Le gouvernement Kenney a lancé la première étape de sa remise en ordre du budget de l'Alberta en annonçant, jeudi, des économies moins spectaculaires que prévu, mais qui demanderont des efforts à l’ensemble de la population, y compris aux moins favorisés.
Jason Kenney sera le premier en 25 ans à réduire les dépenses d’une province qui connaît une forte croissance de sa population. En moyenne, la baisse sera de 2,8 % en quatre ans, mais les universités devront composer avec une baisse de 10 %, et le ministère de l’Agriculture, une baisse de 40 %. Les investissements dans les infrastructures vont aussi ralentir.
Le gouvernement pense réduire le nombre de ses fonctionnaires de 7,7 % grâce à des départs à la retraite non remplacés. Plus de 2000 postes pourraient ainsi disparaître.
Le ministre des Finances, Travis Toews, a aussi prévenu qu’il n’avait pas un sou pour augmenter le salaire des fonctionnaires, après quatre ans de gel.
« J’ai un travail à faire », a expliqué le ministre. « C’est de trouver un moyen d’assurer des services de façon plus efficace. »
Pour équilibrer le budget en 2022-2023, l’Alberta table sur la reprise de l’économie, en particulier dans le secteur pétrolier. Elle espère aussi que la forte baisse des impôts sur les sociétés fera réellement repartir les investissements des entreprises.
Mais il faudra aussi qu’au moins deux des trois projets de pipeline (la ligne 3, Keystone XL et Trans Mountain) se concrétisent et que l’économie mondiale ne connaisse pas de récession importante. Dans ce cas-ci, le gouvernement pourrait faire encore davantage de compressions dans le budget pour parvenir à l’équilibre.
Ce gouvernement est tout à fait prêt à regarder ses options et à aller vers des réductions de dépenses supplémentaires.
Ce budget tourne la page de l’ère néo-démocrate, pendant laquelle les dépenses et la dette, ont augmenté malgré la faiblesse de l’économie des dernières années.
Le budget est habituellement présenté au printemps, mais les élections provinciales ont retardé l’exercice cette année. Le ministre des Finances, Travis Toews, devrait présenter en mars 2020 un second budget, avec de nouvelles mesures d’économies.
Hausses ciblées des dépenses
Le ministère de la Santé bénéficie d’une petite hausse, avec notamment 140 millions de plus pour la santé mentale et la lutte contre les dépendances.
Dans le domaine de l'éducation, les dépenses seront stables pour les quatre prochaines années, malgré la hausse attendue de 2 % du nombre des élèves dans les écoles. Le gouvernement assure que les conseils scolaires sont en bonne santé financière et qu’ils peuvent puiser dans leurs réserves.
Le gouvernement annonce la construction de 25 écoles environ dans les quatre prochaines années. C’est similaire à ce que le gouvernement de Rachel Notley avait réalisé chaque année.
Les services sociaux sont aussi largement épargnés.
Compressions pour les universités et les étudiants
Certaines des compressions les plus spectaculaires viseront les établissements postsecondaires. Les universités et les collèges verront leur subvention baisser en moyenne de 5 %. Le gouvernement veut revoir en profondeur leur mode de financement afin, notamment, de récompenser les universités les plus performantes.
Les étudiants doivent s’attendre à payer une plus grande part du coût de leur formation. D’une part, les frais universitaires pourront augmenter jusqu’à 10 % dans certains programmes, et d’autre part, le crédit d’impôt offert aux étudiants va disparaître.
Les anciens étudiants endettés auprès de la province verront les taux d’intérêt augmenter de 1 point, le 1er avril.
Les Albertains touchés
Le montant que les Albertains peuvent déduire de leurs impôts ne sera plus indexé sur l’inflation, ce qui permettra au gouvernement de trouver 600 millions en quatre ans.
Ceux qui reçoivent l’Allocation pour les personnes handicapées (AISH) ne bénéficieront plus non plus d’une augmentation du montant de l’inflation. Cette mesure permettra d’économiser 10 millions de dollars et touchera une population particulièrement défavorisée, ce qui a déjà indigné la cheffe de l’opposition, Rachel Notley.
Des hausses de taxes ciblées viseront les fumeurs, ceux qui visitent les musées ou encore les ventes immobilières.
Moins de dépenses d’infrastructures
Les grandes villes devront accepter une baisse des montants versés pour les aider dans leurs infrastructures. Les autoroutes de la province seront moins entretenues, et la construction d’un nouvel hôpital à Edmonton, repoussée de trois ans.
Le gouvernement prévoit la construction de 25 nouvelles écoles, un nombre similaire à celui des années passées. Le gouvernement n’a cependant pas précisé s’il comptait financer d’autres projets dans les années à venir.
Risques sur la croissance
Le gouvernement pense que l’économie albertaine restera fragile et prévient qu’un ralentissement de l’économie mondiale pourrait se traduire par des pertes en milliards de dollars pour le budget.
La croissance devrait atteindre seulement 0,6 % en 2019 et remonter à 3 % en 2022. Le taux de chômage pourrait redescendre à 5,2 % en 2023, contre 6,6 % actuellement.
Petite réduction de la dette
Ces économies devraient permettre un retour à l’équilibre budgétaire en 2022-2023, avec même un petit surplus cette année-là.
La dette, elle, devrait continuer d’augmenter, à peine moins vite que les projections du gouvernement néo-démocrate. Les conservateurs estiment que la dette atteindra 93 milliards de dollars en 2023. « C’est vraiment une dette importante », a concédé Travis Toews.
« Vous paierez plus pour avoir moins »
La chef de l’opposition Rachel Notley s’est empressée de critiquer les compressions annoncées jeudi accusant Jason Kenney de faire payer tous les Albertains pour « les cadeaux fiscaux qu’il a accordés aux grandes entreprises et les super riches ».
En un mot, c’est « un mensonge », résume-t-elle. Jason Kenney a fait campagne en promettant de nouveaux emplois en Alberta, mais depuis l’adoption des réductions fiscales aux grandes entreprises, 27 000 emplois ont été perdus dans la province, estime la chef néo-démocrate qui dénonce du même souffle que les services aux citoyens seront réduits.
Les frais de scolarité vont augmenter, votre facture d’électricité et d’assurance aussi.
Les personnes vivant avec un handicap et les enfants avec des difficultés d’apprentissage écoperont, déplore Rachel Notley. Elle souligne également la réduction du budget alloué aux infirmières, aux médecins en région rurale, aux ambulances et à l’accès aux médicaments.