Élections fédérales

Bloc, Bloc, Bloc, et re-Bloc !

Le Québec ne peut compter que sur lui-même, et c’est le sens de la présence du Bloc à Ottawa

Chronique de Richard Le Hir

À lire certains commentaires qui parviennent jusqu’à Vigile et dont quelques uns semblent sincères mais dont la plupart sont tout ce qu’il y a de plus suspects et intéressés, le temps serait venu pour les Québécois de voter « utile » à Ottawa et de se détourner du Bloc Québécois pour privilégier plutôt les Libéraux, les Conservateurs ou le NPD.
Ce serait oublier les événements qui ont mené à la création du Bloc en 1993. En effet, ce parti est né dans la foulée de la non-ratification par certaines provinces de l’Accord du Lac Meech dans le délai prescrit, et du rejet par la population canadienne dans son ensemble de l’Accord de Charlottetown qui devait être substitué au premier.
Ces accords visaient à sceller le retour du Québec dans le giron constitutionnel canadien. Pour ceux d’entre vous qui l’auraient oublié, le Gouvernement du Québec, quelque soit le parti au pouvoir, n’a jamais reconnu la Constitution canadienne issue du rapatriement unilatéral de 1982. Ce refus de reconnaître la Constitution de 1982 se fonde sur l’avis de la Cour suprême du Canada qui avait jugé ce rapatriement illégitime.
Depuis 1993, il n’y a eu aucune discussion entre le gouvernement fédéral et les provinces sur les moyens de remédier à l’illégitimité constatée par la Cour suprême, une illégitimité qui ne concerne pas seulement le Québec, mais le Canada tout entier.
Il n’y a pas un seul autre exemple au monde d’un pays dont l’adoption de la Constitution ait été jugée illégitime par son tribunal suprême. Et il faut qu’il y ait au Canada un degré élevé d’inconscience politique et de mauvaise foi collective pour qu’en près de vingt ans on n’ait pu remédier à un vice aussi fondamental.
Alors, si la situation n’a pas changé, si le Québec se trouve toujours en dehors du giron constitutionnel, pourquoi les Québécois devraient-ils faire semblant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et jouer le jeu du fédéralisme canadien ? S’imagine-t-on un seul instant que leur complaisance leur vaudrait en retour les bonnes grâces du reste du pays ?
L’expérience démontre pourtant exactement le contraire quel qu’ait été le parti au pouvoir. Du PLC de Trudeau, de Chrétien et de Martin sont venus les pires coups que le Québec n’ait jamais eu à encaisser. Et des officines du PLC émanent des odeurs de corruption mafieuse comme en témoigne la présence d’Alfonso Gagliano, ex-ministre de Jean Chrétien, accusé publiquement d’avoir eu de telles accointances, et son rôle actif dans l’affaire des commandites.
Du côté des Conservateurs, ce n’est guère mieux. Les timides tentatives d’ouverture au Québec de Brian Mulroney n’ont jamais été capables de rallier le soutien des Canadiens, comme on l’a vu avec l’Échec de Charlottetown. Et même l’Accord de Charlottetown, une version fortement édulcorée de Meech, a été rejeté par l’ensemble des Canadiens, et tout particulièrement par les Québécois qui y ont tout de suite vu un recul sur Meech qui représentait pourtant les conditions minimales d’adhésion à la Constitution canadienne telles que définies par Robert Bourassa.
Et depuis la fusion du Parti Conservateur avec le Reform Party, le Parti Conservateur a pris des orientations qui heurtent de front les sensibilités des Québécois, que ce soit en matière d’environnement (soutien inconditionnel aux sables bitumineux, dénonciation de l’Accord de Kyoto), d’énergie (intrusion toute récente dans le contentieux Québec/Terre-Neuve sur l’exploitation des ressources hydro-électriques du Labrador), de politique étrangère (participation à la guerre en Afghanistan et maintenant en Libye, soutien inconditionnel des excès du régime sioniste en Israël), de contrôle des armes à feu, de philosophie de justice criminelle, etc.
Certains trouvent maintenant des vertus au NPD. Même si certaines de ses positions peuvent séduire des gens de gauche, il faut d’abord comprendre que le clivage droite/gauche n’a plus aucun sens aujourd’hui. Il est complètement dépassé. Les modèles de gauche ont fait la preuve de leur ineptie, et les modèles de droite sont actuellement en train d’en faire autant. Il ne faut pas s’y tromper, nous sommes désormais en mode survie, et la seule chose qui nous permettra de nous en sortir sera le degré de pragmatisme dont nous saurons faire preuve, sans le moindre égard pour les sensibilités traditionnelles.
De plus, si l’on se réfère au passé, du temps des leaders historiques du NPD qu’ont été Tommy Douglas, David Lewis, ou Ed Broadbent, on se souviendra qu’ils ont toujours favorisé un gouvernement central fort car ils voyaient en celui-ci le seul instrument capable d’imposer leur vision sociale démocrate à l’ensemble du pays. Or un gouvernement central canadien fort est la dernière chose dont le Québec ait besoin. Les véritables héritiers de Pierre Trudeau ne sont pas Libéraux, ils sont Néo-Démocrates, et ni Jack Layton ni Thomas Mulcair ne font exception, pour sympathiques qu’ils soient.
Pour les Québécois, il n’y a qu’un seul choix possible, c’est le Bloc Québécois. Vrai qu’il ne prendra jamais le pouvoir à Ottawa. Normal puisque l’issue à nos problèmes n’est pas au Canada. Vrai que le Québec a de moins en moins de poids dans les affaires du pays. Mais si vous croyez qu’il en a déjà eu autrement qu’en se reniant lui-même, vous vous mettez le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate. À Ottawa, les Québécois qui ont réussi ont toujours été instrumentés contre le Québec au bénéfice du reste du Canada.
Triste constat, mais le Québec ne peut compter que sur lui-même, et c’est le sens de la présence du Bloc à Ottawa.


