POST MORTEM DU PATIENT TOUJOURS VIVANT
« Tout ce qui grouille, grenouille et scribouille n’a pas de conséquence
historique !». Qui a prononcé cette sentence historique ? Le quidam
Jean-François Lisée, animateur télé, ancien conseiller de certains chefs
chauvins du Parti québécois et précédemment militant « communiste ouvrier »
à temps partiel, les jours fériés et les week-ends, a commis un éditorial
sur son blogue. Mine de rien le péquenot fait le bilan de la grève
étudiante et il attribue les fruits du conflit à la bourgeoisie (1).
Le scribouilleur se permettait un post mortem de la grève étudiante des
semaines avant que la mort du patient ne soit avérée – façon d’appeler les
étudiants à renoncer et à capituler. C’est un peu le message de son mentor
- le toupet-à-Bouchard - un réactionnaire ex-vedette péquiste devenu
lucido-fascisant et promoteur schisteux en compagnie d’une bande de « has
been sur le retour » (les compères Faical, Martineau, Mario l’oublié, et
autres pestiférés des médias sous influence) qui récemment nous accablaient
de leur avis non-sollicité à propos de la grève étudiante. Enfin, comprenez
bien, l’expérience militante du crypto-lucide Lisée se résume à quelques
piquetages en vadrouille devant une demi-douzaine d’usines fermées dans un
lointain passé oublié…
L’attaque de son Requiem sur la grève étudiante va comme suit : « Vive la
pub pour les universités ! ». Ridicule, n’est-ce pas ? Pour les fils de
grands bourgeois, cette grève signifie qu’ils ne peuvent vaquer
paisiblement à leurs études et obtenir leur diplôme au milieu des
frivolités qu’ils ont les moyens de se payer. C’est la pagaille, dirait
Bouchard le facho « de souche ». Les partisans étudiants peuvent à tout
instant interrompre les études doctorales des dilettantes, de quoi
décourager de s’inscrire au chic McGill University. Ce n’est pas une très
bonne publicité, vous en conviendrez.
Pour les fils d’ouvriers et de petit-bourgeois en cours de paupérisation,
l’échec de la revendication du gel des droits de scolarité signifie qu’ils
devront travailler davantage à la quincaillerie, à la librairie, à la
cafétéria, dans un restaurant ou dans un supermarché, ou encore se dégoter
un deuxième emploi tout en poursuivant leurs études à plein temps - s’ils y
parviennent - et cela, tout en s’endettant davantage (2). Il est maintenant
admis que la hausse des droits de scolarité n’est qu’une étape sur le
sentier de la privatisation des universités et de leur assujettissement
total aux intérêts des grandes entreprises monopolistes ; à cette fin
Charest devait rendre le pactole plus alléchant pour les entreprises en
haussant le financement par les étudiants. Même s’ils n’ont pas gagné la
partie, les étudiants par leur action résolue ont sérieusement compromis ce
plan secret du gouvernement Charest. D‘autant que la grève pourrait
reprendre l’an prochain ou dans deux ans, plus dure et plus acharnée. Qui
veut hériter d’un système universitaire aussi instable et révolté ?
Pour les fils de familles pauvres (une portion des étudiants est issue de
ces milieux), ça signifie : une bourse d’études certes un peu plus élevée
assortie cependant d’un prêt beaucoup plus accablant, donc un endettement
plus important à la fin du parcours, si jamais ils le complètent. Certains
statisticiens évaluent à 6000 par année le nombre de jeunes qui
abandonneront les études suite à ces hausses de droits de scolarité de 1
779 $C (82 % de hausse des droits en sept ans) (3).
LEADERSHIP ET MILITANTISME
« La grève a permis de connaître des leaders étudiants modèles », nous
suggère l’intellectuel – prenant grand soin de nous décrire sa vison
fantasque des jeunes de cette génération. Et ce péquiste repenti de nous
dépeindre ces chefs étudiants en arrivistes articulés, intelligents,
sournois, égocentriques, intéressés et déjà prêts à poursuivre leur
carrière sur les banquettes de l’Assemblée nationale – remake de la
carrière des péquistes Landry, Charron, Faical, et Bouchard. Les assemblées
générales étudiantes, en rejetant la dernière « entente » signée
(6.05.2012) par les leaders étudiants, prouvent que des choses ont changé
parmi les associations étudiantes québécoises.
