gentiment à retourner chez elles.
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Marcel Lapointe - Saguenay