Theresa May, affaiblie par plusieurs revers, a défendu bec et ongles le bien fondé de son accord sur le Brexit mardi devant le Parlement en ouvrant cinq jours de débats qui se solderont par un vote sur le texte, déterminant pour l’avenir du Royaume-Uni.
Signe de l’extrême faiblesse de la Première ministre britannique, son gouvernement a perdu mardi un vote clé sur le Brexit, juste avant le début des débats.
Les députés ont estimé, à 311 voix contre 293, que le gouvernement avait commis un « outrage au Parlement » en refusant de publier l’intégralité d’un avis juridique sur l’accord de Brexit, âprement négocié durant 17 mois avec Bruxelles.
« C’est très significatif sur les plans constitutionnel et politique. Le fait que cette Chambre estime que tout le gouvernement a commis un outrage est sans précédent », a commenté le député de l’opposition travailliste Keir Starmer.
Face à ce nouveau coup dur, le gouvernement conservateur a immédiatement fait amende honorable et promis de publier « l’avis final et complet » rédigé par l’Attorney General (membre du gouvernement chargé de le conseiller juridiquement) « demain » (mercredi).
Ce vote a retardé de plusieurs heures le début de cinq jours de débats parlementaires sur le traité de retrait du Royaume-Uni de l’UE, qui risque fort d’être recalé par la chambre des Communes lors d’un vote historique le 11 décembre.
Le texte déçoit tant les plus fervents « Brexiters », qui craignent un amarrage permanent du Royaume-Uni à l’UE, que les europhiles espérant encore pouvoir faire marche arrière.
Épine supplémentaire dans le pied de l’exécutif, le Parlement a aussi voté mardi un amendement lui donnant davantage voix au chapitre si l’accord est rejeté.
« Humiliation »
» La seule solution qui perdurera est celle qui répond aux inquiétudes de ceux qui ont voté pour le retrait tout en rassurant ceux qui ont voté pour le maintien », a déclaré Theresa May en ouvrant les débats.
« Cette querelle a suffisamment duré. Elle est destructrice pour notre système politique, et la vie est faite de compromis », a-t-elle poursuivi, soulignant que son accord respectait le résultat du référendum de juin 2016 ayant acté le Brexit. Mais son appel à l’unité a été régulièrement interrompu par des députés remontés.
Pour le leader des travaillistes, Jeremy Corbyn, l’accord est « mauvais » pour le Royaume-Uni et son économie.
L’ex-chef conservateur de la diplomatie, Boris Johnson, l’a qualifié d’ » humiliation nationale tournant le Brexit en dérision », empêchant le Royaume-Uni d’avoir le contrôle de sa politique commerciale et de ses frontières.
Le front commun s’opposant à l’accord de Theresa May regroupe l’opposition travailliste, les europhiles du Parti libéral-démocrate, les députés écossais indépendantistes mais aussi le petit parti unioniste DUP, son allié, et de nombreux députés conservateurs.
Le DUP a d’ailleurs voté contre le gouvernement mardi, a reconnu son chef de file, le député Nigel Dodds.
Menacée d’un échec au Parlement, la cheffe du gouvernement a fait planer la menace d’un départ de l’UE sans accord, avec de lourdes conséquences pour l’économie britannique. Elle a aussi averti qu’il pourrait bien ne pas y avoir de Brexit du tout.
Elle joue aussi son avenir. Le Labour compte déclencher une motion de défiance si elle ne parvient pas à faire adopter le texte. Sans compter les eurosceptiques de son propre camp qui voudraient aussi la renverser.
« Case départ »
Les partisans d’un second référendum ont eu de quoi se réjouir mardi: le Royaume-Uni pourrait, s’il le souhaite, décider unilatéralement de renoncer à quitter l’UE, a estimé l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un avis ne liant pas les juges de l’institution.
Mais cela « nous ramènerait à la case départ », a prévenu Mme May. « Ce pays ne peut se permettre de passer les dix prochaines années à tourner en rond autour de la question de notre relation avec l’Union européenne ».
Le traité de retrait comprend notamment la facture du divorce dont devra s’acquitter le Royaume-Uni, évaluée entre 40 et 45 milliards d’euros, garantit les droits des expatriés européens et définit une période de transition qui commencera après le Brexit, prévu le 29 mars, pour durer jusqu’en décembre 2020.
Il prévoit aussi un « filet de sécurité » pour éviter le retour à une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et l’Irlande et préserver la paix sur l’île.
Ce mécanisme controversé, qui consiste à créer un « territoire douanier unique » englobant l’UE et le Royaume-Uni, avec un alignement réglementaire plus poussé pour l’Irlande du Nord, n’entrerait en vigueur qu’après la période de transition, si aucune meilleure solution n’était trouvée.