Le rédacteur en chef de Politique Magazine Philippe Mesnard revient pour RT France sur la rencontre historique entre le président Français Emmanuel Macron et son homologue russe Vladimir Poutine. La France saura-t-elle tenir le pari russe ?
Macron, c’est un peu la Greta Thunberg de la diplomatie. «I want you to panic». Le voilà à nouveau sur tous les fronts, donnant son avis sur tout, expliquant l’Amazonie aux masses, le Brésil à Bolsonaro, la démocratie aux Anglais et la Russie à Poutine. À chaque fois, il est là pour enseigner, avertir, alerter et prêcher le monde entier – quitte à se contredire et à asséner doctement des approximations. Mais ce n’est pas grave. Après tout, il ne bat les estrades officielles et n’anime de sa juvénile présence les rencontres internationales que pour un seul public : les Français.
Qui d’autre que les Français sont prêts à croire que la rencontre de Brégançon va permettre de régler le problème du Donbass, comme l’ont prétendu le président français et son équipe de communication ? Qui d’autre que les Français pour croire que Macron va réellement «réarrimer la Russie à l’Europe, parce que c’est son histoire, son destin et notre intérêt» ? Non, Macron, là comme ailleurs, ne cherche qu’une nouvelle dynamique qui lui permettra d’affirmer qu’il garde le cap.
Non pas que régler le problème du Donbass soit une ineptie ou qu’arrêter de suivre aveuglément les consignes des néo-conservateurs américains soit une mauvaise idée. Je ne sais pas si le destin de la Russie est de s’arrimer à l’Europe (elle me paraît assez bien arrimée à l’Eurasie, qui est une donnée géographique incontestable – mais on sait qu’avec un président qui pense que la Guyane est une île, la géographie n’est pas un outil politique), mais je suis à peu près certain que les Russes n’ont pas attendu Macron pour le leur révéler, surtout un Macron qui demande à Moscou de demander à Téhéran de respecter un accord que les Etats-Unis ont rompu. C’est pas crédible, comme on dit en regardant Plus belle la vie.
Vladimir Poutine est venu à Brégançon rencontrer un président français qui, depuis son élection, est un partisan convaincu de l’Union européenne, à qui il n’arrive pourtant jamais à imposer ses vues et encore moins ses volontés ; un président qui admoneste régulièrement la Russie sur les droits de l’homme en feignant d'ignorer que la manière dont la France a réprimé les Gilets jaunes a scandalisé le monde ; un président qui a joué à être fort en étant insultant ; un président qui, au Moyen-Orient, joue un jeu que personne ne comprend, sauf à considérer que nous sommes les valets des Américains ; un président qui fixe des caps, trace des lignes rouges et prétend faire renaître l’Europe tout en guidant la Russie vers son destin alors même qu’il efface la France, à Marrakech ou à Aix-la-Chapelle, et renie son histoire.
Vladimir Poutine est venu rencontrer un président français dévoré d’ambition et qui se sert de la France comme d'un marchepied. Mais peut-être cette rencontre est-elle effectivement une chance pour la France. Macron veut se poser, une fois de plus, en sauveur de l’Europe. Sa diplomatie se résume à croire que la politique de Trump et le Brexit lui donnent de l’oxygène. Il voit dans la Russie de Poutine, qu’il a contribué à isoler, une opportunité de se mettre en scène. Qu’il la saisisse et peut-être la France pourra-t-elle en bénéficier. Si la France, rassemblant les débris de sa crédibilité diplomatique, se rappelant qu’elle est la seule armée européenne qui vaille, se souvenant de son rang et de l’audience qui fut la sienne, réussit à imposer la Russie à l’Union européenne et aux États-Unis, elle aura réussi à regagner la place qu’elle avait perdue.
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