À L’ÉCOLE DE LA DÉMOCRATIE BOURGEOISE
Et le gribouilleur de poursuivre son «examen» regardant par le seul bout de
sa lorgnette embuée : « la grève étudiante serait une école de « Démocratie
», clame-t-il. On ne peut dire plus vrai, papa Lisée. Heureusement que vous
êtes resté assis sur la clôture avec M. Martineau et Mario l’oublié à
regarder passer la manif au lieu de venir nous encombrer de vos
billevesées.
La démocratie des riches s’est étalée sans fard – nue – face à tous les
belligérants de ce combat de titans. La « démocratie » des riches a fait fi
de la volonté de 200 000 étudiants (22.03.2012), la grande majorité des
universitaires, traités avec désinvolture et condescendance par la « mère
supérieure » du ministère (4). Quelques années auparavant, la « démocratie
» des riches avait d’abord convié les représentants étudiants à des
discussions – sous agenda imposé et scellé. Le premier Ministre leur avait
dit alors : « Je réunis des intervenants des entreprises pour discuter du
montant et des modalités de la hausse des frais de scolarité ; aucun autre
sujet ne peut être abordé et surtout pas question de proposer le GEL DES
DROITS DE SCOLARITÉ. À qui la parole ? » avait ajouté Charest - le bonnet
d’âne. Les représentants étudiants venaient de vivre l’expérience de leur
pseudo « démocratie » (5).
N’oublions pas les centaines de contraventions ahurissantes (500 $) et
d’arrestations préventives (arbitraires) sur présomption de culpabilité de
centaines d’étudiants manifestants, encore une démonstration de la
dictature bourgeoise. Les ministres ont expédié leur flicaille pour
matraquer, tirer et blesser les étudiants manifestants, ces enfants du
peuple tenant leurs lignes de piquetage légales et démocratiquement
entérinées (6).
Les tribunaux des milliardaires ont été appelés à la rescousse pour
renforcer le sentiment « démocratique » des étudiants ! Et les injonctions
des tribunaux à la solde sont tombées sur les grévistes. Vous me permettrez
de ne pas m’appesantir sur la collusion totale des médias bourgeois
cherchant en entrevue à diviser les représentants des associations
étudiantes – à dénigrer les étudiants, à les décourager de continuer leur
juste résistance contre la hausse. Après dix semaines de silence
indifférent de la part du gouvernement, les médias québécois ont eu
l’outrecuidance d’accuser les étudiants de ne pas vouloir négocier et ils
ont appelé le gouvernement à être plus sévère envers ces jeunes adultes
fréquentant l’école buissonnière.
Voilà la « démocratie » des riches et leurs organes d’information en
action. Il ne manque qu’une loi spéciale autoritaire exigeant le retour en
classe pour mettre le dernier clou au cercueil de leur pseudo « démocratie
». C’est justement ce qu’est venu exiger Bouchard, l’ex-Premier péquiste, à
la télé un soir passé. Excellent apprentissage de la vérité sur la
démocratie bourgeoise, monsieur le crypto-lucide Lisée. Il y a là un savoir
indélébile qui restera gravé dans la mémoire de chaque gréviste. Attendons
une résurgence de cet affect un jour de grande tempête sociale à venir (7).
PRINTEMPS SIROP D’ÉRABLE
Pour la finale, notre sévère éditorialiste se métamorphose en humoriste.
Après avoir fait montre de chauvinisme nationaliste au paragraphe
précédent, le voici tendant l’oreille vers « l’universel d’un monde
transcendant ». « Printemps érable » écrit-il. « Printemps sirop » serait
plus à propos.
Il n’y a pas de « Printemps érable », n’en déplaise aux tenants du Grand
Soulèvement. La vindicte populaire est grande contre le gouvernement
Charest, et les manifestations qui en attestent sont immenses (300 000
manifestants dans les rues de Montréal le 22 avril dernier). Mais ces
démonstrations de frustration ne sont pas suffisantes pour entraîner le
renversement du pouvoir bourgeois qui sévit à Québec autant qu’à Ottawa.