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8 commentaires

  • Michel Pagé Répondre

    13 avril 2011

    Mes salutations Monsieur R. Le Hir,
    Toutefois,
    Un dossier dont le Bloc aurait dû s’occuper :
    http://www.vigile.net/Francophones-...
    et un autre encore, puisqu’il avait un représentant (des députés assez jeunes et inexpérimentés !) au Comité de l’immigration et de la citoyenneté :
    Les niveaux d’immigration à portes ouvertes depuis 2000, une immigration largement anglophone et anglotrope et des niveaux trop élevés.
    Hier lors du débat en anglais le BLoC n'a pas abordé la question du déséquilibre dans la composition linguistique des immigrants, anglophones ou anglotropes à plus de 90%. A mon sens, seul le NPD a une juste vision de ce que devrait être la politique linguistique pan canadienne, sans doute à cause d ela présence dans les rangs du NPD de M. Yvon Godin et de M. Thopmas Mulcaire.
    Personne n,a relevé que le questionnaire court imposé par les conservateurs risque de pénaliser les francophones hors Québec. Les niveaux trop élevés d'immigration à portes ouvertes représente une sorte de plan d'assimilation des communautés francophones hors-Québec.
    Moi, à cette élection-ci, je voterai NPD.
    Bien votre.
    Michel P.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 avril 2011

    En effet M. Le Hir, beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi tant de québécois votent encore et encore pour le Bloc, malgré que ce parti n'ait aucune chance de former un gouvernement. Le raisonnement de ces électeurs est pourtant simple: les québécois forment une nation et en ce sens leurs députés à Ottawa se doivent de ne représenter que le Québec, et rien d'autres. Pour ces électeurs, un député fédéraliste est automatiquement en conflit d'intérêt, parce qu'il prendra toujours l'intérêt du Canada avant celui du Québec. Cela dit, il n'agit pas ainsi par méchanceté, mais parce que c'est dans la nature des choses, vu son appartenance à un parti fédéraliste. Les députés du Bloc, quant à eux, ne visent que les intérêts du Québec et rien d’autres.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 avril 2011

    Le discours du PCC dans cette élection révèle encore une fois la partisannerie crasse des politiciens de ce parti. Depuis 2006, le gouvernement Harper a rejeté avec trop souvent l’appui des autres partis fédéralistes presque toutes les revendications du BQ qui pourtant représente adéquatement l’électorat du milieu, de plus le BQ vient cimenter les demandes du Québec à Ottawa dans la plupart des dossiers.
    Pourquoi le PCC ne répond pas positivement aux revendications du BQ. En répondant favorablement au BQ, la députation du PCC au Québec admettrait son incapacité à représenter les besoins de l’électorat Québécois, alors que ceux-ci devraient se réjouir du d’avoir contribué positivement au milieu régional. Ici, les députés du PCC ne peuvent répondre aux intérêts des régions, ils doivent impérativement rejoindre l’objectif national, alors mon œil le parti des régions.
    Dans notre Québec particulier, il devient évident que le gouvernement central avec des députés qui spéculent avec les électeurs ne pourront jamais plus répondre adéquatement aux régions, il faut en déduire que nous avons un niveau de gouvernement inutile dans ce Québec particulier et c’est celui d’Ottawa. A Forgues, Lévis

  • Isabelle Poulin Répondre

    9 avril 2011

    Projet de loi c-474 résultat du vote : http://www.greenpeace.org/canada/fr/Blog/ogm-projet-de-loi-c-474-battu-mais-majoritair/blog/33277
    Duceppe et Mulcair ont voté pour les études d'impact avant de mettre des produits OGM sur le marché. Je propose qu'on vote en fonction d'écarter ceux qui ont voté contre. Pour être député il faut être conscient que ça prend un minimum de précautions !

