Voir les Cowboys fringants en spectacle à l'aube de ses 70 ans, c'est spécial!
Ce jeudi soir, 7 avril 2016, je me suis retrouvé avec 800 autres spectateurs de tous âges - même des enfants - à la Maison de la culture de Gatineau, criant et applaudissant, debout du début à la fin…
J'étais certainement l'un des plus vieux et ayant été journaliste une bonne partie de ma vie, mon sens de l'observation finit toujours par prendre le dessus. Ce qui ne m'empêche pas d'être fan inconditionnel…
Le plus frappant fut de voir comment ces gens tranquilles et ordonnés - jeunes et moins jeunes - se sont transformés, dès le premier accord de guitare, en foule déchaînée, hurlant et chantant avec les Cowboys des chansons et des airs que la moitié de la salle connaissait par coeur...
Plus personne n'était assis. Ceux et celles qui le pouvaient se sont massés contre la scène. Jusqu'au dernier rappel, l'auditoire et les musiciens-interprètes ne feront plus qu'un! La foule fredonne et chante à tue-tête avec le groupe, tape des mains, sautille, danse, répond au moindre voeu de la scène où s'époumonent Karl, Marie-Annick, Jean-François, Jérôme et le reste de la troupe…
L'espace d'une soirée, 800 personnes font ce qu'elles n'oseraient jamais, ailleurs. Entonnent des airs de rébellion, poings levés, crient leur colère contre les exploiteurs, les pollueurs, les politiciens corrompus, mettent le Québec en berne, dénoncent «le français au pilori» dans «Montréal City». Le tout à des rythmes infernaux qu'accentuent deux batteries et une basse débridée!
«Comment chanter ce qu'on ne sait pas dire?», demandait Louise Forestier en 1973 dans son percutant hymne Pourquoi chanter? Les Cowboys ont apparemment trouvé la réponse à cette question. Le temps d'un spectacle, nos bardes nationaux libèrent la parole réfoulée et les émotions enfouies. On chante ce qu'on n'osera jamais dire demain, et surtout ce qu'on n'osera jamais faire…
Les Cowboys perpétuent ainsi une très vieille tradition. Réprimés par les Anglais, asservis par une Église où tout était péché, nous avons malgré tout, à travers l'histoire, conservé nos chansons, parfois grivoises, et défié les curés avec nos violons, le tapage de pieds et la danse. La musique a été et reste le miroir de notre âme, bien plus que les bulletins qu'on dépose dans les urnes aux quatre ans…
Depuis près d'une vingtaine d'années, les Cowboys fringants jouent, crient et chantent ce que «nous» sommes. Cette originalité, cette unicité, cette lumière intense que notre petite nation projette parfois dans la nuit de l'univers. L'affirmation musicale que ce «nous», trop souvent attaqué par un multiculturalisme assassin, reste un élément précieux voire essentiel de la diversité planétaire.
Dans cette deuxième rangée de la salle Odyssée, tout près du groupe, en voyant Marie-Annick, Karl et les autres dégainer chanson sur chanson, en entendant le violon, l'accordéon et les guitares, en m'épuisant rien qu'à les voir danser et courir sur la scène, j'ai compris que ma réaction était viscérale. Que cette musique est au fond de nous, qu'elle garde notre âme en vie, qu'elle est au coeur de cette «mère-chanson» de Fred Pellerin, et qu'elle bloque la voie à l'oubli… Nous ne sommes peut-être pas que des Étoiles filantes...
«Quand un peuple perd la mémoire, c'est son âme qui crie famine», chantent les Cowboys dans Louis Hébert, de leur plus récent album, Octobre. Jeudi soir, j'ai nourri mon âme.
Merci les Cowboys. Et en attendant ce jour où, dans un monde de justice et de fraternité, on pourra se serrer doucement les uns contre les autres en chantant Tant qu'on aura de l'amour, je continuerai de me régaler de vos plus belles et rebelles chansons.
Et mon slogan sera désormais un mot simple, bien à nous, que je trouve irrévérencieux, un défi de fermeté et de bonne humeur que vous, les Cowboys, avez repris à la mode du jour:
AWIGNAHAN!*
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Voir, pour l'origine d'Awignahan http://bit.ly/1Q0jBGF
Et la chanson des Cowboys fringants http://bit.ly/22k1Wkb
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