La grogne collective est grosse d’un « printemps québécois et canadien »
qui se fait malheureusement attendre. Pour ma part, je dirais que cette
attente est préférable. Les conditions subjectives d’un tel soulèvement ne
sont pas réunies, si bien qu’une telle révolte générale serait pour le
moment noyée dans le sang.
ILS FONT LEURS CLASSES
Le véritable bilan que l’on peut tirer de cette grève, c’est que des
milliers et des milliers d’individus jeunes et moins jeunes ont fait leurs
classes révolutionnaires. Ils se sont montrés déterminés, disciplinés,
ordonnés de manière exemplaire. Ils ont démontré une conscience et une
perspicacité hors du commun. Rien à voir avec la caricature que les médias
tentent de nous présenter de cette génération éperdue. Aucun piège des
médias à la solde, ni du gouvernement en mission commandée, pas même le
bilan tendu par le penseur Lisée ne les a déroutés.
Leur résistance a été menée sur le front économique de la lutte des classes
(la classe en soi, même si ces jeunes ne sont pas encore partie de cette
classe, ça viendra) : pour le droit à l’enseignement supérieur pour les
filles et les fils de la classe ouvrière et de la petite-bourgeoise en
cours de paupérisation ; contre le rejet du fardeau de la crise économique
sur leur dos et contre la privatisation des universités. Le compromis
négocié est l’affaire des étudiants et des étudiantes selon le rapport de
force qu’ils perçoivent. Aux étudiants canadiens et étatsuniens de suivre
l’exemple maintenant !
Cette bataille fut exemplaire. C’est précisément ce qui effraie Charest le
porte-faix, ses sbires et ses maîtres, c’est qu’elle fasse « boule de neige
» lors des prochaines négociations contre la fonction publique provinciale
et fédérale (Harper congédie des milliers de fonctionnaires fédéraux : que
se passe-t-il dans les rangs des fonctionnaires en ce moment ?), ainsi que
dans le secteur privé, contre les monopoles comme Rio Tinto Alcan,
Quebecor, Bell, Air Canada, Couche Tard, etc. Les travailleurs pourraient
se rappeler la façon que les jeunes ont traité avec les bureaucrates, avec
le gouvernement des riches, avec les recteurs d’universités et avec la
police et les autorités judiciaires de service.
Selon les riches c’est un très « mauvais » exemple pour les travailleurs
que cette grève militante des jeunes fils et filles d’ouvriers ! Toute une
pub pour la révolte à venir, messieurs Lisée, Dumont, Martineau et
Bouchard. Entre la conscience de classe en soi (poursuivant des
revendications économiques et sociales) et la conscience de classe pour soi
(poursuivant la revendication ultime et suprême : tout le pouvoir aux
étudiants, aux citoyens des quartiers, aux travailleurs des bureaux, aux
ouvriers des usines, aux autochtones stipendiés et aux prolétaires
exploités), il n’y a parfois qu’un pas, et une étincelle peut alors mettre
le feu à toute la Vallée du Saint-Laurent et plus avant.
_______________________________________
(1) http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/
(2) «Michel Leblanc (Chambre de Commerce) a félicité «la ministre de
l’Éducation et le ministre des Finances d’avoir pris cette décision
éclairée qui vient consolider l’accessibilité aux études supérieures». « La
Chambre de commerce proposait la mise en place d’un tel mécanisme en 2010
dans le Pacte pour un financement concurrentiel de nos universités », signé
par le lucido-fascisant Lucien Bouchard !
http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30668
(3) http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30560
(4) http://www.legrandsoir.info/deux-cent-mille-etudiants-ont-coince-charest.html
(5) http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30541
(6) http://les7duquebec.com/2012/04/04/pour-le-gel-des-droits-de-scolarite-contre-lintervention-policiere-et-judiciaire/
(7) http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30378 et Violence
policière sur :
http://www.facebook.com/notes/mo%C3%AFse-marcoux-chabot/victoriaville-les-balles-de-plastique-sont-identifi%C3%A9es/2697594137991
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
GRÈVE ÉTUDIANTE AU QUÉBEC
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