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2011

    Voter autrement que Bloc c'est voter pour ceux qui détruisent la Nation québecoise , c'est voter pour être minoritaires dans des partis anglos canadians, et se faire mépriser par des lois qui vont contre toutes les aspirations de la Nation Québecoise et voter pour disparaître dans la majorité anglos saxonne royaliste multiethnique et pour des red necks résolument ennemis jurés du Québec .
    Un Québecois qui vote autrement que Bloc vote contre nous tous , contre sa famille et contre lui même , il vote pour se désavantager , pour se faire mépriser et se faire déposséder de tout .
    Voter autrement que Bloc c'est un vote pour se suicider, pour s'appauvrir pour se fermer le monde pour devenir un second violon, et devenir un faire valoir un vulgaire traducteur de service .
    Voter Bloc pour s'affirmer, pour exister pour s'exprimer , pour se représenter, pour être , pour avoir , pour vaincre , pour se libérer pour gagner, pour cesser de survivre au lieu de vraiment vivre .
    Votons pour nous voton BLOC en BLOC
    Tétraèdre

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2011

    Comme une locomotive attendant patiemment en gare depuis 1995 à Ottawa,la meilleure manière de faire disparaître le Bloc est de sauter dans le train de la souveraineté.
    Dans le cas d'un flop,la leçon qui ressortira de cette époque ou le Bloc faisait face à des critiques de plus en plus virulentes de la part de québécois sur la raison même de son existence,sera que les québécois eux-mêmes ont voulu le beurre et l'argent du beurre sans prendre les responsabilités attachées à la fondation d'un pays,celui du Québec.
    Comme disait Falardeau,la Liberté n'est pas une marque de Yougourt et nous sommes les premiers à devoir prendre nos responsabilités.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2011

    D'accord avec vous, la seule façon pour la nation québécoise de voter «utile» à Ottawa c'est de voter "en bloc" pour le Bloc Québécois.
    Jacques L. (Trois-Rivières)

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    9 avril 2011

    De la pertinence du Bloc.
    (Je ramène ici un petit commentaire fait ailleurs)
    ...
    Dans la vrai vie, on a le choix d’être représenté par le Bloc, voué à la défense des intérêts supérieurs de l’État du Québec. Ou se faire représenter par des adversaires ayant le mandat de parler en notre nom pour défendre les intérêts d’un autre État contre les nôtres. Simple constat qui me semble assez clair.
    La résilience du Bloc à Ottawa veut dire quoi ? Entre autre :
    Le Bloc représente la nation (La longue marche des Habitants) , celle dont P E Trudeau niait l’existence, (en tentant de la dissoudre dans le multiculturalisme). Les libéraux qui voulaient mettre le Québec à sa place se sont buté sur la nation représentée par le Bloc et ce sont eux-mêmes fait mettre à leur place : Le Parti Libéral du Canada, comme parti naturel de la gouvernance a été poussé dans la marge du pouvoir, en chemin pour la poubelle de l’histoire. La victoire du Bloc est assez claire ici ; pas encore la souveraineté mais une étape importante qui y mène.
    Le PLC écarté du pouvoir. Cela nous laisse avec les conservateurs de l’Alberta en contrôle à Ottawa. En toute circonstances, il faut de demander en quoi cela sert notre cause. Et les Conservateurs au pouvoir font notre jeux, puisque leurs politiques éloignent le Canada du Québec. Avec la reprise du pouvoir par le PQ à Québec, on verra clairement 2 États qui s’éloignent l’un de l’autres (la mitose) . Ce qui laisse entrevoir la rupture.(Il faut lire la politique en temps long)
    Autre avantage déterminant du Bloc à Ottawa. L’expertises acquises par une équipe politique dans la gouverne d’un État souverain. Cette expertise crucial que l’on pourra mettre à profit pour la suite de notre projet ne se décrète pas ; il faut s’investir pour l’acquérir. Entre temps, chaque bureau de comté du Bloc suppose des moyens logistiques et matériels contrôlés par des souverainistes plutôt que par des fédéralistes.
    Ce ne sont là que quelques éléments qui militent en faveurs de la présence du Bloc à Ottawa.
    Fondamentalement la résilience du Bloc vise à imposer au ROC la reconnaissance de la réalité géopolitique de l’État nation du Québec (in your face) . Pour le moment il sont dans le déni (d’où leurs frustrations et le racisme qui en découle).
    Quand le ROC acceptera de reconnaître le Québec comme une ’’Nation State’’, la victoire sera à porter de main, acquise sans grand risque, ce que souhaite d’instinct les Habitants.
    Le Bloc c’est la stratégie que les Habitants ont adopté pour faire perdre la légitimité du Canada sur notre territoire, en attendant le Grand Soir.
    JCPomerleau